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Un peu d’histoire

  

On y revient à ces notions de terroir que, il y une cinquantaine d’années les haras nationaux avaient mis sous le coude en créant l’appellation Selle Français. La vulgarisation de l’insémination artificielle en congelé a permis une totale circulation de la semence des performers. Pourtant, les éleveurs tiennent à leur terroir, symbole d’un savoir-faire, d’un modèle, d’une génétique. Sans autre prétention que celle de rappeler ce qu’étaient ces terroirs, leur personnalité et leur richesse, nous publions ci-dessous une étude retrouvée dans un ouvrage qui date de 1938. Certains et même beaucoup y retrouveront leurs racines. En plus, c’est « collector », même wikipédia ne sait pas cela...


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I. Le cheval du Charolais.


Viticole et producteur d’un vin réputé sur les pentes Est des collines du Mâconnais, uniquement agricole dans l’arrondissement de Louhans et dans la plus grande partie de celui de Chalon-sur-Saône, le département de Saône-et-Loire est, dans les arrondissements de Charolles et d’Autun, couvert de beaux et riches herbages où, à côté de la célèbre race bovine blanche, sont élevés les chevaux si connus du Charolais.


C’est dans la région montagneuse qui sépare la vallée de la Loire de celle de la Saône, dans les vallées secondaires de la Grosne, de la Guye, de l’Arroux, de l’Arconce, de la Bourbince et du Sornin que se trouve la région d’élevage la plus dense. C’est, a-t-on dit, « l’Irlande de la France ». Elle s’étend également, débordant le département de Saône-et-Loire, dans la Nièvre, région de Cercy-la-Tour ; dans l’Allier, région de Moulins et de Montluçon et dans la partie de l’arrondissement de Roanne qui touche le département de Saône-et-Loire.


Origines – Si l’on en croit les chroniques, l’ancien cheval de cette région à la même origine que le limousin, qui aurait pour ancêtres les chevaux arabes pris aux Sarrasins après la bataille de Poitiers.


Sans remonter si loin, le cheval charolais se rattache à la race du Morvan, connue de longue date pour sa rusticité et son endurance.


Les veneurs des nombreux équipages de la région s’y remontaient en animaux infatigables : chevaux de taille réduite, sans grande discussion, souvent lourds dans leur chef et négligés dans leur rein, mais à la poitrine remarquablement profonde et aux hanches puissamment éclatées. Leurs prouesses ont été contées par le marquis de Foudras, dans les Gentilshommes Chasseurs.


Cette jumenterie « morvandelle » se trouve à la base de la race charolaise. Ce n’est d’ailleurs pas seulement à la chasse que ses produits avaient donné des preuves de leur fond extraordinaire. L’éleveur du Morvan et du Charolais devait vendre ses bœufs dans les foires importantes et c’est une bidette de la même souche qui, sous l’homme d’abord, puis attelée quand les routes le permirent, menait dans une nuit (pour revenir la nuit suivante) l’emboucheur au marché de bestiaux de Lyon ou de Villefranche (soit 100 à 120 kilomètres à chaque trajet).


Après 1870, un certain nombre de juments de l’armée de Bourbaki restèrent dans le pays, lors du passage de cette armée en Suisse ; elles étaient, pour la plupart, d’origine normande.


Evolution du modèle. – Régions d’élevage. – Mode d’élevage. – Avec le développement du haras de Cluny (1874), l’élevage du demi-sang prend une grande importance, favorisé par la création de la Société hippique de Saône-et-Loire. Des écoles de dressage se fondent et aident puissamment les éleveurs dans la mise en valeur de leurs chevaux.


C’est le moment de la création du concours de Vichy (1888). Les nombreux amateurs constatent la trempe et l’énergie des animaux présentés ; les marchands y traitent des affaires importantes.


Mais, à cette époque, le cheval d’attelage était très demandé, et « le bidet morvandiau » avait surtout évolué vers le type du cheval de harnais.


Depuis une trentaine d’années, poussés par les encouragements donnés dans les concours, par les besoins de la Remonte, les éleveurs se sont nettement orientés vers la production du cheval type selle. Grâce à l’emploi de l’étalon de sang pur, grâce à un choix judicieux des poulinières, ils sont arrivés à produire un excellent hunter.


L’élevage du cheval est pratiqué de concert avec celui du bœuf.


Les chevaux sont en permanence élevés en liberté. Ce moyen d’existence leur donne une endurance et une rusticité remarquables. Nés au pré, ils y restent jusqu’au début de leur année de trois ans. Les plus privilégiés, destinés aux courses de demi-sang et aux concours, mangent de l’avoine à l’âge de deux ans et sont rentrés à l’écurie à l’automne de leur deuxième année.


Suivant la région, le modèle diffère quelque peu. La partie nord de Saône-et-Loire, au sol plus accidenté, à l’herbe fine et substantielle, donne un animal plus sec et plus trempé. C’est le pays des « poids moyens », avec Joncy, La Guiche, Mont-Saint-Vincent, Blanzy comme centres de production principaux.


