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Autopsie d’une épidémie sanitaire

La souche très agressive de la forme neurologique du virus de l’herpès équin (EHV-1)qui sévit actuellement à Valencia en Espagne, et qui a essaimé ensuite en France, Belgique, Allemagne est la plus grave des trois formes (respiratoire, nerveuse et abortive) : la forme nerveuse. L’épisode précédent, en 2018, avait poussé le monde des courses à l’obligation de vaccination contre le EHV-1.

21 février : 1er foyer viral 
Dimanche 21 févier, au CSI3* de Valencia, un foyer infectieux « non encore diagnostiqué » touche de nombreux chevaux présents, souffrant de fièvre. Sur ordre du directeur vétérinaire de la FEI, Goran Akerstrom le Grand Prix est interrompu dans l’urgence alors qu’il avait déjà débuté. Pourquoi ? La directrice du concours, Charo Ortells, qui n’a pas donné suite à nos demandes d’interview, déclare dans un communiqué daté du lendemain : « Nous avons contacté les autorités sanitaires et la FEI vendredi dernier(19 février, ndlr). Nous sommes rapidement passés de deux chevaux avec de la fièvre à vingt, mais pendant le week-end, nous n’avons eu aucun pouvoir pour empêcher les cavaliers qui voulaient quitter la compétition de partir. Tous ceux qui sont partis ont signé un document reconnaissant qu’ils l’ont fait à leurs propres risques ». 

Chasse aux sorcières
Des rumeurs circulent rapidement sur la toile : des cavaliers auraient « fui » (sic) pendant la nuit de dimanche. Certains cavaliers sont montrés du doigt, vilipendés. Des concours français qui « auraient » accepté des cavaliers venant de Valencia sont vilipendés. Les uns et les autres se sentent obligés de communiquer pour faire taire ces rumeurs.

Le concours d’Oliva, distant d’une soixantaine de kilomètres de Valence, ne semble connaître aucun cas pour sa part, pas plus que Vejer de la Frontera au sud de l’Espagne. 

22 février : quarantaine
Le CES de Valencia est mis en quarantaine le matin du lundi 22 février, par principe de précaution. Quant aux premières analyses, elles seraient négatives, selon la directrice du concours, Charo Ortells. Mais il y a 150 chevaux présents, et seulement deux vétérinaires espagnols présents ; les analyses prennent du temps, et leurs résultats tardent ... Aucun test PCR, il faudra attendre la vétérinaire dépêchée par la FFE. 

Tache d’huile
Une partie des chevaux étant rentrée en France, mais aussi en Allemagne et Belgique, le RESPE dénombre le 1er mars, deux cas « en lien avec le concours de Valence » en Belgique flamande et deux en Belgique wallonne diagnostiqués le 24 février, deux en Allemagne le 25, ainsi que deux en France (Seine-et-Marne) le même jour. En France, la carte proposée par le RESPE recense les régions les plus touchées par ce virus respiratoire EHV-1 : la Seine-Maritime, le Calvados, l’Orne, la Seine-et-Marne, l’Essonne, le Maine-et-Loire, les Bouches-du-Rhône.

La FFE attend le feu vert espagnol pour pouvoir intervenir, tandis que des vétérinaires espagnols sont toujours attendus sur place. 

1er mars : suspension des concours français
La FFE et la SHF décident conjointement de suspendre à partir du 1er mars et jusqu’au dimanche 28 mars 2021 inclus, l’ensemble des compétitions équestres nationales et internationales, rassemblements d’équidés et stages qu’elles organisent ou placés sous leur égide. 

Sophie Dubourg : « Nous demandons le rapatriement immédiat de nos chevaux »
La FFE, après avoir décidé d’annuler tous les concours et rassemblements de chevaux en France, a dépêché une doctoresse vétérinaire (et Présidente de Conseil Scientifique et Technique du RESPE) qui, déjà sur place le 3 mars à Valence, fait tout pour faire rapatrier les chevaux français en France. La FFE a demandé au ministre de l’Agriculture d’intervenir immédiatement auprès de son homologue pour autoriser en urgence le rapatriement sanitaire de nos chevaux, selon un protocole sanitaire strict. Dès leur arrivée en France, ils seront isolés dans les meilleures conditions pour y recevoir les traitements adéquats. 

