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JEM Normandie 2014 : Bilan : l’élan et les freins…

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    Le retour des Citroën HY : sympa certes, pour une fête hippique mais pas pour des JEM
Faire un bilan économique des Jeux Equestre Mondiaux serait précipité. Tout au plus peut-on donner des éclairages et des tendances au lendemain de ces quinze jours d'une organisation titanesque. Les objectifs que s'était fixé le GIP créé en 2010 sous la présidence de Laurent Beauvais étaient clairs : réussite de l'exploit sportif, ouverture à tous, respect du territoire et des compétiteurs et la transmission pour un héritage à long terme. Si l'excellence du sport fut au rendez-vous et l'engouement du public total, la multiplicité des sites entraîna des difficultés de logistique au détriment des spectateurs et la rigidité de l'organisation ainsi que son manque d'anticipation en ont fait un grand événement sportif, mais dénué d'âme hors des stades.

Dépenses


Les Jeux se développent à vitesse Grand V : si 37 nations ont concouru à Stockholm en 1990 et à La Haye en 1994, elles sont 42 à Rome en 1998, 48 à Jerez (Esp) en 2002, 61 à Aix la Chapelle en 2006,58 à Lexington en 2010. La Normandie en a accueilli 74… L’organisation des Jeux a dû faire face. Elle serait la plus coûteuse de toute son histoire, selon les premiers chiffres. Comme le disent les organisateurs : « Question budget : il devrait être à l’équilibre. Des 54 millions d’euros du dossier de candidature, on arrive à un budget définitif avoisinant 79 millions, mais avec une part d’argent public identique : 39 millions. » Deux fois plus que Lexington.


Quelques exemples expliquent ces chiffres exponentiels : sept sites différents dans trois villes différentes (en fait cinq, si l’on compte les démonstrations de Horse-ball et de polo à Deauville) ont demandé des équipes de maintenance du sol… sept fois plus nombreuses, des tonnes de sable en plus, des dépenses de déplacement des cavaliers et chevaux …sept fois plus coûteuses, plus de bénévoles, qu’il fallait nourrir et loger. 45 000 nuits d’hôtel ont été pré-réservées dans le Calvados par le Comité d’Organisation, destinées aux diverses personnes « accréditées » sur l’événement, c’est-à-dire les officiels (juges, vétérinaires...).





Recettes


Avec 565 000 spectateurs nous ne rivalisons pas avec l’édition des Jeux de 2006 à Aix la Chapelle (576 000 spectateurs), mais faisons mieux que l’édition américaine en 2010 (507 000 à Lexington). Le comité d’organisation se donne un satisfecit général, que résume son directeur, Fabien Grobon : « L’excellence sportive, le succès populaire, la filière équine normande étaient tous au rendez-vous de ces Jeux ! ».





Des chiffres tout frais


La présence de la presse - spécialisée ou non - 1 750 journalistes accrédités venus de 52 pays, a témoigné de l’engouement particulier qu’ont ces Jeux dans la sphère équestre, et pas seulement.


En détail, on relève que :


• Au Concours de Saut d’Obstacles, plus de 110 000 places ont été vendues sur 5 jours


• Les 3 épreuves du concours complet d’équitation ont rassemblé 94 600 spectateurs


• En Dressage : 83 000 spectateurs en 4 jours


• Pour le Reining : 14 000 sur 4 jours


• Sur le parcours d’Endurance : 6 000


• La Voltige : 33 300 spectateurs sur 4 jours


• L’ Attelage enfin : 31 700 spectateurs, dont 16 000 pour le seul marathon.


Le Village, de son côté, a accueilli plus de 200.000 personnes, la barre des 200 000 étant franchie samedi en milieu de journée, selon M. Grosbon. Pari réussi donc.


La cérémonie d’ouverture s’est déroulée dans un stade d’Ornano plein. 21 000 spectateurs y avaient pris place.


Le bilan pour les restaurateurs et professionnels, qui avaient payé à prix d’or leur emplacement, et monopolisé des équipes quinze jours durant, est très mitigé. Le Horse Trade Fair fut bien désert…tout au fond du village.





Au moyen et long terme ?


L’on peut déplorer qu’aucune structure ne soit pérenne…Si ce n’est la piste Toubin Clément qui a servi au dressage au haras du Pin, ainsi que le parcours de cross 4*, rien ne survivra aux Jeux…Les itinéraires balisés de 160 km à la baie du Mont St Michel survivront à l’événement et contribueront au développement de l’attractivité des itinéraires équestres en région. La valorisation de l’espace vert de Caen servira… à la population, pas aux chevaux. Mais c’était un choix de départ. Il était impossible de se baser sur des structures existantes de taille sur lesquelles se greffer, comme avaient pu le faire Lexington et Aix La Chapelle en leur temps.


