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Jeanne d’Arc : une sacrée cavalière

Un hommage inattendu vient d’être rendu à la grande cavalière que fut Jeanne d’Arc : c’est une pouliche baptisée Joan of Arc qui a remporté, dimanche 20 juin, une des principales courses de l’année, le fameux Prix de Diane 2021.

Un des plus grands mystères de l’extraordinaire aventure de Jeanne d’Arc est dans sa capacité à avoir su se montrer d’emblée excellente dans des arts dont elle ignorait tout. Comme elle l’a raconté elle-même lors de son procès, lorsque des voix célestes l’exhortaient à aller retrouver le roi de France pour l’aider à reconquérir son royaume, la fillette leur objectait : « Je ne suis qu’une pauvre fille, qui ne sait ni monter à cheval ni conduire une guerre. » Or Jeanne d’Arc se révéla immédiatement capable du contraire. Elle fut une vraie guerrière et, surtout, une excellente cavalière.

En 1901, un officier de cavalerie, Louis Champion, capitaine commandant du 5e Chasseurs, consacra même un livre entier1 à ce sujet : quels chevaux montait-elle ? Quel type de harnachement utilisait-elle ? Quelle allure (trot ou amble) préférait-elle ? Et surtout, combien de lieues parcourut-elle au cours de sa brève épopée, entre février 1429 et décembre 1430 ? Traduite en kilomètres, la distance est impressionnante : 5 329 kilomètres !

Plus récemment, un sympathique maître-randonneur, le bien nommé Jean-Michel Millecamps, a voulu reconstituer - à cheval, bien sûr - une partie du parcours de Jeanne. Avec un groupe de quelques passionnés, il a couvert entre le 22 février et le 4 mars 2005, « 576 ans après, jour pour jour, heure pour heure, même itinéraire, mêmes étapes », les cinq cents et quelques kilomètres qui séparent Vaucouleurs - d’où est partie Jeanne - de Chinon, où elle a rencontré pour la première fois le roi.

Il en a tiré un livre2 qui est à la fois le récit de sa petite aventure et le roman de la grande aventure de Jeanne.

Pour faciliter la compréhension des lecteurs d’aujourd’hui, qui ne sont pas forcément des érudits, Jean-Michel Millecamps a la bonne idée d’émailler ses récits de mille données historiques sur les personnages ayant accompagné l’héroïne, et sur les lieux qu’elle a traversés. Il en résulte un fort désir d’en lire la suite - même lorsqu’on en connaît le tragique dénouement. 

« Un petit homme dans un grand roi »

On ne s’en lasse pas. On a beau avoir lu et relu cent fois les exploits de Jeanne d’Arc, lu et relu les centaines d’ouvrages qui lui ont été consacrés - des biographies hagiographiques de Régine Pernoud aux travaux critiques de Philippe Contamine -, on en redemande encore et encore, tant l’histoire stupéfiante de cette jeune bergère reste à la fois fascinante et inexplicable.

Par quel mystère, en effet, par quel miracle, grâce à quelle force invisible une adolescente analphabète, née dans un modeste village situé aux confins du royaume de France, a-t-elle pu, dans la première moitié du XVe siècle, entraîner derrière elle une partie de la chevalerie, sortir le dauphin de l’espèce d’exil dans lequel il s’était confiné lui-même, le remettre solennellement sur le trône, et le faire sacrer roi en la cathédrale de Reims, puis bouter hors les Anglais qui occupaient, avec la complicité des Bourguignons, une partie de son royaume ?

Quelle que soit sa connaissance des mœurs et coutumes de l’époque, du contexte politique et religieux, des circonstances dans lesquelles s’est déroulée cette épopée, on demeure ébahi : l’histoire de Jeanne d’Arc reste incompréhensible, voire incroyable. Et pourtant, c’est la vérité : c’est bien comme cela que les choses se sont passées !

Aussi reste-t-on toujours, cinq à six siècles plus tard, demandeur de tout élément pouvant expliquer le phénomène, éclairer l’étrangeté de cette aventure, élucider, au moins partiellement, une des plus grandes énigmes de l’Histoire de France.

Peut-être vaut-il mieux se tourner alors vers les écrivains, les romanciers, qui osent parfois des approches, explorent des hypothèses pouvant en dire plus long que les travaux savants.

