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Rencontre avec Jean-Maurice Bonneau au Grand Palais Ephémère

ET oui, ils y sont allés Dans « On y sera un jour, mon grand », paru chez Actes Sud, Jean-Maurice Bonneau, titulaire d’un des plus beaux palmarès mondiaux en tant qu’entraîneur de saut d’obstacles, raconte son parcours de vie extraordinaire et ses souvenirs, tout en dispensant de précieux conseils. Nous l’avons rencontré au Saut Hermès, à Paris, fin mars, dans le carré littéraire feutré que dirige Chantal Van Tri où il présentait son livre en avant-première. Une véritable ruée vers ce distingué pourvoyeur d’or.

. De groom à écrivain, en passant par ton amitié avec Jean Rochefort… Comment tout ça est-il arrivé ?

« En passant aussi par les métiers de cavalier, entraîneur, sélectionneur… L'histoire de ce livre date d'il y a 20 ans, à Jerez, en 2002 donc, où Jean-Louis Gouraud me contacte après la médaille d’argent en individuel d'Éric Navet, mais surtout le titre mondial par équipes, en me disant : « voilà, il  faudrait écrire tout ça, c’est une belle histoire ». Je trouvais que c'était un peu tôt, donc on a attendu, et ça a pris vingt ans ! Entre-temps il y a eu la Coupe du monde de Bruno Broucqsault, il y a eu les Jeux olympiques d'Athènes, il y a eu le Brésil, il y a eu Rio (les Jeux olympiques, ndlr), et au retour de Rio je me suis dit que c'était peut-être maintenant, que j’avais la légitimité nécessaire pour écrire, et puis bon, ça a encore un peu traîné, et finalement le confinement a fait que j'étais bloqué chez moi, et là je me suis dit : c’est le moment, je m'y mets. Ca fait donc exactement deux ans que j'ai commencé, c’était en avril 2020, et voilà, le livre sort en avant-première ici, au Saut Hermès ».

 

. Quelle fut donc exactement l'influence de Jean-Louis Gouraud ?

« Sans Jean-Louis, je pense que le livre ne serait pas paru. D'une part il a été patient, parce que tout de même, vingt ans… Et puis, lorsque j'ai commencé à écrire il m'a dit : « voilà, racontez-nous des histoires, ne cherchez pas à faire du style, racontez-nous les comme vous les raconteriez autour d'une table, c'est ce qui sera le meilleur ». Donc j'ai commencé l'écriture, mais je n’avais pas le titre, et c'est là que Jean (Rochefort, ndlr) intervient. Ma première sélection en équipe de France, c'était avec Nashville, un cheval qu’il avait fait naître. Et il y a 40 ans, en 1982 - j'avais 23 ans - il m’emmène au championnat du monde de saut d’obstacles à Dublin. L'équipe de France y est sacrée championne du monde avec Frédéric Cottier, Michel Robert, Patrick Caron et Gilles de Balanda, avec Marcel Rozier comme sélectionneur. Les champions du monde passent devant nous, Jean me gratte l’épaule et me dit : « on y sera un jour, mon grand ». Et du coup le titre de mon livre m’est apparu logiquement. Car c'est vraiment beaucoup grâce à Jean, pas l'acteur mais l’homme qu’il a été, sa générosité, le fait de m’avoir emmené, de m’avoir donné  cette impulsion, que tout ça existe ».

 

. Tu parlais justement, au congrès des Journées du Complet, de Jean Rochefort, d’Athènes, de sa façon de donner envie de voir, de s’intéresser à l’équitation.

« Oui, je crois qu’on n'a jamais fait autant d'audience dans les sports équestres qu'avec Jean aux commentaires des Jeux d’Athènes en 2004. Nicolas Touzaint était « l’archange », Jean Teulère « le centaure », Eugénie Angot était « l’ange blanc », je raconte ces histoires-là dans le livre. Jean employait un vocabulaire qui touchait les spectateurs derrière leur télévision, et je crois que l'ensemble des sports équestres peuvent le remercier parce que son apport a été énorme en termes de de notoriété, de communication, et il a réussi à transmettre son véritable amour des chevaux, ce n’était pas une façade ».

