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Le D DAY chez les éleveurs du Cotentin

  • Réception des militaires dans la famille Savary
    Réception des militaires dans la famille Savary
Le 75e anniversaire du débarquement a été célébré de façon grandiose. Revenons le temps d’une lecture sur ce passé fait de pleurs et de sang avant la délivrance, chez nos amis éleveurs de chevaux du Cotentin. Claudie Blandamour a fait œuvre d’historienne, témoignages à la clef, pour raconter cette page d’Histoire. Je l’en remercie. E. R.


Aux premières loges en ce 6 juin 1944, nul doute que c’est la famille de Valavieille au manoir de Brécourt à Sainte-Marie-du-Mont non loin de la plage qui deviendra la plage d’Utah Beach.


La ferme est réquisitionnée par les Allemands qui y séjournent. A l’aube les Américains prennent position et tirent cinq balles sur Michel de Valavielle qu’ils prennent pour un Allemand en civil.


Opéré sur place par les Américains, il sera transporté en Grande-Bretagne ou il restera 8 mois afin d’y être soigné.


Cinq ans plus tard il sera élu maire et contre l’avis de ses administrés créera en 1962 le premier musée du débarquement.


Il accueillera toute sa vie les autorités et vétérans pour commémorer cette date qui pourtant lui a laissé de douloureuses séquelles.


Aujourd’hui ce musée est présidé par son fils Charles de Valavieille (élevage de Brécourt) adjoint au maire.


Lundi 10 juin il accueillait les familles de quatorze Code Talkers Commanches dont la mission était de transmettre durant les combats des messages codés en langage inconnu des ennemis.


• A Saint-Come-du-Mont, la famille Brohier (élevage Tame) au haras de Tamerville sera aussi sous le feu des bombardements venant de la côte et des 575 parachutistes qui ont pour mission de libérer la seule voie d’accés à la nationale 13 qui traverse le bourg et relie Carentan à travers les marais maintenus remplis d’eau par les allemands.


• A Saint-Marcouf-de-l’Isle la batterie de Crisbecq se situe à une centaine de mètres de la ferme d’Etienne et Josette Poisson (élevage de l’Isle).


Etienne né en 1936 est peu loquace sur cette période, nous confie son fils Jérôme. (Le père d’Etienne ce jour du 6 juin est tué dans le bombardement de la ferme voisine).


Cependant il confiait à son petit fils Gabin perché sur la barrière de la ferme qui regardait passer les jeeps et véhicules d’époque, que lorsqu’il avait son âge, il se postait à cette même place lorsque les Allemands passaient et faisait mine de leur tirer dessus à l’aide d’un bâton.


Son oncle avait d’ailleurs dit à son pére « ramasse ton petiot il va nous faire fusiller »


Il avoue qu’il a eu de la chance : « il y avait des bombes qui tombaient grosses comme des voitures et nous on se cachait avec mes frères sous la table »


Dans le champ fraîchement ensilé ou nous irons nous garer pour aller voir la reconstitution de la prise de la batterie de Crisbecq, il nous conseillera de longer la haie car le terrain est bosselé, des restes des bombardements!


Il rentrera sa pouliniére suitée ce soir-là, car les tirs de balles à blanc et le feu d’artifice pourraient les effrayer.


Un peu plus haut à Ozeville Jacques Hamel (élevage Vaudival) raconte cette période:


« Dès les premiers jours de septembre 1939, papa (Louis Hamel) est mobilisé, il laisse maman avec deux enfants et quinze jours plus tard naîtra leur troisième enfant. Maman doit élever ses enfants et gérer la ferme. Lors de la construction du mur de l’Atlantique, des blockhaus seront implantés à quelques mètres de la maison, nous sommes à 3 km des côtes.


Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les obus de la Marine pleuvent sur Vaudival à cause des blockhaus, ma mère doit fuir avec ses enfants, elle laisse tout. La bataille va durer quinze jours, nous sommes à mi-chemin entre Ste Mére et Montebourg, cette dernière sera libérée le 19 juin, entre ces deux communes il n’y a que 7 Kms. Au retour, ma mère ne découvrira qu’un champ de ruines, tous les animaux, bovins et chevaux avaient disparu, ils ont été tués, seul le poney utilisé lors de leur exode a survécu, mais les bombes ont eu raison de son audition...