Tel est, en tout cas, le mérite des deux ouvrages produits coup sur coup par Michel Bernard : Le bon cœur (2020) et Le bon sens (en 2021)3.

Michel Bernard n’est pas un véritable historien - ni d’ailleurs un romancier professionnel. C’est un haut fonctionnaire. Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), il a fait carrière dans la préfectorale : preuve du fait que la fonction publique peut laisser à ceux qui s’y adonnent, même sérieusement, suffisamment de temps pour produire une œuvre littéraire. Auteur d’une bonne demi-douzaine de romans et essais, Michel Bernard en fait la démonstration, comme ce fut le cas au siècle précédent avec Paul Claudel, ambassadeur de France et néanmoins auteur d’une impressionnante quantité d’œuvres (et chefs-d’œuvre). Parmi lesquelles - il est intéressant de le mentionner - une sorte d’opéra religieux, Jeanne au bûcher, mis en musique en 1939 par Arthur Honegger.

Michel Bernard, lui, reprend l’affaire Jeanne d’Arc vingt ans après qu’elle ait été, la pauvrette, brûlée vive à Rouen (le 30 mai 1431 : elle n’avait pas 20 ans), ayant été condamnée pour hérésie par un évêque français à la solde des Anglais.

Prise de remords, l’Église finit par accepter de réviser le procès qui envoya l’héroïne au bûcher, et de reconnaître son innocence. Il fallut toutefois attendre encore près de cinq siècles pour que le Vatican se décide à la béatifier (en 1909) puis à la sanctifier (en 1920).

Outre le plaisir que procure un style élégant et parfaitement classique, devenu rareté dans la production littéraire aujourd’hui, où l’on se croit trop souvent obligé de torturer la langue, une des grandes vertus du dernier livre de Michel Bernard est de cerner au plus près la personnalité des nombreux acteurs ayant joué un rôle dans les victoires ou les défaites, la condamnation ou la réhabilitation de Jeanne. À commencer par le roi Charles VII, ce personnage insaisissable, un peu falot, que Jeanne alla tirer de son irrésolution et parvint à décider de partir à la reconquête de son propre royaume. Entreprise dans laquelle l’aide de Jeanne fut, on le sait, plus que déterminante : elle en fut l’origine, le moteur, l’élément déclencheur.

Aussi a-t-on pu parfois trouver révoltante l’indifférence que Charles VII sembla afficher lorsqu’il apprit la condamnation et le martyr de celle à laquelle il devait tant. Il fallut attendre près de vingt ans, en effet, pour qu’il consente enfin à réclamer au pape une révision du procès qui avait été injustement intenté à Jeanne en 1431.

À lire Michel Bernard, on découvre que ce qui a pu passer de la part de Charles VII pour de l’ingratitude, de la mesquinerie, ou de la lâcheté n’était sans doute que de la prudence ou même, mieux encore, de la sagesse. Il était sage, en effet, en la circonstance, de se hâter avec lenteur. L’urgence était de ne rien entreprendre qui puisse disloquer à nouveau un royaume réunifié non sans mal. Au lieu d’humilier ceux qui s’étaient opposés à lui - principalement les Bourguignons qui s’étaient alliés aux Anglais -, il décida de faire preuve, au contraire, de mansuétude, de pardon et d’oubli. S’empresser de vouloir réhabiliter Jeanne aurait pu paraître comme une revanche, voire une vengeance. Il préféra attendre un peu , patienter, temporiser. Autrement dit, il sut « donner du temps au temps », comme le formula si bien l’un de ses lointains successeurs - tout aussi ambigu que lui - le président François Mitterrand.

Avec cette méthode, qui pouvait apparaître comme de l’hésitation, de la tergiversation, Charles VII réussit à la fois à obtenir la réhabilitation de Jeanne et à mettre une fin définitive à la guerre de Cent Ans. Ce fut, conclut Michel Bernard, « un petit homme dans un grand roi ».

Jean-Louis Gouraud

1 Jeanne d’Arc écuyère, de Louis Champion. Édition originale : Berger-Levrault, 1901. Réédition : Caracole (Favre), 1999.

2 L’Incroyable chevauchée, de Jean-Michel Millecamps, éditions de la Tanière (29 Grande Rue, 95450 Le Perchay, France).

3 Tous deux aux éditions de la Table Ronde.


15/07/2021

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