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Les équations du jeune cheval

Peu importe la discipline, chaque finale de jeunes chevaux tente de jumeler sport et commerce. Car au final il est là le graal que chacun recherche : la vente. Un aboutissement pour l’éleveur, le début d’une histoire remplie d’espoir Photo 1 sur 6
pour le nouveau propriétaire

1. La Finale de Fontainebleau est plus une vitrine de l’élevage des chevaux de saut d’obstacle qu’une semaine de commerce. Toutefois, les ventes qui se déroulent en parallèle à Bois le Roi apportent ce côté commercial qui manque un tant soit peu dans les allées de la Grande semaine. Rencontre avec Arnaud Evain, des ventes Fences.

« Notre rôle en tant qu’organisateur de ventes aux enchères, et encore plus lorsqu’il s’agit des ventes Elite de septembre, est de sélectionner les meilleurs jeunes chevaux que nous voyons. Cette année nous sommes allés jusqu’au Nord du Oldenbourg, en Allemagne. Sur le millier de chevaux vus, nous avons sélectionné 80 chevaux de trois ans (120 au total avec les foals). Le lot est assez homogène. Notre expérience n’est plus à prouver au regard des chevaux tels que Kraque Boom, Itôt du Château ou encore Joyau d’Opal qui sont passés par nos ventes. »
Les acheteurs

Notre clientèle se compose d’une grosse moitié de spéculateurs, qui achètent des chevaux dans l’objectif de les revendre. Car il faut savoir que dans les 12 mois qui suivent la vente, la moitié des chevaux vendus auront déjà changé de mains. L’autre moitié se compose d’un quart de particuliers et d’un autre quart de mécènes, des gros propriétaires qui veulent équiper leurs cavaliers. Les acheteurs viennent tout aussi bien du Golfe, de l’Europe de l’Est que du continent Sud Américain.
Les points faibles de la France

Nous avons un savoir-faire en matière de chevaux. C’est indéniable. Dans les souches étrangères, il n’est pas rare de trouver des pères ou des grands-parents issus de notre patrimoine. Mais nous n’ avons pas le même savoir-faire dans la commercialisation : en Allemagne, ils ont 7 ou 8 marques sur leur territoire (Holsteiner, Westphalien…). Ils n’ont pas qu’un seul stud-book pour leur pays. Nous aussi tout se joue dans nos grandes régions d’élevage. Toutefois au contraire de l’Allemagne on n’ en fait pas des spécificités. Les Allemands ont compris que le modèle économique viable est celui de la génétique et non celui des frontières.
Le circuit de l’élevage

Le défi de notre circuit élevage (cso, dressage, complet etc.) c’est de savoir maintenir en équilibre l’équation entre la sélection, la formation et la mise en valeur. Ce sont trois impératifs essentiels à l’équilibre de toute la filière. Si c’est déséquilibré, il n’y aura pas de vente au final. Tout dépend comment chaque éleveur et propriétaire utilise l’outil : si on veut avant tout les résultats, le risque de dégoût du cheval est plus fort. Mais à l’inverse, attendre trop longtemps un cheval ne permettra pas de le vendre facilement car il aura du retard dans sa maturité, dans son dressage.

La crise

C’est sûr, certains viendront à la vente en espérant acheter moins cher. Car il ne faut pas se voiler la face, même ces acheteurs ont perdu à la bourse ces derniers mois. Mais quid des vendeurs ? Car les frais engagés sur le cheval depuis 3 ans ne sont pas compressibles ! Vraiment, il m’est impossible de faire un quelconque pronostic sur les prix qui seront contractés.
La mondialisation

Il faut arrêter de se tromper de combat. Ce n’est pas la provenance de la génétique qui est importante. Dans le vin, on utilise partout dans le monde les mêmes cépages ! Ce qui différencie les vins entre eux, c’est la terre et le savoir-faire. C’est pareil dans les chevaux. »

2. Le point faible de la France semble être la commercialisation de nos chevaux. Le manque de structure et de transparence semblent ne pas jouer en notre faveur. Pourtant, une chambre syndicale du commerce se bat pour voir le jour. A sa tête un homme, François Roemer.