Reste que des projets avaient été lancés : « l’élan des Jeux » devait s’appuyer sur l’intégration des acteurs économiques locaux dans le déploiement de l’événement : collaboration avec des entreprises, des fournisseurs et des acteurs agro-alimentaires régionaux, et l’intégration des acteurs institutionnels, éducatifs et associatifs dans l’organisation de la manifestation. Le plus lisible pour nous, medias, est sans doute le rapprochement des régions bas et haut normande. Sans pouvoir la quantifier, cette collaboration a créé des synergies, base de tout développement économique. Pour le reste, les 350 projets avaient pour but de dynamiser le village, leur pérennisation ne va pas au-delà. Seule action revendiquée : plus de 4 000 enfants et jeunes ont découvert l’équitation cette année en réalisant un cycle complet d’équitation, permettant d’aller plus loin qu’une simple approche du cheval, grâce à une enveloppe de près de 252 000 € (Région, GIP, ville de Caen).


Les « plus »


Couverture médiatique : ceux qui suivent les Jeux dans le monde sont de plus en plus nombreux via les 200 chaines télévisées et web TV. Mention spéciale au professionnalisme d’Equidia, dont les équipes, sous l’égide de Pascal Boutreau et les commentaires de Kamel Boudra ont retransmis les trois quarts des épreuves en direct, avec à chaque fois des intervenants très éclairés, avec un grand sens de la pédagogie, qui auront permis de découvrir des disciplines souvent mal connues, comme le reining et la voltige. Si les chaines nationales françaises ont été peu là, l’heure quotidienne de FR3 a joué son rôle de vulgarisateur. Le site internet des Jeux très bien fait a reçu 750 000 visiteurs uniques (1,6 million de sessions) à 35 % de Français et à 65 % international, sans compter les sites FEI et Alltech. L’application mobile a déjà été adoptée par 60 000 détenteurs de smartphones qui suivent les épreuves en direct. Beaucoup de followers aussi sur les réseaux sociaux (182 600 fans Facebook, 25 000 tweets avec les hashtags officiels #JEM2014 et #WEG2014)



Des sports équestres de niveau international


C’était l’un des objectifs majeurs de tout événement sportif, placer les athlètes dans les meilleures conditions pour qu’ils puissent pleinement exprimer la performance. Réussi. Des pistes magnifiques, malgré les déluges d’eau de la première semaine, des parcours mis en scène de façon magistrale par Frédéric Cottier, des parcs d’obstacles enchanteurs, aux couleurs normandes, des falaises d’Etretat à Saint-Michel terrassant le dragon. Le choix du stade d’Ornano pour le dressage et le CSO fut une idée magistrale qui laissera des souvenirs uniques aux milliers de spectateurs présents. Le zénith pour la voltige et l’hippodrome pour l’attelage et para dressage furent des choix heureux. La direction des sports, pilotée par Laurent Cellier, a formidablement œuvré pour un rendez-vous où l’excellence sportive ravit le public.


L’épreuve d’Endurance en Baie du Mont Saint-Michel fut une pure merveille. Eprouvante pour les compétiteurs par les conditions climatiques des semaines précédentes, certes, mais enchanteresse pour les spectateurs. L’équipe organisatrice a livré une compétition au niveau international attendu, portant une attention appuyée au bien-être des chevaux avant et pendant l’épreuve, sous la vigilance des équipes vétérinaires. En plus des 5 500 spectateurs de Sartilly, l’affluence sur les sites ouverts au public (littoral et hippodrome en Baie) s’est comptée par milliers


Les 4 000 Bénévoles ont été unanimement salués pour leur accueil et leur présence, y compris par la presse étrangère. Belle aventure humaine pour eux, ils ont géré plutôt pas mal les évidents manques de communications entre les sphères du dessus.


La soirée d’ouverture


En présence de nombreux ministres, la princesse Haya, présidente de la FEI, eut des mots émouvants « Chers Normands, il y a de la magie ce soir. Une brise salée qui porte l’écho riche de cette région, le berceau du cheval. » Elle décrira la France comme le « pays le plus actif de la FEI avec le plus grand nombre de cavaliers inscrits ». Spectacle extra-temporel et spacial, à cheval entre la planète, le firmament et la terre normande, le Cadre Noir de Saumur, Lorenzo, et autres cavaliers et danseurs ont évoqué l’histoire normande, des Vikings aux impressionnistes, dans une fresque onirique dont on regrette seulement qu’elle ait un peu manqué de chevaux…





Les « Moins »