Papa rentre le 13 avril 1945, il apprend en rentrant par le train que toute sa famille est saine et sauve (depuis le débarquement il ne recevait plus de courrier) il fera alors connaissance de sa fille qui a cinq ans et demi !


En 1973 il fera naître Hozeville. Malheureusement mon père ne le verra pas gagner le grand prix d’Aix-la-Chapelle en 1985 sous le nom de Silbersee, un beau symbole ! »


Bien évidemment comme bon nombre d’entre nous cette année encore il passera la semaine à Ste Mére, et en particulier pour le largage des parachutistes, c’est la tradition, ses enfants viendront bien sûr en week-end pour la circonstance!


• La famille Savary (élevage de Rampan) à Carquebut est aussi concernée. La ferme du Rampan marque l’entrée dans les terres de ce que l’on nommera la bataille des haies, (les marais sont le lieu des parachutages). Episode ou finalement les alliès auront plus de pertes et de difficultés à passer que pour prendre pied sur la plage d’Utah.


La famille accueille depuis plusieurs années les militaires de la 101e Airborne qui seront parachutés le dimanche sur le marais de la Fiére.


Cantonnés dans les camps installés sur le stade hippique de Ste Mère et cette année sur l’hippodrome de Carentan car plus nombreux pour le 75e anniversaire, les militaires sont accueillis au sein des familles du Cotentin pour un repas ou chaque maîtresse de maison se fait un point d’honneur à leur faire déguster les produits locaux et le cèlèbre Calva.


• Dans ce bocage à Picauville, les époux Lapierre sont aussi aux premières loges (Elevage Deva). De leurs parcelles, les amis et voisins s’y retouvent pour admirer le passage de la patrouille de France mais aussi le show aérien de la Breitling Jet Team, 1 300 parachutistes seront largués ce dimanche, cela réprésente 10 % de ceux largués en 1944. A l’époque peu de dégats dans le quartier, un incendie seulement du côté de Cauquigny, comme le souligne Louis Lapierre.


Mais à proximité se situe le chateau de Bernaville ou le 5 juin à 23 h, cinq parachutistes auront pour mission d’abattre le général Falley qui y est cantonné, ceci afin de retarder le début de la réplique des allemands qui attendront en vain les ordres de leur supérieur.


• Toujours à Picauville à quelques centaines de mètres de l’élevage du Bust propriété du cavalier Ludovic Tripon se trouve la colline des 30 , lieu de rassemblement des parachutistes après leur largage, mais aussi le camp d’aviation qui sera en service dès le 12 juin.


Les planeurs transportaient des petits buldozers qui ont servi à combler les fossés et abattre les haies entre autres pour la construction de cette piste.


De nombreuses stèles et monuments jalonnent la campagne ici et là, pour remercier les ingénieurs anglais qui ont conçu le camp d’aviation, ou pour identifier le lieu du crash des C47 ou trône un moteur déterré en 1989 ou pour honorer la perte des Pathfinders ces éclaireurs qui avaient pour mission de baliser les drop zones afin que le largage soit plus précis et facile à repèrer pour les pilotes.


• A Nèhou au coeur du Cotentin, au lieu dit de la Belle Manière, dans un champ sous les pommiers, le général Patton établira son quartier général et dirigera la percée d’Avranches.


Logé dans une roulotte il sera là incognito et mon père (élevage Belmaniere) né en 1935 leur disait qu’il traversait la route avec ses frères pour aller manger avec les troupes américaines et qu’en échange les GI venaient à la ferme chercher du lait pour faire leur café au lait.


Aujourd’hui un char Sherman trône depuis 1994 et fait face au rond d’Havrincourt de la ferme.


En 1994, on pensait voir peu de monde au monument mais finalement , il y a toujours autant de passage et cette année depuis début juin c’est incessant : de tous les pays, des véhicules de l’époque défilent en grand nombre.


Helen Patton petite-fille du général a encore présidé comme chaque année la cérémonie du souvenir ce 2 juin.


• A Sainte-Mère-Eglise les commémorations furent encore plus importantes cette année du 75e anniversaire et l’affluence des spectateurs posa bien des problèmes. Il est question de 120 000 personnes le dimanche pour les parachutages et la veille le spectacle était impressionnant avec une parade de 3 000 personnes constituées des élèves et des fanfares des écoles militaires de 15 Etats d’Amérique en tenue d’apparât.