« Le mot marchand est tabou en France. Nous allons tenter de réintégrer ce terme dans les mentalités. La situation du marché est moins morose qu’elle ne paraît. Il y a de plus en plus de licenciés. Ce qui débouchera à terme sur des ventes de chevaux. Mais qui va les fournir ?
Le marché du cheval en France

Le souci premier du ménage français est son pouvoir d’achat. S’ils peuvent acheter un cheval, ils veulent être sûrs d’acheter le bon. Car un cheval c’est une dépense tous les mois. Les marges sont donc réduites pour le vendeur qui doit en plus prouver son professionnalisme.

Les jeunes chevaux sont les premiers équidés que les ménages recherchent car ils sont moins chers. De plus ils ont l’avantage de ne pas être trop usinés et ils se gardent plus longtemps.
Le circuit Jeune cheval

L’avantage de ce circuit c’est qu’il valorise et forme les chevaux. Généralement, un amateur peut réussir à monter un cheval de 4 ou 5 ans qui est sorti dans ces épreuves. La difficulté du circuit classique c’est qu’il n’est pas adapté pour tous les équidés (idem pour la discipline…). Car il ne faut pas l’oublier mais il existe d’autres circuits comme les cycles libres ou bien même dans le circuit fédéral les petites épreuves (1 m) qui sont des alternatives. Dans ces conditions le circuit fonctionne très bien. Il faut juste prendre le temps de dresser les chevaux et non pas juste de les dompter.
Les formateurs des jeunes chevaux

Nous avons d’ assez bons formateurs de jeunes chevaux en France. Seulement ils ne sont pas assez payés. Du coup, ils en ont souvent trop alors que tous les équidés n’ont pas leur place dans des écuries de professionnels. Se pose la problématique de la sélection des chevaux dès leur plus jeune âge. Mais c’est difficile car tout éleveur croit au potentiel de son cheval. Il y a toujours ces histoires du cheval moyen étant jeune qui devient un crack. C’est la magie du sport. Seulement si on croit à cette « magie » on devrait également croire à son contraire ! Il faut être cartésien.
La production et le marché

Il y a peut-être encore un peu trop de naissances par rapport à ce que le marché peut absorber. La sélection à la base n’est, à mon goût pas encore assez marquée. Il y a notamment trop de juments d’amateurs, qui se retrouvent à la reproduction alors qu’elles n’apportent pas grand-chose à leur progéniture. De la même façon, il faudrait absolument définir qui sont les professionnels de l’élevage et les amateurs afin que seuls les professionnels soient aidés. Car aujourd’hui, la frontière est trop floue et c’est nocif pour les pros. »

3. Les éleveurs sont les premiers maillons de la chaîne. Que pensent-ils du système français ? Rencontre avec François Lévy, du haras de Vulsain.

« La filière élevage française est atomisée. Chacun est dans son coin et il n’y a pas de syndicat professionnel. Nos chevaux n’ont rien à envier aux chevaux allemands ou hollandais par exemple. Mais nous avons trop d’héritage du passé côté fonctionnement et organisation de notre filière. Il faudrait la moderniser.
Le circuit des jeunes

Les organismes qui touchent à cette section du sport devraient faire des cavaliers et des éleveurs, leur fonds de commerce. Et ce n’est pas le cas. Il faudrait trouver des sponsors (des marques) pour les épreuves de jeunes chevaux pour remédier à ce problème. Et supprimer les primes aux trop nombreux intermédiaires. Car il n’et pas normal que les éleveurs aient du mal à vivre de leur métier ! Un éleveur d’ovins, de bovins arrive à peu près à vivre. Alors pourquoi pas nous ? D’autre part ente sélection et formation il faut choisir. Courir après des points ou des gains, pour des jeunes chevaux, c’est délicat. Je trouve qu’à Fontainebleau, pour prendre pour exemple le cso, il y a beaucoup trop d’«élus». Pour quelles raisons nous ne prendrions pas les jeunes qui ont 80% de sans-faute ? Ainsi il n y aurait pas cette seconde sélection que la finale induit inévitablement.

