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Serge Lecomte : « Trouver soi-même les moyens de résister »

Les centres équestres sont dans une situation catastrophique. Un premier volant d’aide spécifique vient d’être accordé par l’Etat, un second va suivre et les critères de répartition sont en cours d’examen. Pour le président de la Fédération, en panne elle aussi, ces moyens sont bons à prendre pour résister mais il exhorte chacun à trouver personnellement les moyens d’exister.

Alors que les politiques invitent les fédérations à la prudence dans leurs annonces, le ministre de l’agriculturvient de donner un piètre exemple de communication en autorisant, sous conditions et sans concertation avec les professionnels concernés, l’accès des écuries aux propriétaires de chevaux. Un signe très peu clair qui soulève déjà beaucoup d’interrogations et qui montre une fois de plus l’amateurisme qui prévaut dans la gestion de cette crise sanitaire. 

• Dans quel état sont en ce moment les centres équestres ?
« Les centres équestres, on le sait bien, sont dans un état très difficile. Il faut quand même bien se rendre compte qu’on a plusieurs types de centres équestres différents : les centres équestres qui sont uniquement école française d’équitation et qui, eux, n’ont plus du tout de recette donc là il y a un vrai sujet d’inquiétude pour qu’ils nourrissent leurs chevaux. Il y a ceux qui ont un peu de trésorerie devant eux, qui sont gérés comme une entreprise, donc qui arrivent à faire face, et puis il y a ceux qui sont à sec et qui sont complètement désespérés.

Les écuries de propriétaires ont d’autres difficultés parce que les propriétaires réclament de venir voir leurs chevaux. La priorité aujourd’hui c’est la bonne santé physique des dirigeants des établissements équestres, donc c’est une des raisons pour lesquelles les établissements sont fermés au public. Eux continuent à percevoir des recettes, des pensions, donc ce ne sont pas les cas les plus préoccupants.

Et puis les troisièmes, qui n’ont pas encore commencé leur saison, c’est tous ceux qui font du séjour de vacances, du tourisme équestre, etc.  Leur saison allait en général de Pâques jusqu’au mois de septembre. Eux  sont complètement à sec, ils ont 6 mois quasi d’inactivité derrière eux et ils ont zéro visibilité devant eux.

Et puis ensuite, il y a tous les organisateurs de concours, mais par nature l’organisation de concours  à part quelques-uns, c’est de l’événementiel. A un moment donné on arrive à peu près à maîtriser, comme La Baule qui a annulé le concours. Ils ont réduit les frais et puis repartiront l’année prochaine. Beaucoup ont agi comme ça. Mais il y en a beaucoup de moindre importance qui sont dans ce cas-là et qui s’en remettront très bien. Il y en a quelques autres qui ont réalisé des investissements importants parce qu’ils ont créé des centres de compétitions, pour eux c’est plus compliqué, c’est plus difficile, et ceux-là sont un peu comme les centres équestres, il faut qu’ils gèrent bien l’avenir parce que la compétition ne reprendra pas maintenant. »

• Est-ce que ces gens-là sont éligibles aux aides des fonds de solidarité ?
« Bien sûr qu’ils sont éligibles aux aides. Mais il faut bien savoir que quand on est seul  dans sa boutique, qu’on met son salarié ou ses 2 salariés au chômage et qu’on reçoit 1 500 € pour payer le plus urgent, ce n’est pas une situation très enviable. Quand on a 25 ou 30 chevaux dans les écuries, qu’il faut soigner tout ça, qu’il faut continuer à faire tourner tout ça, on est dans une situation compliquée. C’est ce qu’on a expliqué à tous les élus, ça a bien été reçu, ils ont bien compris nos difficultés particulières.

Je dirai franchement, une fois de plus, qu’il faut qu’on soit capables de gérer nos propres forces, malgré toutes les aides des uns et des autres, malgré tout ce que nous promet le gouvernement, ce que nous promet l’Etat, à un moment donné on sera chacun face à nos problèmes.

