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Que le Pax soit avec vous…

Sur les divers stands du GFE dans les salons d’étalons et dans leur communication auprès des éleveurs on a beaucoup entendu parler cet hiver du programme PAX. Après l’avoir testé et lu le « guide du PAX » qui l’accompagne, Le Cheval est allé à la rencontre d’un de ses principaux artisans, Arnaud Evain, par ailleurs président du GFE


Que signifie PAX et en quoi consiste le programme ?


PAX signifie « Programme d’Aide au Croisement » et c’est un outil nouveau pour permettre aux éleveurs de choisir ses accouplements.


Le moins que l’on puisse dire est que l’embarras du choix ne fait que grandir pour les éleveurs : jeune génétique, étalons performers ou testés sur descendance …SF « originel », étrangers ou mélange des deux… IAF, IAR, IAC ?


De plus en plus souvent nous constatons que les choix de croisements prennent bien en compte les pedigrees, les performances récentes, les photos et les vidéos, les effets de mode, le marketing et la politique commerciale des étalonniers !


En même temps, ces choix tiennent de moins en moins compte de la morphologie, de la locomotion, de l’aptitude naturelle au saut et du tempérament des reproducteurs ! Le programme PAX consiste à remettre en avant ces paramètres pour permettre à l’éleveur de faire un choix mieux éclairé.


Comment fonctionne ce programme ?


Inspirés par des outils qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres espèces animales (bovins laitiers, porcins…), et avec l’aide du Pr Jean-Marie Denoix (CIRALE), nous avons défini 44 critères d’évaluation des reproducteurs : 23 pour la morphologie, 9 pour les allures, 6 pour le saut et 6 pour le comportement.


Pour chacun de ces critères, nous avons défini 4 cases : A,B,C,D et nous avons noté chacun de nos étalons sur les 44 critères. L’éleveur est invité à faire de même pour ses juments, en ne notant que les critères qu’il se sent capable d’évaluer correctement (il en faut 5 au minimum pour que le programme fonctionne).


Le programme lui indiquera ensuite, pour chaque critère qu’il aura noté pour sa jument, les points de compatibilité (qui peuvent être positifs ou négatifs) entre sa jument et nos étalons.


Chaque étalon totalisera ainsi un certain nombre de points qui apparaîtront de manière détaillée à la demande. La recherche peut se faire sur l’ensemble de nos 49 étalons ou être réduite en fonction du type de monte ou du prix de saillie.


Cette étude de compatibilité peut même se limiter à petit groupe présélectionné, voire à un seul étalon, ce qui permet de choisir parmi plusieurs juments celle qui a le plus de points de compatibilité avec l’étalon en question.


En cas de recherche large, le programme indiquera les dix étalons présentant le plus de points de compatibilité en les rangeant par ordre de prix de saillie décroissant.


Pourquoi les ranger par ordre de prix et pas par ordre de points décroissant ?


Il y a un risque que l’éleveur considère que l’étalon qui a le plus de points est automatiquement plus compatible que les suivants. La réalité n’est pas si simple : à quelques points près, le chiffre total brut n’est pas très significatif. Il faut rentrer dans le détail du score et analyser comment il a été obtenu.


Un total de 30 points par exemple peut avoir été établi avec uniquement une somme de critères positifs mais également avec 50 points positifs et 20 points négatifs qui peuvent apparaître rédhibitoires à l’éleveur.


En fait, l’analyse détaillée est indispensable pour bien utiliser le PAX : l’intérêt principal de la démarche consiste à aller voir dans le détail les points positifs et négatifs de chaque projet d’accouplement. Il se peut tout à fait que le choix final porte sur un étalon présentant moins de points qu’un autre mais également moins de facteurs de risque.


Comment sont calculés ces points de compatibilité ?


C’est le cœur du système !


En accord avec des cavaliers, des juges et divers experts, nous avons défini un algorithme qui attribue ces points.


Par exemple, pour une jument notée « D » à la tête (c’est-à-dire très commune) un étalon noté « A » (très chic) apportera 10 points positifs, 6 points positifs s’il est noté « B » et 8 points négatifs s’il est également noté « D ».


Une jument à la croupe très courte aura 6 points de compatibilité positifs avec un étalon à la croupe « plutôt longue », etc…


Tous les critères ont-ils la même importance ?


Non, bien sur !


Sans rentrer dans le détail de l’algorithme, on peut dire que certains critères permettent de marquer plus de points que d’autres .


Les choix ont été faits en fonction de la relation connue ou supposée entre ces critères et la performance. Le sang, l’orientation de l’épaule, l’amplitude du galop donnent plus de points que la longueur d’encolure ou la souplesse du trot.