Le système Shf est bon, seulement il faudrait en redéfinir ses objectifs. Le TDSO par exemple, dans le fond ce n’est pas mauvais, mais ça reste très aléatoire. Si on ne repasse pas assez vite au trot on perd une première prime… Dans le même ordre d’esprit, pour quelle raison faut-il absolument un premier ? Je ne pense pas que le classement numérique apporte quoi que ce soit chez les jeunes chevaux. Le classement par « Excellent, bon etc. » est à mon sens suffisant.
La crise

Le problème ce n’est pas la crise. Les chevaux se vendent, mais mal car nous ne sommes pas centralisés. Les prix se font à la tête de l’acheteur, aux résultats du jour (et si vous êtes étrangers les prix grimpent d’avantage…) Bref rien ne va dans le bon sens. Crise ou pas crise il faut tout remettre à plat. »

4. Les marchands de chevaux sont au cœur du système. Ils sont ces traits d’union entre l’offre et la demande. Rencontre avec Hubert Bourdy, l’une des références en matière de commercialisation de jeunes chevaux.

« La situation du marché est difficile en ce moment. Toutefois les très bons chevaux continuent de se vendre et même de plus en plus cher. Il subsiste toujours une demande pour des chevaux qui sortent de l’ordinaire. Par contre, pour les chevaux normaux, comme des trois ans normaux, les éleveurs rencontrent vraiment des soucis pour les vendre. C’est ce marché qui est plombé par la crise.
En manque d’acheteurs

La crise a eu comme effet de faire diminuer le nombre potentiel d’acheteurs. Nous nous retrouvons un peu comme ces banquiers lorsque la bulle spéculative financière a éclaté : les prix s’étant envolés durant cette course au boursicotage, une fois éclatée, les prix chutent, inexorablement.

Et pourtant, le marché du jeune cheval tire tout de même son épingle du jeu, car c’est le secteur où il est possible d’acheter un équidé qui a de l’avenir pour un prix raisonnable. C’est tout du moins le raisonnement qu’ont la plupart des amateurs en recherche d’équidés. Alors que généralement un cheval plus âgé déclassé, qui sera au même prix, l’expérience en plus et sans risque de louper l’éducation du cheval, serait plus en adéquation.

Sur les ventes aux enchères, j’ai l’impression que leur cote est bien en baisse en France. Les clients ont beaucoup acheté et ils n’ont pas été renouvelés.
Les finales

Fontainebleau reste la vitrine de notre savoir-faire en matière de chevaux de saut. Il met en valeur nos équidés mais aussi notre système de formation. Evidemment, et ce dans toutes les disciplines, il faut savoir utiliser le circuit de la SHF. Car si c’est pour courir après les sans-faute, les classements, les chevaux en ressortent écœurés. A la finale c’est l’œil des professionnels qui fait la différence. Car eux ne regardent pas le classement final du cheval mais avant tout sa qualité intrinsèque.
A l’étranger

Nous avons un système différent de nos voisins européens. Par exemple pour les 4 ans, ils ne tournent pas autant et le style et le dressage priment. Pour eux l’important, c’est l’ensemble du cheval. Alors en France aussi on essaie de se mettre dans cette ligne avec le TDSO mais c’est encore assez vague, notamment dans les notes.

A l’étranger il existe, comme en Allemagne ou en Hollande, des cavaliers spécialisés dans les jeunes chevaux. Cette branche est beaucoup plus développée qu’en France.
Les éleveurs

Le souci qu’on a vis-à-vis de nos éleveurs c’et qu’ils veulent former leurs chevaux à moindre coût. Cela se comprend vu la situation financière délicate dans laquelle ils sont. Toutefois cette course au « moins cher » produit des effets néfastes sur le marché : certain chevaux ont ainsi mal débuté car ils ne sont pas écoutés ou ils sont rentrés de force dans un système qui ne leur correspond pas encore.