Il ne faut pas imaginer qu’une pluie de ressources tombe du ciel pour nous aider. On va être une nouvelle fois pratiquement seuls face aux difficultés, à part quelques petits subsides, quelques fonds qui seront donnés via l’Agriculture ou directement via Bercy comme l’a promis Gérald Darmanin, ce n’est pas ça qui va nous sauver. S’il y a un maître mot à dire aux clubs c’est de  trouvez tous les moyens pour résister pour laisser passer la pandémie. Tant que la pandémie ne sera pas passée, et elle ne sera pas passée le 11 mai, on sera en difficulté. »

• Comment les politiques ont-ils reçu votre requête ?
« La vidéo de Gérarld Darmanin montre bien la situation à la fois sur un fonds de solidarité d’urgence et sur le travail qu’on a fait sur la TVA depuis des années. Le gouvernement est prêt sur la TVA mais c’est l’Union européenne qui bloque. Rien ne bougera si elle ne modifie pas ses textes. »

• C’est la gouvernance de la filière qui est allée négocier ?
« Les courses ont été négocier directement à Bercy des solutions pour eux. Ils sont en difficulté, il faut le reconnaître, comme ils l’ont rarement été. Ils sont face à de vrais problèmes d’ordre financier et de reprises de courses mais leur sujet n’est jamais exactement comme le nôtre, il faut bien s’en rendre compte. Quand tu es pris à la gorge tu parles déjà de toi avant de parler de tous les autres. Ils ont obtenu 5 millions d'€ que l’Etat va verser à l’Agriculture via le Fonds Eperon, parce que le Fonds Eperon est à sec. Pour nous ils n’avaient pas abordé le sujet. Ce sujet des centres équestres je l’ai abordé directement avec Darmanin.

C’est un sujet particulier parce que les centres équestres sont quand même dans toute la filière cheval, les seuls équipements qui développent des activités physiques et sportives ouvertes au public. Notre sujet, on est les seuls dans cette situation-là, c’est d’exposer la situation des établissements équestres dispensant ces activités physiques et sportives ouvertes au public. J’insiste sur ces mots-là parce qu’ils ont tout leur poids. C’est du ressort du Ministère des Sports. C’est lui qui détermine la façon dont les activités fonctionnent et se développent, et dès lors qu’elles sont ouvertes au public eh bien on est soumis aux mesures prises par le gouvernement. Il n’y a pas photo. Tous les politiques ont bien compris que les centres équestres avaient perdu toutes leurs recettes et conservés voire accru toutes leurs charges.

C’est ce que la Fédération défend depuis le début. Je pense qu’on a trouvé mais je ne veux pas donner les sommes car je ne sais pas exactement ce qu’il va en sortir mais on devrait le savoir assez vite. Après, le sujet sera la distribution de ces sommes-là, sur quels critères ? On est toujours en discussion avec l’IFCE et le ministère de l’Agriculture. »

• Combien de centres équestres concernés ?
« Sur les 6 000 centres équestres réellement ouverts au public je pense que ça va en concerner la bonne moitié. On ne peut pas prendre de mesure arbitraire pour la répartition. On doit affiner les critères. Ceci dit il ne faut pas croire que les gros clubs sont moins affectés que les petits, ils ont des charges autrement plus fortes ».

• Vous intervenez comment pour soutenir un peu ces gens-là en ce moment ?
« Aujourd’hui, d’abord on fait une enquête précise auprès de tous les clubs, donc on les appelle tous un par un, on retransmet et on retranscrit au niveau des clubs l’ensemble des directives énoncées par l’Etat, et on aide les uns et les autres à pouvoir s’y retrouver. »

(NDLR voir la plaquette ici)

« Au-delà de la technique, de l’administratif, du juridique, qu’on peut mettre en place, si j’ai une chose à dire aux clubs, c’est qu’on est dans une sale situation, qu’on n’est pas les seuls, qu’on ne peut pas non plus se prévaloir tout seul au milieu de toute la France qui est dans la même situation. Il faut qu’on sache au mieux compter sur nos forces, trouver des solutions locales et puis savoir résister le temps de cette pandémie. Et si on a des choses supplémentaires, si on a des aides, tant mieux ce sera le bienvenu. Ne restons pas les bras croisés en attendant que les aides tombent, ce n’est pas possible. »

