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Portrait : François Roemer, haras de Courthioust, dans le Perche

Quand avez-vous commencé à vous intéresser aux étalons et pourquoi ?« Je m’intéresse aux étalons depuis un certain nombre d’années, depuis l’époque Sarastro que j’avais acheté et qui est rentré dans le Top 10. C’était un Anglo-Arabe de complément qui n’était pas très connu et que j’ai mis vraiment sur le devant de la scène en très peu de temps. Il est devenu une star. Jamais un Anglo n’était arrivé aussi près du Top 10. Ça date de 20 à peu près. Pourquoi ? Parce que j’ai toujours été attiré par l’élevage. Après ça j’ai eu pas mal d’étalons, en tant que propriétaire mais surtout en tant que locataire avec des redevances, ou alors confiés par des associations comme ça se fait avec France Étalons ou Génétiqu’Anglo. Pour les autres étalons, c’est arrivé depuis que je suis installé dans ma structure avec 14 poulinières et des étalons. Je me suis installé dans le Perche en montant un haras complètement dédié à l’élevage avec toutes les prestations qui vont avec, poulinage, insémination, valorisation, commercialisation, pensions, le tout sur deux fermes et 100 hectares ».

Vous suivez les chevaux de la naissance jusqu’à la vente à des fins sportives ?
« Ah oui oui complètement. Je produis mes chevaux, je les mets en valorisation chez des cavaliers professionnels. Mon commerce c’est de les vendre entre 4 et 6 ans. Ils sont tous vendus pour le sport, aussi bien pour le CSO que pour le CCE. Maintenant je fabrique surtout des chevaux de CSO. On a fait 130 juments l’année dernière. Puis j’ai trois étalons que je propose en frais. J’ai du congelé aussi. Mais avoir des étalons de qualité avec une bonne fertilité sur place est une opportunité pour les éleveurs ».

Parlez-nous de l’évolution du commerce de la semence
« Le problème c’est la fertilité alors plus on fait du frais mieux c’est. Pour les éleveurs qui veulent des étalons très à la mode, très performants, il faut du congelé. Et en congelé plus ça va, moins ça va. D’abord parce qu’il y a des juments qui n’y réagissent pas bien, ensuite il faut un suivi très rapproché de la part du centre d’insémination et des vétérinaires, parce que souvent pour les chevaux de qualité on a peu de paillettes. Voilà un petit peu l’évolution que ça amène.

Aujourd’hui dans l’élevage il vaut mieux que la fertilité soit du côté du mâle. Donc il faut des étalons très fertiles pour la congélation. Et pour la jument il faut un suivi toutes les 3 ou 6 heures pour que ça fonctionne bien. La congélation permet d’avoir de très bons étalons à la mode et ça n’importe où dans le monde. Après on croit souvent qu’aller vers un des étalons les plus réputés donnera le meilleur poulain mais ce n’est pas toujours ça. Ce qui est important c’est l’intelligence du croisement : trouver l’étalon qui convient le mieux à la jument. C’est tout l’art de savoir élever ».

Culture

La connaissance des origines : un long périple dans l’histoire des familles de la voie mâle ?
« Il y a deux phénomènes : le génotype et le phénotype. Si vous vous intéressez aux phénotypes c’est que vous vous intéressez surtout aux qualités intrinsèques du cheval c’est-à-dire son modèle, ses résultats en compétition. Ou alors vous vous intéressez plutôt à sa génétique c’est-à-dire ses ascendants, père, mère, frères, sœurs. Les deux sont importants. L’essentiel est de trouver un équilibre entre les deux ».