D’autre part, nous avons quelque lacune dans la production de nos chevaux, parfois trop atypique. Si vous allez en Hollande, neuf fois sur dix les chevaux se ressemblent et sont dans le modèle de la race. Chez nous, c’est un peu plus aléatoire, même si point de vue qualité de saut, nous savons faire. »

5. Des côtés des Anglos Arabes français on poursuit la révolution : leur renommée à l’international ne se dément plus et les qualités intrinsèques de l’Anglo commencent à faire des émules. Rencontre avec Jean-Marie Bernachot, président de l’Association Nationale des Eleveurs d’Anglo-arabes
La filière élevage et l’Anglo

« Notre filière avait un peu perdu de sa superbe, nous reprenons sans conteste notre place dans le concert des nations fortes. Entre Le Lion d’Angers et Pompadour, nous avons réussi à instaurer de vrais rendez-vous commerciaux où l’offre et la demande se rencontrent. Aujourd’hui l’Anglo est un cheval complet qui malheureusement, pâtit encore d’une image un peu négative.

Pourtant c’est un cheval très féminin, petit, qui a du chic, du sang et de la réactivité. Grâce à notre travail sur la génétique nous avons réussi à lui donner un mental plus fort, moins sensible. Seulement compte tenu du nombre de naissances numériquement faible (1 000 - 12 000) nous ne disposons pas d’une fenêtre médiatique assez conséquente pour nous faire vraiment entendre. »
Les éleveurs et plan de relance

« Nos éleveurs ne possèdent en moyenne qu’une ou deux poulinières. Un éleveur qui en a 6 est considéré comme important ! Sans compter que nous avons pas mal de juments qui servent à améliorer d’autres races (45 %). Alors pour continuer à nous développer, côté commerce comme dans l’esprit des français, nous avons mis en place un vaste plan de relance de la race.

Pour inciter nos éleveurs à placer leurs jeunes chevaux chez des professionnels en vue d’une valorisation, nous avons instauré un système d’aide. Aujourd’hui 30 éleveurs en bénéficient. Elle peut aller jusqu’à ?4 000 € par an pour un cheval qui va jusqu’en finale.

Nous allons également mettre un vaste plan d’amélioration génétique en exerçant des prix de saillie très concurrentiels de jeunes étalons prometteurs pour les meilleures poulinières de la race. »

6. Le selle français se porte plutôt bien à en voir les résultats de ses plus grands porte-drapeaux sur la scène internationale. L’occasion de faire un point sur la relève avec Yves Chauvin, président de l’ANSF

« Le marché se porte aussi bien que l’économie française… Il est de plus en plus difficile et comporte de nombreuses incertitudes. Evidemment, pour les meilleurs chevaux, il n’y a pas de souci : ils passent au travers de la crise. Toutefois, des premiers échos que je viens d’avoir, le début de l’été signerait une légère reprise de l’activité.
Les jeunes et la vente

Le circuit français est bien organisé. Toutefois il manque de connivence entre les différents secteurs. Et c’est, malheureusement, une spécificité française ! Car nous somme des bons producteurs de chevaux (le SF est un stud-book fort). Comme chez tout naisseur/éleveur, il y a automatiquement un taux de chevaux moyens dans le lot. C’est pareil à l’étranger ! ?Mais le fait de n’être pas organisés pour le commerce nous handicape. Alors chacun essaye de faire ce qu’il peut pour faire vendre, mais sans consulter l’autre. A l’ANSF, nous instaurons des journées du Selle français (du 14 au 18 octobre 2009) afin de promouvoir nos chevaux. Mais nous mettons également un point d’honneur à être présents dans tous les grands rendez-vous d’élevage comme du sport.
Le circuit

Notre circuit jeune cheval est de qualité mais il est trop cher. Et encore, avant c’était pire car il y avait encore moins de dotations. Le point positif c’est qu’une personne qui achète aujourd’hui un cheval âgé entre 3 et 7 ans, issu de ce circuit, ne prend pas trop de risque. Le cheval est clé en main.

Le circuit est coûteux mais de l’autre côté ceux qui travaillent sur ces chevaux ne gagnent pas assez et doivent compenser par la quantité. Et la quantité n’est pas le meilleur allié de la qualité.

Trop d’info sur les chevaux

En plus du manque d’organisation dans le commerce, le système ne favorise pas les éleveurs français. Car il existe de trop nombreuses informations en accès libre sur les chevaux. Et c’est néfaste pour le commerce. De la transparence, oui, mais pas dans l’absolu car c’est malsain. Nos voisins européen l’ont bien compris.