2 mars : La FEI annule les manifestations européennes 
La FEI ne pouvait pas ignorer l’extension du virus EHV-1« valencien » en Europe. Après la décision de la FFE le lundi 1er mars d’annuler tous ses concours, quelques heures plus tard la FEI décidait de la même façon peu avant minuit « d’annuler les événements internationaux dans 10 pays du continent européen avec effet immédiat et jusqu’au 28 mars 2021. » La décision, couvre les événements en France, Espagne, Portugal, Belgique, Italie, Autriche, Pologne, Pays-Bas, Allemagne et Slovaquie. 

Par contre, « afin d’éviter qu’un grand nombre de chevaux ne quittent simultanément les tournées de saut d’obstacles sur la péninsule ibérique, en Italie et en Belgique qui se déroulent depuis plusieurs semaines », Ces tournées spécifiques (Vejer de la Frontera (ESP), Vilamoura (POR), San Giovanni in Marignano (ITA) et Gorla Minore (ITA) sont autorisées à se poursuivre sous forme de «bulles» individuelles à condition qu’absolument aucun nouveau cheval ne soit autorisé à entrer sur les lieux. avec des protocoles de biosécurité stricts. Les chevaux ne seront autorisés à quitter ces sites que s’ils sont en possession d’un certificat sanitaire officiel délivré par les autorités vétérinaires locales. Tout cheval quittant ces lieux sans ce document sera bloqué dans la base de données de la FEI. Il est également illégal de transporter un cheval sans certificat sanitaire officiel.

3 mars : Doha...
La FEI communique dans la soirée du 3 mars la détection d’un cas positif au GCT/GCL à Doha (QAT). Il s’agit de l’un des 4 chevaux (2 Colombiens 2 Allemands) ayant quitté Valencia (Esp) respectivement le 12 et le 7 février, arrivés à Doha le 20. Soit avant l’alerte épidémiologique. Toutes les mesures sanitaires ont été prises, avec isolement immédiat des 4 chevaux. La compétition continue pourtant, comme l’explique Göran Akerström, directeur vétérinaire de la FEI : « Sur le plan épidémiologique, le risque de nouveaux cas parmi les autres chevaux à Doha est négligeable en raison des mesures de biosécurité qui ont déjà été mises en place, et des conditions obligatoires supplémentaires convenues aujourd’hui. Il est évident que la situation sera suivie de très près et que nous avons la possibilité d’annuler l’événement si les choses changent ». Pendant toute la durée de l’événement, il y a un appel quotidien (ou plus souvent si nécessaire) entre la FEI, les organisateurs et les officiels FEI concernés sur place. Kevin Staut, président de l’International Jumping Riders Club (IJRC) a confirmé qu’il assiste également à cet appel quotidien.

3 mars : léger mieux
La situation sur place à Valence, bien qu’encore extrêmement pénible pour les chevaux et les propriétaires, s’est améliorée dès le 3 mars. Au total, 83 chevaux sur place présentent des signes cliniques et sont traités, mais aucun de ces chevaux n’est couché et n’a besoin de harnais pour se soutenir. Quinze chevaux sont traités dans des cliniques externes (13 à Valence et deux à Barcelone). 

Il n’y a plus eu de décès de chevaux sur le site de Valence depuis le 28 février mais on déplore un décès dans un hôpital vétérinaire de Barcelone et un autre en Allemagne. Ces deux chevaux se trouvaient à Valence. Cela porte tragiquement à six le nombre total de décès liés à cette épidémie.

