- Toute l’actualité du cheval et des sports équestres

Journal de voyage d’un éleveur du Bade-Wurtemberg

Partis du Bade Wurtemberg le 30 juillet à 23 h, arrivés au Haras du Pin vers 10 h. Ce n’est pas encore la Manche, le Holstein normal. C’est au cœur de l’Orne. Nous en croyons difficilement nos yeux d’éleveurs : le haras est un vaste Photo 1 sur 4
château, au centre de plus de mille hectares. Tous mes confrères font des photos. Nous sommes accueillis par Philippe Martin, président de l’Adep, Association des Eleveurs de la circonscription du Pin, et par Claire Chabert, chargée de projets à la délégation régionale de Basse-Normandie des Haras Nationaux. Otmar Beyer, éleveur allemand installé dans l’Orne, sert bénévolement de traducteur. Accueil plein de gentillesse et de simplicité. Claire Chabert nous raconte l’histoire du Château, évoque Louis XIV et l’architecte de Versailles. C’est impressionnant.

Plusieurs étalons SF nous sont présentés dans la cour : Rosire, Dandy du Plapé et d’autres, Bleu Blanc Rouge, qui nous dit-on, appartient aux Haras et à l’Adep, puis des attelages  viennent faire une démonstration en face de nous; rien de négligé : les gardes sont en tenue. 

A l’entrée d’une belle allée en perspective, nous apercevons une tombe : Furioso y repose.

Nous visitons ensuite les écuries : elles sont anciennes, mais confortables et claires. On y découvre entre autres les puissants percherons. Et dans la cour , sous un beau soleil, Louis Basty, Champion de France d’Attelage, nous explique avec une passion grave son travail de formateur.

Le bus nous entraîne alors dans une tour du haras : c’est très vaste et très complet : des terrains de CSO, des terrains de cross, des pâtures, de longues allées de trot et de galop de chaque côté d’une petite route, un hippodrome…

A Brullemail, qui se trouve proche, c’est un charmant petit château que l’on découvre, tout planté de rosiers; le propriétaire, M. Le Courtois, est absent; il a une excellente excuse : il est parti voir sa jument Katchina Mail à Gijon; nous apprendrons plus tard qu’elle a gagné la Coupe des Nations et le Grand Prix. Un véritable exploit. En attendant, c’est Marc Vannier qui a reçu mission de nous faire explorer l’élevage. Ce qu’il fait avec compétence et gentillesse, en y consacrant beaucoup de temps et de patience. Nous passons devant la tombe d’Almé. Un instant d’émotion. On nous montre Quite Easy, puis Quality Touch, puis des juments poulinières, en particulier Elvira, la mère de Katchina; les poulains sont comme marqués d’une signature très moderne : celle de Brullemail. L’élevage est fondé sur au moins trois éléments, nous semble-t-il : la recherche du chic, la sélection rigoureuse des reproducteurs, le croisement raisonné SF/SE. Mais la visite, si longue qu’elle soit, n’est qu’un aperçu.

De là, nous nous rendons au Haras des M. C’est Jacques Levallois, souriant et alerte, qui nous a expliqué l’histoire du Haras depuis 1997, nous a montré les SF Quick Star, Jarnac, Dollar de la Pierre, et nous a guidés dans les pâtures où les poulains, familiers, se mêlaient à nous. Un puissant foal issu de Lamm de Fétan et de Querly Chin nous poursuivait de son amitié. Lamm est absent. Il prépare Dublin chez Hervé Godignon.

Le lendemain matin, après une nuit passée dans la ville d’ Argentan dès 8h20, nous revoici sur la route. Deux heures nous séparent de la prochaine étape : St-Lô. Nos hôtes en profitent pour se renseigner sur l’élevage de chez nous. Il existe plusieurs très grands haras au Sud-Ouest de l’Allemagne. Quel est le prix des saillies ? Les étalons connus sont chers. Le plus cher est Cento, 3 500 €, il est le plus demandé, parce qu’il a produit beaucoup de bons chevaux de sport. Arioso du Theillet est à 1 500 €; le niveau des saillies des jeunes étalons d’Etat est de 400 €, et chez les privés, 600 €; on pratique aussi des promotions, à 200 ou 300 €. Il faut ajouter 40 € par chaleur pour les frais techniques. Pour une saillie moyenne, un poulain doit être vendu de 3 000 à 3 500 €. Les privés offrent des conseils d’élevage, une aide à la commercialisation, une aide au débourrage. Mais il y a une grande nouveauté dans le cadre de la réduction des coûts, c’est la diminution des stations de monte. D’autre part, depuis quelques années, l’agrément est unique pour les cinq stud-books du Sud de l’Allemagne; grâce à cette fusion, le nombre de juments est égal au nombre de juments du stud-book hanovrien, environ 15 000, ce qui nous accorde un grand poids face aux différentes instances.