7. Le circuit jeune chevaux de la SHF semble faire l’unanimité même si certains aimeraient y apporter des évolutions. Pour Marc Damians, président de la SHF, 2009 a été une année plutôt bonne.

« Sur un plan quantitatif il y a eu une légère augmentation des engagements dans le circuit jeunes chevaux. C’est assez encourageant et cela veut dire qu’il n’est pas si mauvais. Sur les CIR, nous avons vu des lots plutôt homogènes, voire même nettement meilleurs que d’habitude, notamment à Pau pour les 4 ans.
La production

La production et le marché sont à peu près en accord. On doit ce phénomène à notre jumenterie qui s’est nettement améliorée. Nous avons un niveau qui n’a rien à envier aux étrangers. La seule chose dans laquelle ils nous surpassent, c’est dans la commercialisation.
Le circuit classique versus le libre

Nous sommes vigilants pour faire des parcours pédagogiques et formateurs (ce que les épreuves fédérales d’un mètre/1,05 m ne sont pas tout le temps). Il est certain que si c’est la course aux points ou aux gains qui prime, le circuit n’apporte pas grand-chose de plus que le circuit fédéral. Toutefois nous avons mis des garde-fous: nous avons des chefs de pistes qui suivent une formation spécifique. Et les chevaux ne peuvent pas faire un nombre de tours illimités pour se qualifier. Chez les 4 ans, nous allons encore tenter d’améliorer le TDSO. Nous réfléchissons à peut-être faire passer des épreuves hunter…

L’année des 5 ans est charnière pour les jeunes chevaux car c’est vraiment là ou se développe leur valorisation. Deux populations d’équidés s’y croisent, d’où le nombre d’engagés souvent assez élevé. Il y a les chevaux qui ont tourné à 4 ans et ceux qui démarrent la compétition. Je suis un peu déçu du circuit cycle libre. Je pensais qu’il allait se développer davantage. Nous étudions des aménagements possibles pour le rendre plus attractif. Il faut que les amateurs qui y viennent y soient notamment plus encadrés. Plus globalement, de plus en plus d’amateurs achètent des jeunes chevaux sans que ces cavaliers aient forcément le niveau. C’est cela qu’il faut améliorer.
Le commerce

Comme chacun sait il est un peu en berne et il manque d’unité. Alors il y a bien la chambre syndicale qui est en train de se monter, mais pour l’instant elle ne s’est pas encore imposée à tous. Ce n’est pas à la SHF d’unifier le commerce des chevaux français. Toutefois, nous sommes prêts à aider ceux qui veulent le faire. Nous soutiendrons les actions organisées dans ce sens.

Nous essayons quand même de faire venir des nations étrangères lors des finales. Cette année à la semaine de Fontainebleau nous avons invité des Italiens à monter des jeunes chevaux (6 ou 7 cavaliers dans les 4, 5 et 6 ans) Souvent, ces cavaliers repartent avec des chevaux. Dans l’absolu, nous souhaiterions également revaloriser les dotations afin que la situation soit plus viable pour les professionnels. Aujourd’hui c’est la SHF, le fonds Eperon et le Ministère qui financent. Il faudrait que nous puissions trouver d’autres ressources. »

8. C’est à l’échelle des régions qu’on se rend compte de l’état de santé de notre élevage. Michel Levrat est le président des éleveurs de la région Rhône-Alpes

Le marché

Nous avons la chance d’avoir de grands marchands de chevaux par chez nous (Hubert Bourdy, Guy Martin…) mais aussi de grands rendez-vous équestres (Equita Lyon…). Et de l’autre côté nous avons beaucoup de licenciés. Par conséquent nous disposons d’un marché amateur assez développé. Sans compter que nous touchons également les licenciés du sud de la France, un peu moins bien servis que nous, notamment dans les structures de commerces. Généralement, ces cavaliers recherchent des chevaux entre 5 et 8 ans.
La production

Pour que les prix soit en adéquation avec le marché il faudrait que les éleveurs sélectionnent méticuleusement les chevaux qu’ils mettent chez les pros et ceux qui n’en valent pas le coup. Car de mauvais choix font inévitablement chuter le rapport qualité/prix.