• Quelles conséquences pour la Fédération ?
« La Fédé elle est touchée de plein fouet, plus d’engagements de concours, plus de licences. D’habitude au mois de mars on a au moins 5 000 licences qui arrivent toutes les semaines, là depuis mars on n’en a même pas 500. La Fédé a mis du personnel au chômage technique, une partie du personnel reste active pour répondre au téléphone parce que le téléphone n’arrête pas et nous devons faire face à nos obligations. On a fait un plan de gestion pour terminer l’année sans être dans des difficultés extrêmes, et puis surtout en préservant nos moyens disponibles pour investir sur la reprise, parce qu’il ne suffit pas qu’aujourd’hui on trouve de l’argent pour nourrir nos chevaux, encore faut-il que demain les cavaliers reviennent dans les clubs. Les efforts que je prépare pour la Fédération c’est d’investir puissamment sur des campagnes de communication importantes pour que dès que la population pourra bouger elle revienne dans les centres équestres. »

• Il y aura une chute du nombre de cavaliers ?
« Qui sait exactement ?  Est-ce qu’il y aura une érosion, est-ce qu’il y aura un regain de demandes d’activités ? S’il n’y a pas de vacances cet été, si tout le monde est bloqué encore pendant une bonne période, il y aura peut-être aussi un regain de demandes. En tout cas tout le monde va se mettre sur le devant de la scène pour pouvoir essayer de récupérer de l’activité. L’équitation ne peut pas être en reste. La Fédé heureusement est bien gérée parce que là il y en a qui sont entrain de pleurer, il y a beaucoup de présidents de fédérations qui veulent s’en aller, qui veulent que les élections aient lieu le plus vite possible pour ne pas se représenter. Il n’y a jamais eu autant de présidents de fédés qui ne veulent plus continuer. Pour celles qui sont mal préparées ça va être une vraie difficulté. »

• Les élections sont reportées ?
« Il y a des délais jusqu’au mois d’avril. Aujourd’hui on n’a pas abordé ça, il y a toutes les élections des organes déconcentrés, des départements. Je pense qu’il ne faut pas les presser non plus, on verra ça tranquillement à la rentrée quand on saura où on en est. »

• Et on n’a aucune idée de quand ça va repartir ?
« On nous a demandé de garder ça pour nous, confidentiellement. Les politiques viennent de nous envoyer un courrier pour nous dire « tenez-vous un peu correctement », ne faites pas d’annonces erronées et ne laissez pas vos organismes régionaux annoncer n’importe quoi à partir du 11 mai. Aujourd’hui nous sommes en réflexion nous n’avons encore édicté aucune règle donc vous attendez. » Il faut arrêter de penser que le 11 mai tout le monde va sortir. Les activités physiques et sportives c’est comme l’école, ce sera parfaitement paramétré par le gouvernement. »

• Même chose pour les concours d’élevage ?
« Les  courses vont repartir à huis clos assez rapidement je pense, mais tant que les bistrots ne sont pas ouverts les gens n’iront pas jouer dans les PMU. Dès lors que les courses peuvent repartir à huis clos je pense que le monde professionnel peut imaginer refaire assez rapidement des concours à huis clos entre professionnels, ce sera plus facile que pour les autres compétitions. Mais aujourd’hui en tout cas il n’y a pas d’horizon à part le 15 juillet sur les rassemblements tolérés jusqu’à 100 personnes. Mais on peut constater que ça change tous les jours.

La priorité c’est quand même la santé des uns et des autres. Il y a une chose qui nous handicape, ce sont les propriétaires qui écrivent partout, aux ministres, au Président de la République. Tout ça nous revient pour nous demander « les propriétaires quand ils partent 1 mois en vacances, ils ne voient pas leur cheval pendant 1 mois et tout le monde se porte très bien » donc il faut être raisonnable. C’est une image qui nuit puissamment à tout le reste de la filière. C’est qui ces gens qui s’auto-centrent sur leurs petits problèmes avec leur petit cheval alors qu’il y a 500 morts par jour ? Je pense quand même que c’est une minorité de propriétaires, il ne faut pas non plus généraliser. En tout cas ils n’arrangent pas l’image de l’équitation. »

E. R.

24/04/2020

Actualités régionales