La performance attendue peut varier d’un éleveur à l’autre : elle peut être sportive, commerciale ou se mesurer au plaisir procuré à l’utilisateur.


Pour cette raison, l’éleveur peut intervenir dans l’algorithme en choisissant des critères « prioritaires » en fonction de sa jument et de ses objectifs. Les points attribués à ces critères seront alors doublés dans le calcul.


Pensez vous réellement que la morphologie permettre de prédire la performance ?


Certainement pas de manière précise !


D’éminents hommes de chevaux s’y sont essayés depuis plus d’un siècle, un peu partout en Europe, pour les chevaux de courses, de sport, et de travail, sans obtenir des résultats probants.


Il y a bien certaines caractéristiques qui ressortent comme favorables en fonction des usages, mais aucune ne permet de prédire à coup sûr la performance et très peu de prédire l’échec assuré (hormis certains défauts majeurs, d’aplombs notamment).


Par contre, il est certain que les caractéristiques morphologiques d’un cheval interagissent entre elles et sont en corrélation avec ses allures. Il y a également un lien entre morphologie + allures avec l’aptitude naturelle au saut.


Le travail sous la selle va permettre au cheval d’utiliser ses caractéristiques de modèle, d’allures et de technique de saut pour accomplir des performances. Ce travail sera influencé par ses caractéristiques de comportement. On ne travaille pas de la même façon un timide et un courageux, un placide et un émotif…Il nous reste encore beaucoup à apprendre de ces interactions.


Il est évident qu’une plus grande connaissance et une meilleure réflexion dans ce domaine peut augmenter les chances d’un éleveur de produire un cheval performant.


C’est pourquoi nous recommandons très vivement d’utiliser dans le PAX les critères de locomotion, de technique de saut et de comportement qui permettent de faire un lien entre la morphologie et la performance !


Est-ce cela que vous expliquez dans le Guide du PAX ?


Dans ce guide et sur le site Internet, nous expliquons pour chacune des caractéristiques comment elle s’observe et comment elle se mesure ou s’apprécie pour attribuer les notes A, B, C, D. Nous abordons à chaque fois une discussion sur sa signification fonctionnelle, son interaction avec les autres caractéristiques et son impact sur la performance.


Pour beaucoup de ces caractéristiques, nous proposons des méthodes de mesure précises et pour d’autres, nous retenons une appréciation visuelle et une notation « à dire d’expert ».


Pour faciliter la tâche des utilisateurs, le Guide est illustré de nombreux schémas et planches photographiques.


Le « dire d’expert » justement n’est-il pas un peu trop approximatif et les mesures « précises » ne sont-elles pas susceptibles de varier d’un observateur à l’autre ? Cette approximation ne remet-elle pas en cause les conclusions que l’éleveur peut retirer du PAX ?


Vous avez raison de souligner que les mesures et les évaluations d’experts restent approximatives et peuvent varier d’un observateur à l’autre, même si pour certaines caractéristiques comme la silhouette, la taille, les rayons, … ces variations sont très faibles.


Il n’en demeure pas moins que cette méthode est la plus précise qui soit proposée aujourd’hui !


De plus, l’utilisation du programme permet de pallier l’imprécision de certaines mesures : en cas de doute sur une note, il est possible de faire fonctionner le programme deux ou trois fois en donnant à la caractéristique « douteuse » la note mesurée et les deux notes voisines pour voir ce que cela change dans la sélection des étalons proposés.


En fait, le programme PAX ne prétend pas conclure ni décider à la place de l’éleveur, il vient nourrir sa réflexion avant de faire son choix final, en indiquant les points de compatibilité positifs et négatifs de chaque accouplement envisagé.


En étudiant le détail d’attribution de ces points en faisant varier le nombre de critères notés, en faisant des essais avec plusieurs notes pour les critères incertains et en jouant avec les critères « prioritaires », l’éleveur peut étudier en détail les risques et les avantages de chaque croisement avant de décider.


Il peut le faire chez lui, en toute tranquillité et en toute objectivité, sans subir la pression de l’étalonnier qui est forcément désireux de lui vendre une saillie !


Tous les éleveurs ont déjà pu constater que, bien souvent, deux propres frères ou sœurs ne se ressemblent pas ! Dans ces conditions, le PAX a-t-il une réelle valeur de prédiction ?


Le PAX n’est pas un outil destiné à dessiner le portrait robot du poulain à naître ! On sait qu’un poulain n’aura jamais toutes ses caractéristiques à mi chemin entre celles de ses parents.


