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Bien-être animal (3) : Optimiser le bien-être du cheval au travail

  • Optimiser sa communication et son savoir-être pour atteindre un état émotionnel positif, comme le fait ici Marie Pellegrin (©ER)
    Optimiser sa communication et son savoir-être pour atteindre un état émotionnel positif, comme le fait ici Marie Pellegrin (©ER)
Aux Journées du Complet, à Saumur les 22 et 23 janvier, les deux chercheuses  Christine Briant et Alice Ruet ont exposé lors d’une conférence les tenants et aboutissants du bien-être animal, de son concept initial à sa mise en application. Le Cheval en publie les principaux extraits, en trois épisodes. Après la définition du bien-être animal, puis la présentation de quatre indicateurs comportementaux du mal-être chez le cheval, voici exposées quelques clés permettant de favoriser le bien-être au travail.

« Pour ce qui concerne l’équitation, une étude a été faite sur 43 chevaux (…) grâce à un questionnaire destiné aux instructeurs qui les utilisaient dans les cours d’équitation, puis chaque cheval a été monté par un seul cavalier professionnel sur une reprise de dressage d’un niveau assez classique, amateur 1.
On a constaté que les chevaux qui tiquaient et qui étaient très hypervigilants au box présentaient tout un ensemble de comportements et d’attitudes qui indiquaient du stress ou de la peur pendant l’équitation.
Les chevaux qui, eux, étaient très insensibles à l’environnement au box avaient plus de mal à répondre aux stimulations du cavalier, et ça pourrait indiquer un état général de résignation.
Pour les chevaux agressifs envers les humains - ce qui n’est vraiment pas qu’un indicateur de personnalité - lorsqu’ils étaient montés par le cavalier professionnel ils exprimaient beaucoup plus de comportements d’inconfort, via tout ce qui est ouverture de bouche ou défenses. Et en mettant des capteurs pour mesurer leur locomotion, on a vu qu’au galop ils avaient une façon particulière de se déplacer, caractérisée par une frappe au sol beaucoup plus importante, qui, visuellement, donnait  l’impression d’une allure très saccadée. Ce pourrait être des indicateurs qui révèlent de la douleur chez ces chevaux agressifs. (…)

Quelques clés pour vos pratiques quotidiennes

Il ne va pas s’agir de vous dire comment travailler vos chevaux, mais plutôt d’avoir quelques clés à introduire dans les pratiques quotidiennes pour que le cheval soit dans un meilleur état de bien-être, sans toucher à la performance. (…)
En ce qui concerne les bonnes pratiques, essayer d’optimiser sa communication avec le cheval grâce aux principes de l’apprentissage (…) ne date pas d’aujourd’hui. Il y a trois grands principes d’apprentissage, c’est l’habituation et la sensibilisation, le conditionnement opérant, et le conditionnement classique*. Et dans votre équitation de tous les jours, c’est sûr que vous utilisez tous le renforcement négatif - « négatif » n’ayant pas du tout une connotation au sens de défavorable mais signifiant que l’on va retirer quelque chose. Par exemple quand vous exercez une pression des mollets pour faire avancer le cheval - ce qu’on appelle le signal - le cheval va avancer immédiatement puis vous allez céder, vous allez enlever la pression. On peut enlever la pression au niveau des jambes, au niveau des mains, au niveau du corps, ça s’appelle céder. On dit qu’il faut céder dès que le cheval a réagi, ainsi, s’il a compris qu’il était récompensé dès qu’il a fait le mouvement, cela va favoriser la communication et son bien-être. *
Ensuite on peut aussi optimiser son savoir-être. Les chevaux savent décoder de façon très précise nos postures, nos odeurs, nos expressions faciales, le ton de notre voix, ils reconnaissent les émotions humaines et, évidemment, si nous leur curons les pieds en faisant la tête (…), nous sommes, nous, dans un état émotionnel négatif, ce qui ne va pas communiquer au cheval des émotions positives. Lors d’une étude qui a été menée dans notre équipe également (…), on montrait à des poneys deux images de visages, un en colère et un autre qui exprimait la joie. En même temps qu’on montrait ces visages, on diffusait un son d’une voix, soit en colère, soit joyeuse. Or, les poneys ont regardé plus intensément l’image lorsqu’elle était incongrue, c’est-à-dire lorsqu’on avait le visage qui sourit avec la voix qui exprimait la colère et inversement (…), et en plus ils avaient un état émotionnel négatif plus important avec le son de voix en colère (…). Donc il faut vraiment prendre en compte ce ressenti des chevaux et essayer le plus possible de les mettre dans un état émotionnel positif.

Mesurer nos demandes

De l’explosion actuelle des études qui comparent les différentes conditions de travail des chevaux, il ressort aujourd’hui la nécessité de respecter les capacités cognitives du cheval. Par exemple prendre en compte le fait que les chevaux ne voient pas comme nous, ils voient quasiment à 360°. Il faut respecter aussi les capacités de mémoire du cheval et notamment de sa mémoire immédiate (quand on lui demande de faire quelque chose, pendant combien de temps il s’en rappelle). Ensuite respecter ses capacités physiques et mentales, essayer de toujours travailler sur des sessions courtes, (…) s’arrêter, reprendre, récompenser et reprendre, lui laisser intégrer ce qu’on lui a demandé, (…),  et si possible ne pas répéter tous les jours les mêmes mouvements. (…) Il a été montré que lorsqu’un cheval travaille un ensemble de mouvements (une reprise de dressage pas exemple, ndlr) un jour sur deux, il va apprendre aussi vite et aussi bien que s’il le travaille tous les jours. Ca va permettre, pendant le jour intermédiaire, d’aller faire une balade, ou de sauter des cavalettis, et le cheval sera dans un bien meilleur état positif, ce qui va lui permettre d’apprendre mieux et plus vite, d’être dans un meilleur état mental (…). Par ce biais-là on va donc améliorer la performance (…).
Ces résultats bibliographiques datent de dix ou quinze ans maximum, et quand on se souvient de ce qu’avait dit (au 19e siècle, ndlr) Faverot de Kerbrech : « demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup », on voit que finalement les hommes de cheval savaient cela depuis longtemps. Sauf que ce n’était pas démontré. »

* Pour plus de détails, se reporter entre autres au récent guide pratique publié par l’IFCE, « Comment le cheval apprend-il ? », par Léa Lansade, ou à la Web Conférence « En savoir plus sur les principes de l’apprentissage », de Christine Briant, disponibles sur le site de l’IFCE. 

02/06/2022

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