Est-ce suffisant la connaissance de la voie mâle ou faut-il s’intéresser aussi aux lignées maternelles ?
« La connaissance de la voie mâle est très importante. On a déjà une garantie de qualité parce qu’il y a de la sélection de la part des stud-books. Dans la voie femelle il n’y a aucune sélection, c’est l’éleveur qui la fait, c’est donc à lui de faire une sélection draconienne sur ses juments et de faire le bon choix pour l’étalon c’est-à-dire non pas un étalon qu’il aime mais qui convient à la jument. Et avec aussi un mode d’insémination qui puisse correspondre à la jument. La voie femelle est à considérer énormément.  Autant que la voie mâle mais elle est à considérer par l’éleveur qui fait sa sélection personnelle. C’est important d’avoir des juments jeunes à la reproduction et puis de garder celles qui ont vraiment de la qualité pour justement améliorer et faire la sélection soit même en gardant les bonnes filles des mères. Les descendants, les poulains à naître doivent être génétiquement meilleurs que les parents, le but d’un élevage c’est ça. C’est ce que je fais moi dans mon élevage même si sur le plan trésorerie ce n’est pas évident ».

Détecter les nouveaux sires : intuition ou méthode ou les deux ?
« Je n’ai pas de méthode, je m’intéresse à la génétique du cheval ça c’est sûr. Après il y a le côté instinctif. Et le côté mariage. Il y a certains étalons que je n’ai pas particulièrement aimés, même s’ils étaient très connus et très cotés, que j’ai quand même mis à certaines juments parce que je pensais que la relation était bonne. Et d’ailleurs je ne me suis pas trompé. En principe ce que j’aime bien c’est d’aller voir les entiers en concours sur les grandes épreuves. De temps en temps j’aime bien donner sa chance à un jeune nouveau que je ressens bien. J’y vais beaucoup sur l’intuition ».

Qu’est-ce qui fait qu’un étalon est ou n’est pas à la mode ?
« Il va être à la mode parce que son étalonnier va l’encenser. Si c’est un groupe comme GFE ou France Étalons, qui sont des références dans l’étalonnage, ils vont promouvoir ces étalons auprès des éleveurs. Ça va les rendre un peu à la mode. Après il y a d’autres considérations comme le modèle, la tête, la couleur de la robe, ses gains en compétition, sa production. Tout ça mis bout à bout rend un cheval à la mode pendant un certain temps. On sait très bien que ça passe, parce qu’il y en a un autre qui va prendre la relève. Certains éleveurs aiment bien changer régulièrement d’étalon passant d’une mode à une autre ».

La collection 2023 est en route. Quoi de nouveau chez vous ?
« Je pense que pour 2023, je vais garder les mêmes étalons parce qu’ils sont ce que j’appelle « en valeur montante ». Ce sont des étalons relativement pas encore assez connus mais qui ont vraiment des points forts. Donc ça vaut le coup de les garder surtout en prévision de ce qu’on appelle un « creux de vague », c’est-à-dire que les gens vont se jeter sur un étalon qui va les séduire pour ensuite attendre que les poulains sortent avant d’y retourner. Et moi j’en suis un peu à ce « creux de vague ». Et d’ailleurs les produits de mes étalons vont prendre 3 ans l’année prochaine (NDLR en 2023), certains même 4 ans. Donc on va pouvoir les voir sur les terrains de concours ou sauter en liberté. C’est intéressant d’attendre parce que à ce moment-là s’il y a une vraie qualité, ce que je pense et espère, ça va rebooster la demande. Donc là je vais garder ces étalons pour 2023 et je vais continuer les mêmes prestations. Les 3 étalons sont Saigon Rouge (Papillon Rouge avec une mère pur sang),  un cheval qui a gagné Grand Prix 150 cm qui est vraiment top cheval et qui a beaucoup de sang et de courage, Clapton, c’est un peu le cheval à zéro défaut, il a le modèle, la fertilité, il a une origine exceptionnelle, puisque le père c’est Caretino, le 3e c’est un peu le cheval atypique, Mr Fly de Landette (Galoubet) dont les produits commencent à bien sortir. Il a beaucoup de qualités. »

ER avec FP

17/02/2023

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