D’autre part, tous les éleveurs rêvent au champion. Mais il ne faut pas oublier que ce sont des chevaux d’exception. Or la plus grosse valeur marchande du marché c’est un cheval pratique pour un amateur. On ne trouve pas forcément cela dans nos lots de jeunes chevaux.
Le chemin tout tracé pour les jeunes chevaux d’amateurs

Généralement les chevaux commencent à 4 ans. Ils font quelque tours, sans forcément aller jusqu’à la finale (généralement c’est la classe d’âge la plus recherchée). A cinq ans voire 6 ans, tout dépend de l’âge qu’ils ont lorsqu’ils sont achetés, ils passent dans les cycles libres avec leur nouveau propriétaire. Puis vient le temps du circuit fédéral.
Les faiblesses du circuit classique

Je le trouve assez complet et bien rodé. Toutefois je mettrais un petit bémol sur le TDSO des 4 ans. Car avec un cavalier pro, généralement tous les chevaux peuvent avoir une première prime alors que le cheval n’est pas dressé. Et parfois, c’est assez brutal à voir.

Je pense également qu’arrêter les 4 ans après les CIR serait une bonne chose, car la saison est déjà longue pour ces jeunes chevaux. Personnellement c’est ce que je fais. Je profite de la belle saison pour les remettre au parc. Car au final beaucoup de chevaux sont tardifs et ce n’est pas forcément bon de les emmener coûte que coûte à la finale (quelle que soit la discipline).

9. Cavalier et marchand, de vieux et de jeunes chevaux, René Lopez n’hésite pas à se déplacer sur tous les types de concours pour partir à la rencontre des acheteurs. Car la seule réalité qui existe c’est celle des terrains.

L’état du marché

« Pour les bons chevaux les prix ne baissent pas. Par contre, pour des chevaux qui auraient coûté environ 25 000 € il y a quelque mois, ils ne se vendent pas plus de 15 000/20 000 € aujourd’hui. Alors c’est certain, pour les éleveurs, c’est catastrophique. Car ceux qui font des chevaux corrects, souffrent beaucoup. Ce n’est pas qu’il n’y ait plus d’argent, c’est juste que les acheteurs potentiels sont en attente de lendemains moins incertains. La crise est dans la tête des gens. Toutefois depuis le début du mois, j’ai l’impression qu’une légère reprise du commerce s’amorce.
La production et la commercialisation

ll y a un vrai savoir-faire français en matière de chevaux. On le voit avec les résultats du haut niveau ! Le souci c’est que j’ai l’impression que les vendeurs, comme les éleveurs, ne se donnent pas assez de mal pour être vus des acheteurs potentiels. Il faudrait s’ouvrir plus vers l’extérieur, voir d’autres concours, d’autres personnes, au lieu de rester dans les rassemblements locaux. Car c’est en se mêlant aux autres qu’on agrandit à la fois son cercle de connaissance et de futurs acquéreurs.

D’autre part, il faut que la production tende vers l’élite. Car ce n’est que comme cela, en faisant de vrais efforts sur la génétique, que de bons chevaux sortiront. Dire qu’on ?ne cherche qu’à faire des chevaux ?« amateurs » n’est pas suffisant. Car quoi qu’on fasse, même en mettant le meilleur étalon sur la meilleure jument, il n’est pas certain de faire un bon cheval. Alors produire des chevaux moyens, par principe, ça ne tire pas l’élevage vers le haut. D’autre part, la vidéo et tous les outils de communications sont aujourd’hui incontournables dans le commerce. Or tout le monde ne prend pas forcément la peine de faire des photos et des vidéos de ses chevaux. Ce que les étrangers font systématiquement.
Amateurs et jeunes chevaux

Qu’un amateur préfère acheter un jeune cheval pour avoir la satisfaction de progresser en même temps que lui est quelque chose que je conçois parfaitement. Toutefois, il faut que ce système soit structuré et encadré. Car si il existe une grande différence entre être encadré par des professionnels et avoir un moniteur qui fait plus de l’animation que de la formation de cavaliers…
Le circuit SHF

Notre circuit est très bon. Il faut le continuer, tout en restant vigilants à la qualité des parcours et des terrains. Ce circuit, très réputé dans le Monde, fait venir des clients potentiels. Et parfois, il arrive qu’au sein de l’organisation des détails ne suivent pas (restauration, décoration de piste etc.) Or les étrangers qui viennent veulent regarder les chevaux mais dans de bonnes conditions. L’ambiance, et plus globalement le contexte, est un paramètre parfois délaissé. C’est dommage, car on nous envie cet outil et on devrait en profiter pour le valoriser d’avantage. »

10. Eleveur et personnalité très impliqué dans sa région (Aquitaine), Jacques Grandchamp des Raux est également à l’origine des ventes JFK International.

