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L’intoxication en fer

La carence en fer est un grand classique chez les humains. Mais qu’en est-il du cheval ? Peut-on espérer en lui donnant du fer améliorer sa santé et ses performances ? Les besoins alimentaires du cheval et du poney en fer tournent aux alentours de 50 mg de fer par kg de matière sèche d’aliment pour les jeunes en croissance et 40 mg/kg de

La carence en fer est un grand classique chez les humains. Mais qu’en est-il du cheval ? Peut-on espérer en lui donnant du fer améliorer sa santé et ses performances ? Les besoins alimentaires du cheval et du poney en fer tournent aux alentours de 50 mg de fer par kg de matière sèche d’aliment pour les jeunes en croissance et 40 mg/kg de MS pour les adultes. Or on peut estimer l’herbe aux alentours de 400 à 500 mg de fer/kg MS, 300 mg pour la luzerne, 182 pour l’orge, 120 pour l’avoine. Même le maïs avec ses pauvres 37 mg arrive quasi à couvrir les besoins en fer d’un cheval adulte... et évidemment, il n’est jamais donné seul. Donc si le cheval couvre ses besoins en énergie, il aura assez de fer. C’est pour cette raison qu’on peut dormir sur ses deux oreilles : la carence en fer est à peu près exclue pour un herbivore comme le cheval, même si l’on tient compte de l’effet antagoniste des phytates ou des excès de calcium.


Mais alors pourquoi voit-on tant de compléments non seulement contenant du fer, ce qu’on peut comprendre pour des raisons technologiques et d’équilibre mais spécialisés dans la complémentation en fer ? Tout repose sur notre anthropomorphisme. Nos athlètes (surtout les femmes) tirent profit d’une complémentation en fer... Donc par analogie, apporter du fer à un cheval permettrait d’augmenter sa richesse en hémoglobine et en myoglobine et donc d’améliorer ses performances.


Ce qui a tendance à conforter cette idée, c’est que l’on constate souvent à la mise à l’entraînement des jeunes chevaux une certaine baisse transitoire du taux sanguin d’hémoglobine et de l’hématocrite. Mais cette « anémie » n’est pas liée à une carence en fer mais à l’augmentation du volume de sang par augmentation de sa teneur en eau, réaction de l’organisme pour mieux résister à la déshydratation. Le sang est donc simplement plus dilué. A noter qu’on peut avoir une autre anémie, réelle celle-là, lors de la mise en muscle, si le régime est insuffisamment riche en protéines car la production de muscle est prioritaire par rapport à la production de globules rouges. Donc si l’apport est limité, la production de nouveaux globules rouges est ralentie et leur nombre baisse dans le sang. Mais dans tout cela, pas l’ombre d’une carence en fer.


En fait, le vrai risque avec le fer chez le cheval, c’est l’excès. Trop de fer, c’est une mauvaise assimilation du zinc et du cuivre, qui ont déjà tendance facilement à être en carence. D’où une baisse de l’immunité, des coups de sang plus fréquents, des problèmes de solidité osseuse, d’élasticité des vaisseaux et des tendons et... de production d’hémoglobine. Un excès de fer peut donc provoquer indirectement une anémie... paradoxale... qui évidemment sera encore aggravée si on complémente en fer.


Les supplémentations en fer sont dangereuses puisque c’est l’un des éléments les plus toxiques, avec l’iode, dans l’alimentation. Chez l’Homme, les troubles dans la régulation du métabolisme du fer entraînant des excès sont appelé Hémochromatose. A dose massive (supplémentation alors que l’on a une anémie paradoxale, par exemple), le fer est directement toxique.


La zone de stockage étant le foie, il n’est pas étonnant que chez le cheval comme chez l’Homme, nous retrouvions une dégénérescence hépatique avec au final, nécrose et fibrose. La destruction du foie libère de nombreuses toxines et empêche la métabolisation de nombreux déchets dont l’ammoniac. Ceci va impacter sur le cerveau entraînant des dysfonctionnements neurologiques : l’encéphalose hépatique.


Il faut savoir que le fer a un cycle de recyclage dans l’organisme qui est très efficace donc un excès perdure dans le temps d’où une possible accumulation en cas d’excès sur long terme. Les deux principaux problèmes de cette intoxication sont des signes cliniques non spécifiques et une apparition insidieuse de ces symptômes. Lorsqu’on en suspecte une, il faut se poser les bonnes questions.


Où s’intoxique-t-il ?


La première cause est une supplémentation abusive en fer (surtout par injection). On peut rechercher aussi la présence d’un sol ou d’une eau riche en fer. L’avantage c’est que cette donnée est bien connue du fait de l’exploitation des sols. Enfin l’utilisation d’un vieil abreuvoir en fer : un minimum est relargué surtout quand celui-ci est rouillé.


Comment en avoir la certitude ?


En cas de suspicion, les analyses sanguines à faire sont : le fer sérique (quantité de fer dans le sang), la transferrine (molécule de transport dans le sang du fer) et la ferritine (molécule de stockage du fer au niveau cellulaire). La quantité de transferrine dans le sang évolue en fonction des besoins et de la disponibilité du fer dans l’organisme. Un fort arrivage de fer va limiter sa production. L’excès alimentaire va réduire la transferrine mais comme elle n’est jamais à zéro puisqu’il faut un minimum de transporteur pour passer le fer hépatique vers les autres organes, le fer va s’accumuler petit à petit. En cas d’injection, on passe outre cette régulation. La ferritine permet d’évaluer les réserves de l’organisme. Plus il y en a, plus on considère que l’alimentation est trop forte en fer et que l’organisme a du mal à stocker le surplus. Vous pourrez voir aussi le calcul de la Capacité Totale de Fixation (CTF) qui correspond à l’estimation de la saturation des transports du fer. Une faible CTF correspond à une surcharge en fer d’où qu’elle provienne.


Que faire ?


Comme le cycle du fer est très fermé, nous avons peu de possibilités d’action : éliminer les sources de contamination ou retirer le cheval de l’environnement… Désolé, je sais que ce n’est pas simple mais quand on n’a pas le choix… Soutenir le foie. Cela ne veut pas forcément dire drainage, mais il faut limiter l’apport en matières grasses qui sollicite beaucoup le foie et recourir à de stimulants du foie de type phytothérapie. Évidemment, le rein est aussi une de vos priorités donc il faut prendre garde à l’eau de boisson.


La dernière chose est du domaine du vétérinaire mais je le cite ici pour que vous ne soyez pas surpris par cette méthode archaïque et moyenâgeuse : la saignée ! Et oui, quand le fer est entré, il est difficile de l’en faire sortir. La seule méthode valable est la saignée même pour l’Homme. C’est ce que l’on appelle un saut dans le temps de plusieurs siècles en arrière.


21/05/2015

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