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« La boîte noire de la génétique a été entrouverte »

  • Ce calendrier, issu de la National Human Genome Research Institute, place le projet de recherche du génome humain dans sa genèse : c’est en 1865 que Mendel découvre les Lois de la Génétique; entre 1865 et 2003, de nombreuses découvertes se succèdent,
    Ce calendrier, issu de la National Human Genome Research Institute, place le projet de recherche du génome humain dans sa genèse : c’est en 1865 que Mendel découvre les Lois de la Génétique; entre 1865 et 2003, de nombreuses découvertes se succèdent,
L’étude du Génome du Cheval est une extraordinaire aventure scientifique, puisqu’elle va impliquer plus de cent scientifiques, de vingt pays différents disséminés dans le monde entier, des continents nord-américain, européen, asiatique et australien. La définition du génome et l’établissement de la séquence d’ADN du Cheval domestique date de janvier 2007. Cette conquête ne fut possible qu’une fois la naissance du projet de décryptage du génome humain, entrepris en 1990, qui ne se concrétise qu’en 1995 au Kentucky. Les étapes de cette conquête sont passionnantes. Quels en sont les objectifs ? Les difficultés ? Retour sur cette aventure humaine et scientifique unique en son genre.


Les outils génétiques, souvenons-nous de ce qu’en disait le professeur Kahn (édition 244), sont les outils du chercheur pour trouver de nouvelles thérapies et/ou préventions pour des maladies ayant une composante génétique dans leur cause.


Dans leur site internet http://dga.jouy.inra.fr/horse.genomics/abthgp.html, appelé « Le Programme International de Génomique Equine » les scientifiques résument l’air du temps des balbutiements de la recherche génomique : « Certains professionnels du Cheval s’inquiètent qu’une fois son génome décrypté, tout le mystère, la spécificité et la magie disparaîtront de sa production et de son élevage. Les personnages hauts en couleur actuellement parfois rencontrés sur les hippodromes seront remplacés par des scientifiques beaucoup plus ternes, munis de données informatiques et de tubes à essais. Mais ne nous affolons pas ! L’étude du génome du Cheval se rapproche plus de la météorologie que de l’invention des voitures de course. La météorologie nous permet de profiter d’une journée ensoleillée en Floride tout en sachant que dans deux jours un ouragan arrivera, sans que nous ne puissions rien y faire. Cette connaissance autorise les choix : quand l’ouragan s’approche, nous pouvons évacuer la ville ou renforcer les fondations de nos demeures. L’utilisation à bon escient des outils de la génomique aidera les éleveurs de chevaux, les vétérinaires et les propriétaires de chevaux à améliorer ce qu’ils font déjà… anticiper des problèmes, prédire les conséquences et continuer à profiter de la relation unique entre les chevaux et l’Homme. »


1990 : génome humain : 3 milliards de $


A la fin des années 1980, le lancement de la recherche en vue de séquencer l’ensemble du génome humain fait l’objet de longs palabres : faut-il lancer plusieurs recherches dispersées, ou lancer un seul grand projet ? C’est la deuxième solution qui est retenue, un seul grand projet étant plus apte à marquer les esprits... Trois milliards de dollars sont alloués à ce gigantesque défi. Nous sommes en 1990. Il y a à peine vingt-cinq ans.


Mais rien n’était prêt. Les scientifiques avaient quelque peu mis la charrue avant les bœufs... Ces milliards vont servir surtout à poser les bases avant la recherche proprement dite : programmes informatiques, techniques de laboratoires et équipements. Ce ne sera qu’en 2003 que sera décrypté l’ensemble de l’information génétique portée par l’ADN sur les 23 paires de chromosomes, soit l’ensemble de l’information génétique humaine, dont celle des 20 000 à 25 000 gènes.