4 mars : Vejer de la Frontera
Le jeudi 4 mars vers 23 h les dirigeants du Sushine Tour en Andalousie (Vejer de la Frontera) que le circuit mettra fin à la 27e édition le dimanche le 7 mars 2021, suite à la détection d’un cheval belge (venu directement de Belgique, présent à Vejer depuis 2 semaines) présentant des signes neurologiques de l’EHV-1, bien qu’il ait été testé négatif pour le virus. Le cheval arrivé aux installations du Dehesa Montenmedio directement de sa résidence en Belgique est isolé à deux kilomètres du lieu de la compétition depuis le 26 février. Les choses sont prises en mains par l’organisation et les précautions d’usage appliquées à tous les autres chevaux présents sur le site. 

5 mars : on s’organise
En collaboration avec l’International Jumping Riders Club, le Sunshine Tour a voulu se solidariser avec le CES Valence et leur a envoyé 60 boxes portables démontés sur leurs propres installations pour lutter contre l’herpès EVH-1. La solidarité marche à plein : des stocks de nourriture, de foin, de copeaux et de paille arrivent quotidiennement de partout. Guillaume Batillat sur place : « Grâce à la fédération française, les Français ont reçu des médicaments, du matériel et le renfort d’humains pour venir en aide aux chevaux ». 

7 mars : Gorla Minore s’arrête
Les compétitions se sont finalement achevées le 7 mars dans la soirée sur le CSI italien, alors qu’elles devaient se dérouler tout au long du mois de mars, principalement faute de combattants ...

8 mars : le retour
La FFE organise le retour des chevaux de tous les sites infectés avec une assistance vétérinaire vingt-quatre heures sur vingt-quatre à Yvré l’Évêque (Le Mans) côté ouest et à Chazey dans l’Ain côté Est. En Espagne, des étapes sont également possibles à Burgos et Madrid, de même qu’à Aix-la-Chapelle, en Allemagne.  

9 mars : 10e décès 
La FEI déplore le décès d’un dixième cheval, euthanasié à Valence. Le RESPE au 9 mars annonce (tous en lien avec Valence) un nouveau cas en Belgique, et recense en France un cas le 4 mars en Charente Maritime, le 6 mars en Seine et Marne.

Carine Robert


« Le Staff fédéral est inquiet pour TOUS les équidés en France »

Nous avons interrogé le Président de la FFE, Serge Lecomte, pour faire le point sur la situation de la crise sanitaire qui touche les chevaux de sport : Il confirme que « Le staff fédéral est inquiet pour TOUS les équidés en France. » Tout en soulignant que « Les plus porteurs (les chevaux, ndlr) sont ceux des premières semaines qui ne pouvaient pas être au courant, avec des chevaux revenus en France le 8 février pour une crise déclarée le 21 ». 

A quel moment avez-vous eu connaissance de cette crise sanitaire ?
Nous avons pris connaissance de cette crise le dimanche 21 février, le staff fédéral présent à Oliva (ESP) a été alerté par les cavaliers qui quittaient le site de Valencia (ESP), le site ayant fermé ses portes le dimanche soir. Sur 434 chevaux toutes nations engagées, il restait 150 chevaux retenus par les autorités espagnoles le dimanche soir, dont 21 chevaux français. 

Comment avez-vous réagi ?
Une communication directe a été établie avec les cavaliers restés sur place, en route ou déjà rentrés. Le lundi 22 février, un mail a été envoyé aux cavaliers des 242 chevaux concernés par les concours de Valencia depuis le 1er février, les informant du blocage du cheval en compétitions nationales et internationales. Par ailleurs, des informations vétérinaires sur cette maladie et un protocole sanitaire détaillé pour les démarches de suivi, ont été diffusés en lien avec le RESPE. De nombreux cavaliers ont pu être joints par téléphone par les équipes fédérales.

Une information aux organisateurs français ayant des compétitions à venir et en cours a également été faite, ainsi que des appels téléphoniques aux principaux points d’étapes, écuries, susceptibles d’accueillir des chevaux de retour de la péninsule ibérique.