 

. C’est la charpente du livre ?

« C'est le fil rouge, on le retrouve un peu partout, mais je parle de beaucoup d’autres personnes, je rends hommage à Hubert Bourdy qui est parti trop tôt, et je parle de tous les cavaliers acteurs de tous les championnats évoqués. C'est un patchwork de tous ces cavaliers français et étrangers et des personnalités du monde du cheval qui ont marqué le sport ces 30 dernières années, finalement.

Voilà, ce livre pour moi il est important, déjà pour mes enfants et mes petits-enfants, qu’ils sachent à peu près qui était leur père et leur grand-père, pourquoi il a tant été absent. Et puis pour le sport équestre aussi, pour donner peut-être du courage, de l'énergie à des mômes qui se disent : « oh là là, c'est trop compliqué, je n’y arriverai pas ». Eh bien si, c'est peut-être possible d'y arriver, en faisant les bonnes rencontres, en travaillant beaucoup, en n’ayant pas peur. Moi je n’ai jamais eu de plan de carrière, jamais, j’étais loin de penser, quand j'ai quitté la Vendée, que j'allais faire tout ça, mais ça s'est fait comme ça, au fur et à mesure… « 

 

. Serait-il possible de te retrouver de nouveau à la tête d’une équipe ?

« Aujourd'hui, sincèrement je n’ai pas de contacts pour reprendre une équipe, on est presque au milieu d'une olympiade, je ne suis pas certain que pour Paris je reprenne une équipe. Normalement les fédérations sont déjà structurées, j'ai fait ça onze ans de ma vie, bon, bien sûr il ne faut pas insulter l'avenir, mais je ne sais pas… C'est quelque chose que j'ai fait avec un enthousiasme incroyable, c'est hyper exaltant, mais aujourd'hui je m'investis beaucoup dans la Young Riders Academy par exemple, c’est quelque chose qui me tient à cœur parce les groupes de jeunes qu’on y rencontre sont les champions de demain, toutes nations confondues. Je fais ça avec Eleonara Ottaviani, qui est une amie de longue date, et puis j'ai aussi d'autres élèves. »

 

. Je t’avais senti un peu pessimiste à Saumur par rapport à l’avenir, par rapport à la France, par rapport au regard du grand public sur notre sport ?

« Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste. On a un sport qui, à la fois, ne peut qu’être aimé parce qu’il est unique, grâce à cette combinaison entre un animal et l'être humain, et puis, en même temps, on a des groupes, les animalistes, les antispécistes, qui sont absolument contre le fait qu'on s’asseye sur un cheval, donc il faut faire attention, et il faut que l'on s'empare de ces sujets. Et nous, les acteurs à qui on tend des micros de temps en temps, eh bien il faut qu’on y aille, qu'on puisse répondre, expliquer qu’on ne doit pas faire d'exceptions une généralité, parce que globalement nous nous occupons très bien de nos chevaux ».

 

Ton regard sur l'équipe de France actuelle ?

« L’équipe de France est dans une période charnière, je dirais. Je crois qu'il y a un bon staff pour s'en occuper avec Henk Nooren et Sophie Dubourg. J'ai eu la chance de la côtoyer en tant que DTN quand j'étais à Rio, j'ai découvert un vrai manager et j'aurais souhaité travailler avec quelqu'un comme ça pour tout dire. Après, il y a aussi - et je l'ai connu - des périodes où il y a moins de chevaux, et je crois que là, aujourd'hui, il faut soutenir, encourager les propriétaires à investir et puis y aller. Je crois qu'il y a une équipe qui doit nous inspirer, c'est l'équipe de France de rugby et son chef d'équipe Fabien Galthié ! »

Propos recueillis par Etienne Robert (Mars 2022)

18/03/2024

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