Les scientifiques n’ont à ce moment aucunement en tête le séquençage du génome animal. Si les éleveurs, comme les éleveurs de bovins, utilisaient la sélection génétique par essais et erreurs, bien des maladies n’avaient ni vaccin ni traitements. Les professionnels du monde du cheval avaient donc un œil sur les recherches humaines.


Le projet du génome du cheval est intervenu après la connaissance du génome humain : « Nous savions alors que la taille et l’organisation du génome étaient très proches entre les mammifères. Les programmes, les méthodes et les outils développés pour le projet du génome humain pouvaient, de ce fait, être utilisés pour entreprendre le décryptage génétique de n’importe quel organisme vivant. Nous pouvions également utiliser cette information du génome humain pour prédire l’organisation et la séquence des gènes chez le Cheval. »


1995 : 70 chercheurs balisent la route


Cinq ans après le début des recherches concernant le génome humain, en octobre 1995, 70 scientifiques de 20 pays se sont rencontrés à Lexington (Kentucky) pour jeter les bases d’une collaboration ayant pour objet la cartographie du génome du Cheval. Voici ce qu’en disent les chercheurs dans leur site internet « Le Programme International de Génomique Equine » : « A la fin de cette réunion, ce projet était élaboré. Puisque aucun d’entre nous n’avait les ressources pour le faire seul, nous nous sommes mis d’accord pour construire ensemble une carte génétique. Pour atteindre ce but, nous avons partagé nos informations avant leur publication et encouragé d’autres scientifiques à développer et utiliser concrètement la carte génétique ainsi construite. Bien que la compétition amicale, et parfois malheureusement un peu rude, soit la norme dans le monde scientifique, notre collaboration, fondée sur un large accord, a été remarquable. Cet accord démontre l’importance que nous donnions à cette recherche. Nous avions restreint la compétition à d’autres aspects de la recherche en médecine équine, et accepté cette étroite collaboration afin d’aboutir rapidement à la construction d’une carte génétique du Cheval. »


1995-2007 : les fondations


Entre 1995 et 2007, sous la coordination de la Dorothy Russell Havemeyer Foundation (une fondation privée installée à New York, menant des recherches scientifiques pour améliorer le bien-être des chevaux, donc la reproduction équine, le comportement et les maladies infectieuses), sept rencontres sont décidées, soit tous les deux ans, pour faire le point sur les avancées de la recherche : de 1995 à Lexinton (Kentucky), à 2007 au Lake Tahoe (Californie) vont se succéder, que ce soit en Suède, Australie ou en Irlande.


En 1996, le Département de l’Agriculture américain décide de sponsoriser les chercheurs en génomique équine au même titre que les chercheurs travaillant sur la génomique des autres espèces d’intérêt agronomique.


Les recherches sur le génome humain permettent d’accélérer la recherche équine à moindre coût : « Les 32 paires de chromosomes furent identifiées et les marqueurs génétiques localisés sur chacun des chromosomes afin d’établir un réseau de marqueurs de référence, en comparaison avec celui du génome humain. De cette façon, l’information du génome humain pouvait être utilisée sans entraîner de coût important pour le séquençage du Cheval. »


Quelques premières applications du séquençage du génome sont mises au point et déjà commercialisées : en effet des recherches furent lancées en même temps que le projet de séquençage, concernant des caractères simples du cheval : la couleur de la robe et certaines maladies héréditaires. Des tests moléculaires ont été réalisés et sont maintenant commercialement disponibles pour les vétérinaires.