J’insiste sur le fait que le PAX est un outil d’aide à la réflexion ! Si un éleveur veut renforcer une caractéristique favorable de sa jument, à laquelle il attache une importance particulière (taille, force, sang, style, respect, courage …) il aura plus de chance de la faire en utilisant un étalon lui-même extrême dans cette caractéristique. A l’inverse, s’il veut corriger une caractéristique qu’il estime défavorable, il fera mieux d’aller chercher un étalon à l’extrême opposé de sa jument.


Tout est ensuite affaire de probabilités et, effectivement, le même croisement répété plusieurs fois ne donnera pas toujours le même résultat. La probabilité d’obtenir le résultat escompté est quand même plus grande si on a bien réfléchi en amont aux caractéristiques des deux reproducteurs. Le PAX intervient à ce niveau pour éclairer l’éleveur sur les mérites probables et les risques potentiels de chaque accouplement, mais à la fin, c’est la nature qui décide…


Le programme n’a d’intérêt que pour les caractéristique héritables ; est-ce le cas de toutes celles que vous avez retenues ?


Vous avez raison de souligner que toutes les caractéristique que nous proposons de mesurer n’ont pas la même héritabilité. Une des ambitions à terme du PAX est justement de contribuer à préciser l’héritabilité de certaines de ces caractéristiques et le lien éventuel entre certaines d’entre elles (prises individuellement ou associées) et la performance.


C’est une des raisons qui a poussé le CIRALE à nous accompagner dans cette démarche


La recherche d’association de caractéristiques débouchant sur des liens avec la performance et la recherche de liens entre les paramètres « élaborés » comme la technique de saut ou les critères de comportement avec la performance font partie des domaines que la PAX permettra dans quelques années d’aborder de manière un peu plus scientifique.


Il est probable que, dans quelques années, certaines des caractéristiques proposées aujourd’hui ne seront plus utilisées et que d’autres auront fait leur apparition…


C’est également pour des raisons d’héritabilité que nous nous intéressons, pour les critères de saut, à l’aptitude naturelle des reproducteurs telle qu’elle s’exprime dans les concours d’élevage et sur les circuits de jeunes chevaux.


Le style, le respect, l’élasticité, l’équilibre… peuvent évoluer avec le travail du cavalier et les informations recueillies sont alors biaisées. La longévité à haut niveau est instructive au niveau de la robustesse et des qualités mentales, mais le palmarès après 8 ans doit être regardé avec circonspection pour noter les qualités d’aptitude naturelle à l’obstacle d’un reproducteur.


Vous venez de citer le CIRALE ; quel a été son rôle exact dans l’élaboration du programme PAX ?


Le professeur Denoix a bien voulu nous aider à établir la liste des 44 caractéristiques finalement retenues; il nous en a fait supprimer certaines et rajouter d’autres.


Il a également pris le temps de corriger et d’enrichir les commentaires du guide d’utilisation.


Ma contribution à la rédaction de ce guide s’est également nourrie des nombreux échanges que nous avons pu avoir depuis une quinzaine d’années sur ces sujets.


Il arrive que des étalons ou des juments transmettent à leur production des caractéristiques éloignées des leurs; comment le PAX prend-t-il en compte cette réalité ?


Tout simplement en s’appuyant sur ce qu’ils transmettent plutôt que sur ce qu’ils sont lorsque l’on constate des différences.


Nous avons tous connu des petites juments qui donnaient de la taille et des étalons qui transmettaient plus (ou moins !) de force, de sang ou de respect qu’ils n’en montraient.


La réalité prise en compte doit être celle qui est transmise ! C’est parois difficile pour des étalons qui ne « signent » pas systématiquement leur production come Voltaire pour la taille, Jalisco pour le sang …


Il y a eu parfois des débats entre les concepteurs du programme pour attribuer telle ou telle note à une caractéristique d’un étalon et cela constitue une des limites de la « prédiction » liée à l’utilisation du PAX . Encore une fois, il faut considérer ce programme comme un outil de réflexion très utile et comme un indicateur statistique, mais pas comme un moyen infaillible de décrire le produit à naître


Tout cela n’est-il pas finalement un peu compliqué pour un profane ?


Nous avons essayé de construire le PAX pour qu’il soit facile d’emploi, pédagogique et amusant.


Comme nous l’avons dit précédemment, il y a plusieurs niveaux de lecture des résultats en fonction du degré d’approfondissement voulu par l’utilisateur et la lecture du guide facilite beaucoup l’utilisation du programme.


La phase délicate reste la caractérisation des juments.


