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L’alimentation de la jument et de son poulain

Sans vouloir heurter les cavaliers de concours, il convient de constater que l'alimentation des poulinières est beaucoup plus technique que celle des chevaux de sport engagés sur une coupe du monde. Regardons ici quels sont les enjeux incontournables de l'alimentation des poulinières et des poulains. Photo 1 sur 3

Nouvelles normes alimentaires : le travail initié en 1995 par le Professeur Wolter et terminé en 2002 nous a apporté beaucoup. Il s'agit du programme ESOAP (Elevage Statut Ostéo Articulaire & Performance) : un chantier d'observation des rations distribuées dans 40 haras de Basse-Normandie comparées aux radiographies des poulains produits par ces même haras. Cela a mis en évidence les erreurs alimentaires à ne pas commettre pour éviter les AOA (affections ostéo-articulaires). La mise à jour 2011 du livre INRA de 1990 ne reprend pas ces éléments, c'est très décevant de la part de l'INRA.

Le besoin des poulinières en lactation : il est caractérisé par un besoin en protéines et calcium très supérieur aux chevaux au travail et très supérieurs à ceux donnés par l'INRA en 1990. Le besoin en calories est également vertigineux aussitôt qu'elle a mis bas. On pourrait presque dire que son métabolisme s'emballe pour devenir une « méga-chaudière » : 2,5 fois le besoin en protéines et 1,5 fois le besoin en calories d'un athlète de haut niveau !

Besoins alimentaires d'une jument race de sang Poulinière en lactation Cheval de sport type « coupe du Monde »
Madc (protéines) 2 000 gr 800 gr
UFC (calories) 10.5 8.0
Calcium 110 gr 50 gr

Déclencher l'ovulation : une technique simple pour favoriser le retour en chaleur est d'augmenter les rations alimentaires + la durée du jour en laissant la lumière allumée presque toute la nuit chez les femelles. Appelée flushing cette technique est très efficace et correspond artificiellement à l'allongement de la durée du jour et à la mise à l'herbe de printemps.

Les besoins des poulains en croissance : (du sevrage à 3 ans) à part si l'on doit produire des yearlings présenté aux ventes aux enchères, et contrairement à ce que l'on croit souvent, les besoins des poulains sont très simples à couvrir.
Sous la mère, ne vous en préoccupez pas trop, car pendant le premier mois d'âge, le poulain est seulement « lactivore » c'est-à-dire qu'il n'est pas capable de digérer autre chose que le lait de sa mère même s'il fait mine de « mâchouiller du foin pour se donner un genre ». Ensuite il mangera avec sa mère et son besoin augmentera de manière harmonieuse pendant que le besoin de sa mère diminuera au cours de la lactation.
Du sevrage jusqu'à 3 ans : l'apport de concentré varie de 1 à 3 kilos par selon les races. Si par exemple vos poulains sont bien avec 1 à 2 kilos (2 à 3 litres d'un granulé élevage) par jour en plus de foin à volonté, alors vous pouvez prévoir qu'ils seront bien avec la même quantité jusqu'à 3 ans. En grandissant, ils augmenteront leur ration naturellement en consommant de plus en plus d'herbe et/ou de foin.

Les besoins en minéraux, vitamines et oligo-éléments : le sujet est trop vaste pour le détailler ici. Cet aspect doit être vérifié au moyen d'un calcul de rations spécifique.

Gestion de l'état général :
Des poulinières trop maigres : on observe souvent des poulinières très amaigries au moment du sevrage de leur poulain. Pour éviter cela, il est nécessaire de lui distribuer des rations « considérables » après la mise-bas. L'appétit de la mère en tout début de lactation est faible mais s'ouvrira petit à petit au cours du premier mois de lactation. Sa ration devra donc être augmentée progressivement.
Des poulinières trop grasses : Presque toujours, pour éviter une sous-alimentation, la préparation à la lactation se traduit par des excès alimentaires. A ce stade un excès est très préjudiciable car il entraîne des dépôts graisseux autour, voir dans les organes de la reproduction (ovaires, mamelle). Les retards d'ovulation, s'ils sont le plus souvent le fait de phénomènes saisonniers (conditions météorologiques, luminosité) peuvent également être renforcé par une surcharge pondérale de la jument.
Des poulains trop jolis : Le seul risque est de «pousser » la croissance par un apport calorique excessif. Il ne faut pas chercher à obtenir un « joli poulain » bien rond sur le modèle d'un joli cheval de sport. Car dans ce cas nous entrons dans une zone à fort risque d'AOA.
Au contraire, vous pouvez jouer avec la croissance compensatrice de sortie d'hiver lorsqu'on remet les poulains en pâture. Un poulain « fit » en hiver va compenser en été. N'ayez pas peur des retards de croissance, cela ne pose pas de problèmes.
Concours modèles et allures : pour préparer la mère et l'enfant : distribuer une forte dose d'huile végétale (300 gr dans la ration de la mère) chaque jour pendant un mois avant le concours + un complément minéral. Ils vont briller !
Sous un angle économique : l'étude économique menée par Sophie Boyer des haras nationaux montre que le gaspillage est considérable dans les élevages. Le coût alimentaire rapporté à la poulinière varie de 350 à 2900 € selon les éleveurs ! L'excès de poids peut également être considéré comme l'un des gaspillages. Une poulinière de 500 kg (poids de sforme) peut être entretenue à un poids de 450kg ou de 550 kg. L'écart de besoin énergétique entre ces deux poids représente environ 180 € par poulinière et par an.
La culture de l'herbe est par ailleurs sans conteste le levier numéro 1 d'une bonne alimentation des poulinières au plan technique comme au plan économique. Que l'herbe soit distribuée sous forme de foin ou en pâturage, elle représente 80 à 90% de la ration. Un plan de fumure s'impose !

Exemple de ration

En kilos Poulinière vide ou début gestation hiver En lactation avant mise à l'herbe Poulain au sevrage début hiver Jeune 3 ans à l'herbe
Herbe 33
Foin 8 8 3
Paille 3
Orge 2
Complément calories : aliment type « cheval de club » 1 2 3 2
Aliment riche en protéine avec un minimum de 150 gr de Madc/kg 4

Alors, il nous reste à souhaiter la bienvenue à tous les poulains 2012 !

Bertrand de Rancourt, Nutritionniste équin indépendant

Pour en savoir plus : inscrivez-vous à l'atelier débat : L'alimentation de la jument & de son poulain le 6 avril, au Pôle Hippique de Rosières aux Salines, sellerie d'honneur, de 18h à 20h, animé par Bertrand de Rancourt. Un buffet suivra, offert par Etienne Aliments, au cours duquel vous pourrez continuer d'échanger entre vous et avec l'animateur.
Prix : 10 €/pers ou 15 € formule «DUO » (deux inscriptions en même temps)
Contact : 03 29 05 83 83
Relation Presse : Journal Le Cheval
22/03/2012

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