En 2005 les choses se compliquent : « Mais ces objectifs ont été fortement modifiés en 2005. La recherche a montré que les génomes animaux étaient à la fois plus simples et plus complexes que ce que l’on pensait initialement. D’abord, il n’y avait qu’environ 20 000 gènes, contrairement à ce qui avait été initialement estimé (entre 100 000 et 300 000). Ces gènes ne représentent que 2% de l’ADN des chromosomes. Ceci est stupéfiant parce que nous pensions qu’une fois la séquence des gènes connue, nous serions capables de comprendre les secrets de l’hérédité. En fait, la clé pour comprendre le fonctionnement des gènes réside dans les 98% du génome qui ne codent pas pour des gènes et que nous appelons « l’ADN dépotoir ». Les gènes d’espèces différentes sont similaires tandis que « l’ADN dépotoir » est unique pour chaque espèce. Donc pour comprendre comment les gènes fonctionnent, nous avions besoin des séquences de « l’ADN dépotoir » du Cheval. » La comparaison avec le génome humain est donc nécessaire pour identifier rapidement cet ADN dépotoir.


Le cheval ? Famille des rhinocéros et des tapirs...


En juillet 2005, les chercheurs en génomique équine décident donc de demander l’aide de l’Institut National de Recherche sur le Génome Humain (NHGRI) en décrivant l’intérêt que peut avoir pour l’étude du génome humain sa comparaison avec le génome du cheval. En effet, si ces équipes étudiaient déjà 24 mammifères, issus représentent les diverses branches de l’arbre « généalogique » des êtres vivants, la famille des périssodactyles, qui comprend les équidés, les rhinocéros et les tapirs, ne faisait l’objet d’encore aucune recherche. « Aucun animal de cette famille n’avait été séquencé et notre proposition a convaincu les autorités de choisir le Cheval. », disent les chercheurs de « Le Programme International de Génomique Equine ».


C’était le coup d’accélérateur déterminant : « Le Broad Institute du MIT et de Harvard, un des centres de séquençage du NHGRI, était particulièrement intéressé par le séquençage du génome du Cheval. En février 2006, le séquençage a commencé et en juillet le génome entier a été découpé en 30 000 000 de fragments. La séquence de l’ADN de chaque fragment a été déterminée. La prochaine étape était l’assemblage des fragments dans le bon ordre. Ce qui a été terminé en janvier 2007 et est actuellement disponible en ligne à http://genome.ucsc.edu/. » (« Le Programme International de Génomique Equine »)


2007 : la boîte noire de la génétique a été entrouverte.


Laissons parler les chercheurs du Programme International de Génomique Equine : « La séquence du génome équin a été établie à partir d’un échantillon de sang prélevé sur une unique jument pur-sang, nommée Twilight. Twilight fut choisie car c’est elle qui, dans un groupe de 10 chevaux testés pour leur polymorphisme génétique, présentait la variabilité la plus faible. Ceci n’a rien d’étonnant car les millions de chevaux pur-sang actuels descendent d’un nombre relativement restreint d’ancêtres communs. De plus, depuis 300 ans, ils ont été activement sélectionnés sur leurs performances en course. En vue du séquençage complet du génome, une variabilité génétique réduite était nécessaire afin de simplifier le processus de définition de celui-ci.


En revanche, maintenant que nous sommes en possession de la séquence complète du génome, la variabilité a un grand intérêt. Quelle est la différence entre Twilight et les autres chevaux pur-sang ? Et encore plus intéressantes sont les différences existant entre Twilight et les chevaux des autres races. C’est pourquoi, un échantillon des races suivantes fut choisi pour cette étude : Arabe, Quarter Horse, Trotteur américain (ambleur), Cheval de randonnée du Tennessee, Akal-Teke, Cheval d’Hokkaïdo, Cheval mongol, Selle français, Trotteur français, Andalou, Selle américain, Trait du Suffolk, Shire, Poney norvégien Fjord, Trait belge, Frison, Trakehner, Poney Exmoor et Paso Fino.


Pourquoi tant de races ? Nous désirions mesurer la diversité génétique rencontrée chez le Cheval, diversité consécutive à sa domestication il y a 6 000 ans. Ces chevaux proviennent de toutes les parties du monde, ils sont séparés les uns des autres par des siècles de sélection. Les différentes races ont été sélectionnées pour des caractères héréditaires différents tels le comportement, la taille, la force et la rapidité. Que ces différences entre races nous apprendront-elles sur nos chevaux ? Finalement, les similitudes entre races seront-elles suffisantes pour qu’une donnée obtenue sur l’une d’elle puisse être transposée à une autre ? Ce sont quelques-unes unes des questions que nous explorerons.