Dans la partie sud du département, les pâturages très riches en calcaires et en phosphates, produisent des animaux plus sérieux, plus forts dans leurs dessous, plus développés dans leur squelette. C’est Charolles, Paray-le-Monial, La Clayette, avec des animaux distingués et importants à la fois; Cluny, avec des sujets plus charpentés, mais avec un peu moins d’espèce.


A cette dernière région de cheval important et charpenté, nous pouvons rattacher la région de Cergy-la-Tour (Nivernais).


Type actuel du cheval charolais. – Actuellement, le charolais est le vrai type du hunter (poids moyen et lourd). Animal au squelette dense, aux membres d’acier, au type nettement ogival, il a l’épaule longue et oblique, le sanglage très accusé, le garrot sec, les hanches très éclatées (caractéristiques de la race). Au bout d’une encolure brochée droit, la tête est sèche, le front plat, l’œil expressif.


C’est un animal précoce, énergique, doué d’un excellent caractère et d’un tempérament rustique.


Succès en concours et en courses. – A leur modèle harmonieux et séduisant qui les fait toujours brillamment classer, les charolais joignent une qualité de premier ordre ; aussi leurs succès dans les grands concours et les courses sont-ils fort nombreux.


Avant la guerre, c’est Insolent (Hors-d’Œuvre, p.s.) le 1er crack de concours français, mis sur les obstacles par M. Brodin. C’est Jérôme (Violon II, p.s.), Ferranda (Santander, p.s.), Idéal (Vitellius, p.s.), Kléber VIII (Gilbert, p.s.).


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En courses, c’est la fameuse Judelle (Violon II, p.s.), à M. Boyer.


Dans les épreuves militaires, une mention spéciale est due à Amazone (Raffiné, ½ s.) qui, monture du lieutenant de Meslon, eut une série de succès ininterrompus de 1910 à 1914. Elle gagne dans les seules épreuves militaires 30.000 fr.; remportant plusieurs coupes à New-York, Chicago, Londres, Bruxelles, Lucerne…


Son plus beau titre de gloire est d’avoir été une fois deuxième et deux fois première (sur 200 chevaux) dans la coupe du roi à Londres (1912-1913-1914).


Puis voici la mobilisation ; les chariots, en général, au dire des chefs de corps qui les ont utilisés, se montrent de merveilleux troupiers. Comme leurs camarades plus modestes, nos lauréats de concours troquent la selle anglaise contre le paquetage d’ordonnance. Nous en retrouvons plusieurs qui, malgré leurs neuf brisques, font brillante figure. C’est Idéal qui, réquisitionné en 1914, est monture, pendant la campagne, du général Conneau, puis après la guerre, du général Debeney. C’est Kleber VIII qui fait toute la campagne comme cheval d’officier ; puis, récupéré en 1919 par son propriétaire, M. Chevrier, brille, en 1920 et 1921, dans les épreuves d’extérieur et dans les cross. C’est Inca (Saïtapharnès, p. s.) qui, lauréat du concours en 1913 et 1914, est requis; puis, remis sur les obstacles après la guerre, est, avec le lieutenant Carbon, un des bons sauteurs de concours militaires. Je ne voudrais oublier les deux propres frères, Joyeux et Tapageur, tous deux par Raffiné, demi-sang, qui, chevaux d’armes du capitaine Costa, prennent part aux raids fameux de 1914 à 1918, et reviennent jeunes encore, malgré leurs nombreux printemps, briller dans toutes les épreuves d’obstacles.


Après la guerre, courses et concours reprennent et les charolais continuent à briller.


En courses, c’est Quarantaine, par Favonio, p. s. (pl. IV), qui gagne le premier grand cross de Maisons-Laffitte ; ce sont deux autres produits de Favonio : Quelqu’un (pl. II), vainqueur au Pin; Rue, gagnante au Pin et dans tant d’autres cross. Voici des victoires à Auteuil et à Vincennes, avec Sénégalais (Favonio), Sultane XII (Marsan), Qu’En-Dira-T-On (Violon II), Usager (Favonio), Ajax (Galafron). Ce sont Ravissante (Rabat-Joie), Quirinal (Impérator III), Tombola (Marsan) (pl. XV), Vladimir (Pouilloux), Utile-à-Tout (Merry-Teddy) (pl. XVIII), Vengeur et Victoire (Monsieur-Jourdain). J’en passe et de fort bons.


Dans les concours d’obstacles, les charolais tiennent non moins brillamment leur place. C’est Sapristi, un fils de Marsan (pl. V et IX), de l’élevage du marquis de Croix, qui, acheté par le capitaine Labouchère, écuyer de l’Ecole de cavalerie hollandaise, remporte plusieurs victoires à l’étranger. En 1925, il est en tête de la liste des chevaux gagnants dans les divers concours hippiques de Hollande. Il a battu les deux grands champions des Jeux Olympiques de Paris (King of Hearts et Silver Piece). C’est quelqu’un, l’ancien vainqueur du Pin (pl. II), qui, hier encore, passait 2 mètres au concours de Bourges.