A la demande de la FFE, la cellule de crise du RESPE a été activée en liaison avec l’AVEF et les vétérinaires fédéraux.

Combien y a-t-il de cavaliers et chevaux concernés ?
150 chevaux sont concernés aujourd’hui, provenant d’au moins 6 nations. 5 sont morts. 2 cavaliers professionnels français sont directement concernés avec des chevaux retenus en Espagne, avec 21 équidés. 4 d’entre eux sont soignés sur place et parmi les autres malades, deux cas graves sont à déplorer.

Quelles solutions à court terme ?
Nous avons mandaté sur place le Professeur Anne Couroucé-Malblanc qui est en lien permanent avec Jérôme Thevenot, vétérinaire fédéral en charge du saut d’obstacles. De par son expertise, ses expériences au sein des cliniques des grands championnats FEI et sa casquette de Présidente du Conseil Scientifique et Technique du RESPE, Anne Couroucé-Malblanc renforce le soutien apporté à nos chevaux et cavaliers tout en offrant à la FEI un appui efficace.

Nous avons été les premiers à tirer la sonnette d’alarme et proposer des solutions avec nos cavaliers pour que 120 boxes supplémentaires soient livrés afin de pouvoir séparer le plus vite possible les chevaux asymptomatiques des autres et ainsi éviter la propagation du virus et permettre de débuter une quarantaine. 

Pour pallier les déficits constatés à distance, nous avons proposé de faire livrer des médicaments et équipements, nous avons référencé auprès de la FEI des cliniques équines françaises pouvant prendre en charge des chevaux et avons en l’espace de 24h commandé et livré 5 systèmes de levage par coussin d’air equi-lift pour pallier le déficit de matériel sur place.

Après l’envoi de matériel, la FFE déploie aussi des renforts humains pour soulager les cavaliers et les grooms épuisés physiquement et moralement. Il est hors de question pour la FFE d’abandonner ses troupes. Nous avons donc demandé au ministre de l’Agriculture d’intervenir immédiatement auprès de son homologue pour autoriser en urgence le rapatriement sanitaire de nos chevaux, selon un protocole sanitaire strict. Dès leur arrivée en France, ils seront isolés dans les meilleures conditions pour y recevoir les traitements adéquats.

La FFE a dès le début des échanges avec les autorités sanitaires françaises et espagnoles proposé plusieurs alternatives dont la mise à disposition du site du Parc équestre fédéral pour organiser une unité de quarantaine, avec l’aide d’une équipe de vétérinaires ayant déjà proposé leurs services, afin de suivre dans les meilleurs conditions possibles les chevaux français revenant d’Espagne.

Ceux qui ont quitté Valence en catimini portent-ils une grosse responsabilité dans la propagation ici de la maladie? Sanction ou pas sanction ?
Les plus porteurs sont ceux des premières semaines qui ne pouvaient pas être au courant, avec des chevaux revenus en France le 8 février pour une crise déclarée le 21.

Les cavaliers ayant quitté le site le samedi 20 et dimanche 21 ont eu un bon de sortie des écuries du concours et nous ne pouvons que constater le manque de sérieux de la part des organisateurs. La FEI réfléchit à des sanctions. Pour sa part, la FFE étudie le cas de cavaliers pouvant ne pas avoir respecté le protocole sanitaire communiqué le 22 février.

Thierry Pomel a-t-il des craintes pour les chevaux des JO ?
Le staff fédéral est inquiet pour TOUS les équidés en France. Le haut niveau doit se montrer exemplaire pour la continuité du sport mais aussi des activités équestres en général.

Concertation avec la SHF ?
En amont de la cellule de crise du RESPE sollicitée par le Délégué général de la FFE, Frédéric Bouix, une concertation a été organisée avec la SHF pour suspendre l’ensemble des compétitions, stages et rassemblements jusqu’au 28 mars inclus. Cette décision de la FFE a rapidement été suivie par la FEI qui a fait de même lundi 1er mars en fin de journée. 

Propos recueillis le 3 mars par ER

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