Les 5 héros de la recherche


Cinq chevaux ont permis le séquençage complet du génome équin. Ils n’ont pas été choisis au hasard. Soit il s’agit d’une race qui à un moment de son histoire a été isolée et donc peu croisée avec d’autres races, soit, comme pour le pur-sang, par la sélection opérée par les éleveurs, ils remontent à un très petit nombre d’ancêtres communs. Voici les cinq chevaux choisis par les chercheurs aux Etats-Unis, dont l’ADN a permis de séquencer le génome équin.


4 Twilight est une jument pur-sang, c’est à partir de son ADN que l’institut Broad de Cambridge a pu assembler le séquençage du génome équin. Les chercheurs : « Le Pur-Sang est une race ayant ses origines en Angleterre, à la fin du 17 ème siècle. Elle possède le plus vieux stud-book dans lequel sont inscrites les performances, ce qui permet aux éleveurs de sélectionner des chevaux sains et rapides. Tous les pur-sang actuels ont, dans leur génome, 81% de gènes provenant de seulement 31 ancêtres communs. » (Photo du « Programme International de Génomique Equine »)


4 « Hrafnhetta est une jument islandaise vivant actuellement à Prospect (Kentucky). Elle a été choisie afin de séquencer au hasard son ADN et de le comparer à la séquence de Twilight. Les chevaux Islandais proviennent d’Islande. Ils sont réputés pour leur allure amblée rapide et remarquablement confortable. Cette population fut construite à partir de chevaux apportés par les Norvégiens au 9e siècle et maintenue isolée depuis cette date. » (Photo du « Programme International de Génomique Equine »)


4 « Sirena est une jument Lusitanienne qui vit actuellement à Harrodsburg (Kentucky). Son ADN séquencé fut comparé à celui de Twilight. Les Lusitaniens sont originaires de la péninsule ibérique, du Portugal. Ils sont proches d’une race sœur, les chevaux andalous d’Espagne. Cette race peut être la descendante d’anciennes populations poussées du nord de l’Europe vers la péninsule ibérique durant la dernière période glacière. Plus tardivement, elle a été influencée par les chevaux Barbes et Arabes introduits en Espagne au 8e siècle. » (Photo du « Programme International de Génomique Equine »)


4 Bravo est un mâle pur-sang, proche parent de Twilight « Son ADN extrait de ses cellules sanguines fut sectionné en grands fragments et cloné dans ce que l’on appelle des chromosomes bactériens artificiels (BAC). La collection de ces clones est appelée « banque de BAC ». (Photo du « Programme International de Génomique Equine ») Les chercheurs emploient ces banques de BAC pour trouver et étudier les séquences d’ADN. En croisant les informations provenant de l’ADN de Bravo et de la séquence génomique complète de Twilight,


une meilleure compréhension des interactions entre génétique, santé et performances des chevaux est attendue.


4 « Desert Heir (plus connu sous le nom de Bisquette) est un mâle Selle américain. Il est très important pour le Programme international de Génomique équine. Ses cellules sanguines poussent très facilement en culture et ainsi se prêtent-elles aisément à l’étude de leurs chromosomes par les cytogénéticiens. Afin de déterminer l’ordre des gènes sur les chromosomes, les résultats de l’assemblage informatisé des séquences d’ADN de Twilight est contrôlé par la localisation de BACs de quelques gènes sur les chromosomes de Bisquette. La concordance des deux approches prouve que l’assemblage de la séquence génomique équine est correct. » (Photo du « Programme International de Génomique Equine »)

10/04/2015

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