Victime de son succés, c’est ce qui à fait prendre la décision aux autorités de ne pas faire défiler le dimanche tous les militaires comme à l’habitude après les parachutages.


Les rues bondées ne permettaient pas de faire la place au passage des troupes dans des conditions optimales de sécurité.


Franck Lemagnen responsable technique au pôle hippique de St Lô, gendarme réserviste en mission durant toute cette semaine, explique que les autorités savaient que la foule serait nombreuse car le public était déjà nombreux dès le week-end du 1er juin.


Le Camp Géronimo à Ste Mère avait ouvert tôt et les véhicules et chars étaient arrivés à la fin du mois de mai.


Le 75e anniversaire sera sans nul doute le dernier où les vétérans étaient encore présents.


Leur passage dans la foule dimanche 9 juin fut encore comme chaque fois un grand moment d’émotion.


Ovationnés traités comme il se doit en héros, ils sont souvent surpris de l’accueil que nous leur réservons, ils hésitent toujours à revenir car lorsqu’on les interroge aux USA, ils ont le sentiment d’avoir détruit des villes et villages, provoqué la mort de civils (20 000 au total).


Mercredi 5 juin Tom Rice 97 ans a sauté une nouvelle fois sur les marais de Carentan lieu où 75 ans plus tôt il fut parachuté.


Il était déjà venu en 1994 et 2004 incognito mais cette fois c’est en héros que la foule l’a acclamé et s’est massée jusqu’à s’arrêter sur la RN 13 pour le voir, les bretelles d’accés étaient bloquées d’aillleurs certains cavaliers sont arrivés en retard aux épreuves SHF qui avaient lieu à Auvers ce matin-là. On peut dire que le public l’a accompagné en aussi grand nombre que s’il avait été sur la croisette à Cannes!


Début juin on vit donc différemment dans le Cotentin. On n’engage pas en concours ce week end là. Sébastien Tencé (cavalier pro en tête du classement SHF) accueille chaque année dans ses écuries une escouade de huit chevaux de la Garde Républicaine qui assure la sécurité et ouvre les parades.Pour se rendre aux écuries de son domicile situé à Ste Mère c’est la moto qu’il utilise car les voies d’accès sont limitées, les campings cars pullulent et on n’est pas à l’abri de se retrouver face à un char ou à un véhicule à chenilles.


Sortir le poids lourd pour aller concourir c’est compliqué et puis la tradition veut qu’il recoive ses amis à diner pour ensuite aller au feu d’artifice.


Depuis que je suis toute petite la tradition du dimanche c’est d’assister au parachutage de la Fière.


Quand j’étais enfant les parachutes étaient de couleur rouge, bleu, jaune, depuis quelques années ils sont à nouveau de la couleur de l’époque, verts.


On partait en famille avec le pique-nique comme pour aller à la mer, et on attendait. Certaines années la météo ne nous permettait pas d’en voir beaucoup car le vent empêchait les largages, les nuages aussi, il fallait être patient, le speaker nous donnait les infos météo et on attendait que le vent tombe. Dimanche nous avons eu de la chance la pluie n’a fait son apparition qu’en fin de journée.


Le débarquement des alliés en juin 1944 reste donc dans la mémoire des habitants comme une formidable Armada avec ses drames, ses joies et ces jeunes gens qui sont venus se battre, et pour certains, mourir sur nos terres.


Aujourd’hui l’engouement pour ces commémorations ne faiblit pas, le saut de génération s’est fait et la plupart des gens présents n’étaient pas témoins de ces évènements, mais chacun garde en tête le récit du pére ou de l’oncle qui a vu ou était impliqué souvent involontairement dans la grande histoire.


Jumelage avec Aix-la-Chapelle


Les générations suivantes ont pardonné. En 1960 Montebourg fut la première commune de la Manche qui se jumela avec une ville allemande et le hasard fait qu’il s’agit d’ Aix-la-Chapelle !


En juillet prochain, au CHIO où la France est invitée d’honneur, un poulain SF sera offert au gagnant du Grand Prix et un des éleveurs du groupement de Ste Mère a déjà présenté un de ses foals au cours de la première sélection.


Les éleveurs du groupement de Ste Mère s’y rendront en bus comme en 2015!


Etienne espère y voir Quabri de l’Isle cette fois-ci. Je rêve aussi d’y voir Ulane Belmanière....


Claudie Blandamour

20/06/2019

Actualités régionales