Cependant, nous arrivons à destination. Nous sommes accueillis sur la petite place de St Ebremond de Bonfossé par M. Fernand Leredde. A l’auberge, un repas normand nous attend. M. Leredde raconte : il a connu 3 époques, 3 fois vingt ans : 1950-1970 avec la motorisation et la nécessité de trouver de nouveaux débouchés, 1970-1990 : les années faciles; depuis 1990 la spéculation. Puis il évoque  l’achat qu’il fit des poulinières de Louis de Funès, celles du baron Empain, lors de son enlèvement, celles du prince de Broglie en 1981. Parmi ces dernières, une certaine Dirka, pleine de Quidam.

Dans la carrière, plusieurs chevaux travaillent; parmi eux, on nous présente un fils de Papillon, un trois ans très près du sang Saigon Rouge. Sa mère Scevollia est une pur-sang. Il est qualifié pour le concours des étalons. Mais la carrière se vide; voici qu’un groom nous amène celui qu’on espérait voir, l’une des grandes figures du Selle Français et tous le regardent avec émotion : Papillon Rouge. Nous allons ensuite dans les pâtures, où nous découvrons outre l’élevage de SF, un élevage de pur-sang.

Quelque temps plus tard, à Couvains, nous sommes reçus par l’épouse de Richard Levallois. Avec une grande gentillesse, elle nous présente le laboratoire et donne des explications sur l’histoire et le fonctionnement du Haras; nous irons ensuite dans les pâtures voir les poulains; mais nous éprouvons une petite déception : Diamant de Sémilly n’est pas là; il se trouve à Dozulé. Nous nous consolons en regardant la vidéo de son parcours à Jerez en Coupe des Nations, en 2002. Magnifique. Suivent des vidéos de Kalaska de Semilly, sous la selle de Latifa Al Maktoum, de Lagon de l’Abbaye, de Rock’n Roll de Semilly. L’accueil est charmant. Mais nous sommes obligés de renoncer au café ou chocolat offert : il se fait tard. Il nous faut aller à Moon-sur-Elle.

La pluie menaçait; elle se déchaîne. De lourds torrents glissent sur les vitres du car où nous restons réfugiés en compagnie de deux des fils de M. Pignolet. Ce n’est pas un étalon qui fait la gloire du Haras d’Elle, mais la lignée exceptionnelle de Gazelle. La pluie et la fatigue du voyage écourtent un peu la promenade dans les pâtures. Là encore, les propriétaires nous consacrent beaucoup de temps. Nous nous rendons à St-Lô pour le repas du soir, en compagnie de Xavier Leredde.

Le lendemain, le temps s’est remis au beau; nous sommes reçus au Haras du Banco, chez Bénédicte Barrier. Nous avions vu l’avant-veille ses deux étalons Qlipper du Banco et Nérios du Banco. Nous voyons à présent ses installations extérieures ingénieuses et ses poulains issus de bonnes mères telles que Bellone d’Idéale. On s’enquiert des prix. Un repas simple et convivial nous rassemble ensuite sur la terrasse. Nous échangeons nos impressions.

Nous étions venus voir des Selle Français. Nous sommes comblés. Ce qui frappe tout de même, c’est que chaque élevage a sa politique, et que les poulains en portent la marque, la signature.

Je n’oublie rien ? Ah ! Si, au cours du voyage, nous avons vu le clone d’ET ! Quelle chose de peu ordinaire ! Un animal qui n’a ni père ni mère. Et puis, l’un d’entre nous s’en retourne heureux d’avoir acquis deux belles pouliches percheronnes de 6 mois pour atteler à des calèches sur les routes pentues de la Forêt-Noire. Il reviendra les chercher au sevrage.

Ce fut une belle expérience, et tellement agréable par l’accueil que nous avons reçu partout. Nous en parlerons à nos confrères, qui n’ont pas voulu venir, pour les rendre jaloux et pour leur donner envie de venir la prochaine fois.
M. B.-L.

24/09/2009

Actualités régionales