Pour les aplombs, les allures et l’aptitude au saut, le mieux est de faire appel à un regard extérieur objectif (à l’occasion de concours d’élevage, avec son centre d’insémination ou sous forme d’entraide entre voisins) Des experts du GFE peuvent également se déplacer pour des séances de caractérisation lorsque suffisamment de juments sont susceptibles d’être rassemblées.


Pour les autres critères de morphologie l’éleveur peut procéder de la même façon, mais nous avons également mis au point une méthode d’évaluation à partir de documents photographiques. A partir de 3 ou 4 photos de profil, prises perpendiculaires à la jument, dont au moins une avec le canon antérieur à la verticale et une autre avec le canon postérieur à la verticale, nous proposons un service gratuit de notation sur photos. Certains critères seront parfois évalués en double, dans deux cases voisines et l’éleveur devra faire fonctionner le programme plusieurs fois pour en retirer tous les enseignements.


Pour les critères de comportement, qui sont importants à utiliser, l’éleveur et le cavalier sont les mieux placés pour les évaluer .Le dialogue entre eux est nécessaire et utile pour les deux !


Q16 Combien coûte l’utilisation du PAX pour l’étalonnier et pour l’éleveur ?


Le PAX est un projet lourd et couteux qui a été entièrement financé par le GFE (en partie grâce au succès de Kannan !) et il est mis gratuitement à la disposition de tous les éleveurs à partir du site www.gfeweb.com.


Il existe également des applications gratuites pour tablettes et Smartphones accessibles sur Applestore (code PAX GFE) et sur Google plan (code GFE PAX).


Le prix du guide et de son DVD est de 20 euros ttc port inclus, il faut le commander auprès du GFE


Actuellement le programme PAX ne concerne que les 49 étalons du GFE


De nombreux facteurs importants comme la fertilité, la robe, les origines et les lignées maternelles ne sont pas pris en compte dans le PAX; n’est-ce pas un handicap ?


Ce le serait certainement si nous ne proposions aux éleveurs de ne s’en tenir qu’aux informations du PAX ! Dans nos lettres et sur notre site Internet, nous apportons énormément d’informations sur la fertilité de nos étalons, sur leur pedigree, leur palmarès et leur production et aussi sur leur famille et sur les points forts qu’ils transmettent.


Comme nous le disons dans nos publicités, le PAX est un outil sérieux, utile, précis et facile d’emploi pour aider l’éleveur et l’inciter à être plus curieux et plus exigeant dans ses choix. Ce n’est certainement pas le moyen infaillible de produire un bon cheval mais c’est à notre avis un instrument qui va rapidement devenir incontournable pour aider l’éleveur à prendre ses décisions.


Dans les domaines bovin, porcin, ovin… de tels programmes existent et ils sont devenus incontournables.


Je reviens d’Amérique du Sud et d’Australie et le PAX y a reçu un accueil très enthousiaste de la part de nos clients qui ont le sentiment de pouvoir utiliser nos étalons encore plus intelligemment !


Pour autant, nous sommes toujours à l’écoute des éleveurs qui veulent et qui voudront s’entretenir avec nous avant de finaliser une décision !


Nous sommes allés à leur rencontre en organisant au total plus de 40 réunions de présentation du PAX dans toute la France entre Février et Avril. Nous continuons d’être disponibles pour les caractérisations photographiques et pour les échanges téléphoniques ou sur le terrain qui font la saveur de notre métier d’étalonniers.


Pour conclure, quelles sont vos principales recommandations pour faire un bon usage du PAX ?


Le PAX ne sera précis et donc utile que si on lui fournit les bonnes informations. Il vaut mieux ne pas noter un critère que de le faire au hasard et ne pas hésiter, en cas de doute, à mettre deux notes et interroger le programme deux fois !


L’éleveur doit s’efforcer de donner des notes aux critères d’allures et de comportement et, si possible, aux critères de saut. C’est en combinant les informations données par le PAX sur la morphologie avec ces critères plus synthétiques que l’on aura le plus de chances de choisir un accouplement performant !


Il ne faut pas forcément se limiter aux dix premiers étalons indiqués par le PAX. Le programme permet d’étudier la compatibilité entre une jument et n’importe lequel de nos étalons, grâce à la rubrique « affiner la recherche », l’éleveur peut ainsi tester le ou les étalons qu’il avait pressentis et conforter sa décision ou la remettre en cause si elle apparaît trop risquée.


Enfin, si les éleveurs sont assez nombreux à utiliser le programme PAX et à mettre en commun leurs informations, ils contribueront à faire progresser la connaissance de l’alchimie mystérieuse qui conduit à produire un bon cheval !


29/05/2016

Actualités régionales