L’Italie a importé quelques-uns de nos chevaux qui y sont devenus de brillants sauteurs. Je citerai entre autres Porto (un fils d’Harly, d.-s.) (pl. VII), de l’élevage du marquis de Croix, et Urfé (un vibrant fils de Marsan, p. s.) (pl. VII), dont la puissance et la souplesse viennent d’être remarquées au dernier concours de Genève où il était magistralement piloté par le capitaine Lequio. Quart-d’Heure (Foscarini, p.s.) (pl. V) a gagné, en Espagne, le championnat annuel du cheval d’armes, en 1924.


Dans les concours de 1926 et 1927, Hermione III (Merry-Teddy, p. s.) (pl. XII) et XX), à M. Em. Riant, a fait l’admiration de tous par sa sûreté à l’obstacle (victorieuse à Paris), Vichy et Saumur).


Je ne saurais indéfiniment allonger cette liste de nos gloires hippiques. Citons, pour terminer, Titanic, par Intendant, d.-s. (pl. I), un superbe poids lourd provenant de l’élevage de M. Francis Grivaud, vendu en 1923, au concours de Vichy, à S. M. le Roi des Belges et qui passe aujourd’hui, à Bruxelles, pour le meilleur cheval de selle des écuries de la Cour.


Avant de clore cette liste que je suis forcé d’écourter et sans quitter la Belgique, rappelons qu’un cheval charolais a remporté en 1927, au concours de Bruxelles, plusieurs prix dont la Coupe du Roi. C’est Superbe, par Dacus, ½ s. (pl. I), au comte de Toulouse-Lautrec.


Etalonnage. – En Charolais, l’étalonnage particulier est insignifiant ; c’est le haras de Cluny qui fournit, à quelques rares exceptions près, les reproducteurs de toute la région. Nous reviendrons sur cette question au chapitre II.


Principaux éleveurs. – Ecoles de dressage. – En Saône-et-Loire, l’élevage est en très grande partie aux mains de petits éleveurs et ce serait trop long, si l’on ne veut oublier personne, de faire une liste complète des bons éleveurs.


Rares sont les propriétaires qui mettent eux-mêmes leurs animaux en valeur. Seuls, le marquis de Croix, à Génelard, et M. François Juif, à Cluny, présentent eux-mêmes leurs chevaux.


C’est aux écoles de dressage que les éleveurs ont recours pour le dressage, la présentation en concours et la vente de leurs animaux de choix.


Les dresseurs sont eux-mêmes de gros éleveurs, propriétaires de prairies sur lesquelles ils ont de nombreuses poulinières. Ces écoles de dressage jouent un rôle capital pour la mise en valeur des chevaux ; un paragraphe spécial leur sera consacré à la fin de cette notice.


Je ne veux toutefois pas omettre de citer ici le nom de M. Pierre Chevalier (oncle du directeur actuel de l’Ecole de Charolles) ; fin connaisseur, il fut le premier à faire briller en concours les chevaux de son pays ; c’est un homme pour la mémoire duquel les Charolais ne sauraient avoir trop de reconnaissance. Son neveu continue brillamment sont œuvre. Citons aussi le nom de M. Baccaud, père des dresseurs actuels, qui rendit de grands services dans la région de Cergy-la-Tour.


Elevages de pur sang. – L’élevage du demi-sang est de beaucoup le plus important en Charolais. Néanmoins, on peut citer quelques bons élevages de pur sang.


En Saône-et-Loire :


MM. Boyer, à Paray-le-Monial (haras de Varennes) ; Chevrier, à Corcelles près Chalon-sur-Saône ; le marquis de Croix, à Génelard ; le baron d’Ideville, à Saint-Aubin-en-Charolais (élevage de Pouju) ; le baron de Mengin, à La Comelle (haras de Montperoux) ; Roux de Bézieux, à La Chassagne (Bragny-en-Charolais).


Dans l’Allier :


M. Berthommier, à Trezelle.


Dans la Nièvre :


M. le comte de Saint-Phalle, à Huez.


Quelques étalons de pur sang particuliers font ou ont fait la monte dans ces haras. Citons :


Llama, au marquis de Tracy, à Paray-le-Frésil (élevage ayant mis bas à la mort du marquis de Tracy) Bishopscourt (Persimmon et Bend’Or), à M. Boyer; High-Life (Elf et Ajax) et Diable-au-Corps, à M. Chevrier; Grand-d’Espagne et Brabant (Marsan), au comte de Saint-Phalle.


Plusieurs chevaux célèbres sont sortis de ces élevages ; entre autres, Civray, à M. Boyer ; Virulent (aujourd’hui étalon à Cluny), au marquis de Croix, et surtout le fameux Master-Bob, à M. Roux de Bézieux. Quant au haras de Huez, ses produits sont connus et ont porté des couleurs royales.


Elevage de trotteurs. – Très florissant autrefois, cet élevage compte encore quelques adeptes, principalement à Cergy-la-Tour (Nivernais) et dans la région de Paray-le-Monial. Le principal élevage de trot est celui de M. Badiou, à Saint-Yan.


Pochain article : le cheval du Forez


24/03/2016

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