« Aujourd’hui le marché est délicat. Il y a beaucoup de vendeurs et peu d’acheteurs. Mais nous ne sommes pas plus mal lotis que nos voisins européens ! En Allemagne la situation est la même.
Le monde du cheval

Notre filière pâtit de la crise financière car nous représentons un luxe. Un cheval n’est pas nécessaire dans la vie des français. Et à cause du fait que le CAC 40 se soit écroulé et qu’il n’y ait plus de croissance, nos clients n’achètent plus.
Les bases de notre élevage

Les éleveurs professionnels sont 1 % en France. Les 99 % autres sont des amateurs ! Une fois qu’on connaît ces chiffres, on comprend le travail qu’il y a à faire pour donner naissance à de jeunes chevaux qui correspondent à la demande. Mais attention, je ne suis pas pour une scission entre pro et amateurs car ce sont ces derniers qui font vivre l’ensemble de la filière. Pour y arriver, il va falloir appliquer des méthodes drastiques pour sélectionner les juments destinées à la reproduction. Je suis persuadé que la mère c’est 70 % de la génétique de son poulain alors vraiment, il faut plus de sélection. Par exemple, avec la crise c’est le moment d’acquérir de la bonne génétique : les prix baissent. C’est un des avantages de cette période.

Après que le choix s’est opéré sur les meilleures juments, il faut obliger les éleveurs à choisir l’étalon qu’il faut et non pas celui qui est à la mode. Je suis notamment pour un retour aux quotas de carte par étalon pour éviter ces phénomènes de mode qui ne sont pas toujours bénéfiques à notre élevage français.

Le circuit SHF

Notre circuit d’aprentissage pour les jeunes chevaux est de bonne qualité. Tout comme nos formateurs, nos cavaliers.

Toutefois, nous avons un réel problème économique vis-à-vis de ces derniers.

En effet, pour pouvoir vivre, ces cavaliers rentrent une masse de jeunes chevaux absolument phénoménale chaque année. Or ils n’ont pas le temps de s’occuper de tous ! Par conséquent, souvent, ce sont des stagiaires qui sortent ces jeunes chevaux (avec des enrênements, bien évidemment !)

D’autre part, je trouve qu’on devrait faire une sélection des chevaux qui entrent sur ce circuit. Par exemple, ils devraient prendre une première prime en hunter et en extérieur avant de pouvoir avoir le droit de concourir en cycle classique.

Enfin côté des CIR. Je pense qu’on devrait remettre ce championnat dans un contexte d’Elite, sans cycle libre. Car les amateurs n’ont pas besoin de ces championnats.

Les ventes aux enchères

Elles sont à mon sens absolument indispensables. Car on retrouve dans un même lieu, des chevaux sélectionnés, avec un dossier vétérinaire complet, et des prix transparents.

Quant aux ventes JFK, nous avons analysé nos erreurs (décision en octobre 2009 pour la reconduction en 2010 ou si attente 2011); mais nous croyons en ces ventes de chevaux montés. Notamment pour les 4 et 5 ans.

Il est vrai qu’ on est loin des euphories d’il y a quelques années. Les ventes Fences, par exemple, sont extrêmement prudentes. Le catalogue des ventes de septembre est de 120 chevaux, comprenant les foals ! Ils savent que ça va être difficile. Car pour qu’une vente ait des chances de réussir il faut environ 2 acheteurs par cheval. S’il n’y a pas ce quota d’acheteur, c’est vraiment très difficile…

Mais je suis sûr qu’on touche à la fin de cette période de morosité. Et que si 2010 est encore un peu frileux, 2011 sera formidable! »

Alix Thomas

21/08/2009

Actualités régionales