Problèmes de logistique


Alors qu’ils auraient dû avoir toute l’attention des organisateurs vu l’éloignement des sites, imprévision (jusqu’à la peluche Norman, qui vint à manquer après… trois jours), manque d’infrastructures « de repos », une rigidité toute policière, furent les plus grands défauts de ces Jeux. Si les chevaux et cavaliers ont été chouchoutés, les visiteurs ont eu le sentiment qu’on les avait un peu oubliés…


Car c’était un beau pari, un peu fou, qu’inviter la planète monde à découvrir la Normandie… sur plusieurs sites. Les contraintes étaient énormes, et elles ont été mal gérées. Le pire fut bien entendu les monstrueux embouteillages pour le cross du Pin. Une seule route y menant, deux heures après le début de l’épreuve une dizaine de kilomètres de bouchons sévissaient encore. Des conducteurs ont fait demi tour, d’autres ont dû garer leur véhicule à des kilomètres et continuer à pied. De nombreux bus furent également bloqués, alors qu’il étaient sensés faire la jonction entre Caen et le Pin. Des milliers de spectateurs ayant payé leur entrée n’ont jamais pu arriver sur le site.


Heures d’ouverture


Ouvrir le village à Caen à 11 heures le matin était absurde. Lorsque l’on demande en effet aux visiteurs d’arriver tôt (enfin, vers 8 heures), il semble normal de les accueillir dignement. Ce ne fut pas le cas. Nombreux furent ceux qui firent la queue durant deux heures parce que … la billeterie n’était pas ouverte. Même problème au cross du haras du Pin, pour les lève-tôt : les prévoyants ne trouvèrent pas une cahute ouverte, pas un café, et firent le pied de grue parce que le site était fermé… Dure, la fête…


A boire et à manger


Trente stands de restauration au cross du Pin, selon Fabien Grobon. On ne les a pas vus… A Caen, pas une buvette au sortir de d’Ornano, excepté une délicieuse épicerie fine transformée le temps des Jeux en lieu de dégustation d’huitres et autres spécialités fut assaillie du matin au soir et devint le QG des Hollandais… Et le village était loin…La salle de presse glaciale, sans une bouteille d’eau ou un café (la première semaine)… La presse mondiale y alla de ses commentaires acerbes. Nous serions pires que les Hollandais à La Haye… C’est tout dire…


Le village


Situer le village des Jeux entre les trois sites de Caen était une aberration. Nombre de professionnels de la filière n’y ont pas pris de stand pour cette raison. S’il est vrai qu’après deux à quatre heures d’épreuve durant lesquelles on est assis, on a envie de se défouler, entre les épreuves il n’y a pas beaucoup de temps. Et la foule doit sortir. Et refaire la queue pour l’épreuve suivante… Sans une sandwicherie à l’horizon…


Le commerce


Faire venir 200 000 personnes ne signifie pas que ces personnes sont des acheteurs potentiels. Encore faut-il qu’ils soient « guidés » dans ce village. Or aucun fléchage, et des allées organisées sans « thème », du style : allée des selliers, avenue du western, etc. Bref, une perte de temps énorme pour les badauds et équitants. Les stands « L’ Espace de l’Excellence Normande » et le « Normandy Horse Trade Fair », sensés bénéficier de l’élan des Jeux, complètements excentrés, furent déserts… Si l’on a pour objectif de mettre en avant la filière, on la montre, non ?


La fête ?


C’est ce sens de la fête, que l’on reconnaît pourtant volontiers aux Gaulois que nous sommes, qui fit défaut. Le besoin de contrôler un événement d’une ampleur inhabituelle a sans doute incité les organisateurs à s’interdire toute fantaisie. Au point de ne pas donner aux visiteurs les moyens de fêter entre eux les succès sportifs, ou en tous les cas pas dans leur enceinte. Une phrase échangée nous sembla brutalement répondre à notre sentiment : « Même le village ne faisait pas rêver. On aurait dû être comme un enfant devant un arbre de Noël, on a trouvé un Equita’Lyon en outdoor. » Enfin, il est dommage que Fabien Grobon, en pleine tempête à la fin de la première semaine, se soit contenté d’un « Je suis particulièrement très fier de ce qui a été livré ». Il faut toutefois lui reconnaître que les leçons ont été tirées et le tir rectifié la seconde semaine.





2018 : au Canada


La FEI a attribué l’édition 2018 des Jeux Equestres Mondiaux au comité responsable de la candidature de Bromont et Montréal. Le Canada est donc officiellement le pays hôte des Jeux en 2018, à Bromont, du 11 au 26 août 2018 pour la 8e édition des JEM.


25/09/2014

Actualités régionales