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Pour une Académie barbe d'art équestre

Invité à y prononcer une conférence sur « les 7 vies du cheval Barbe », Jean-Louis Gouraud a assisté au 3e Salon du Cheval de El Jadida, au Maroc (19 au 24 octobre 2010). Photo 1 sur 2
Parmi les nombreuses manifestations de ce festival équestre, qui a attiré cette année encore plus de 200.000 visiteurs (voir Le Cheval n°156 du 29 octobre 2010), une des plus impressionnantes aura été le Championnat National du Cheval Barbe, dont le vainqueur est un superbe étalon noir portant une ?marque en tête? (tache blanche sur le front) appelé Seyf Al Boraq, appartenant à un éleveur privé, Anas Jamai. Comme on le constatera en lisant le texte ci-dessous, la beauté et la qualité des chevaux présentés lors de ce championnat ont donné des idées à notre ami Jean-Louis Gouraud, dont, par ailleurs, le dernier ouvrage, La Terre vue de ma selle (Belin), lui a valu le Prix Ecrivain-Voyageur (décerné lors de la Forêt des Livres en août 2010) et le Trophée Littérature (lors du Festival Epona en octobre 2010).

Etienne Robert

Le cheval Barbe souffre d'un déficit de notoriété. Et, chez ceux qui le connaissent, d'un déficit de prestige. Le Barbe, dans l'esprit de la plupart des cavaliers d'aujourd'hui, ce n'est qu'une brave monture de fantasia, un gentil canasson, une sorte de sous-arabe, utilisable en équitation d'extérieur, de loisir, voire d'endurance. Pas plus. C'est bien dommage - et surtout, c'est injuste.
C'est dommage parce que cette dévalorisation cantonne le Barbe dans des usages subalternes (et le maintient donc à des prix qui ne peuvent permettre aux éleveurs de gagner leur vie). Et c'est injuste, parce que l'histoire a prouvé ses prodigieuses capacités dans les emplois les plus nobles.
Etienne Beudant a été surnommé « l'écuyer mirobolant » en raison des résultats qu'il a obtenus en Algérie (à partir de 1908) puis au Maroc (à partir de 1913) de ses montures « indigènes » - c'est-à-dire Barbe (et dérivés : arabe-barbe ou anglo-barbe).
Le plus connu de ces chevaux est Robersart, bai cerise de 1,63 m, que Beudant montait dans une parfaite légèreté, exécutant, parmi d'autres airs difficiles, trot et galop arrière. Il faut citer aussi Sultan, Bakhta, Mechboub, Mimoun, Messaoud et dix autres, dont il obtint de véritables prouesses.
Les prédispositions du cheval barbe au travail de haute-école n'étonnent que ceux qui ont oublié que le Barbe est un des ancêtres de ces chevaux ibériques connus aujourd'hui sous le nom de Pure Race Espagnol (PRE) et Pur Sang Lusitanien (PSL), très recherchés par les amateurs d'airs relevés, de haute-école ou de fantaisie. Ce n'est pas pour rien si les chevaux hispaniques ont été longtemps désignés sous le nom de andalous ou - plus explicite encore - sous le nom de genet. Le mot genet, en effet, n'est que la déformation du nom d'une tribu berbère venue du Maroc en Espagne au temps de la conquête musulmane : les Zénètes, cavaliers intrépides et habiles.
C'est sur un Barbe, appelé Le Bonite, que le père de l'équitation académique, M. de Pluvinel, enseignait, dans les années 1615, la belle équitation à son élève le futur roi de France, Louis XIII.
Le genet, ou cheval andalou, a fait lui aussi preuve de ses exceptionnelles aptitudes à la haute-école non seulement dans les arènes de corrida, mais dans toutes les académies équestres d'Europe : il y a du sang espagnol chez le napolitain; il y a du sang andalou chez le lipizzan - la monture qu'utilisent de nos jours encore les écuyers de la fameuse Ecole Espagnole de Vienne.
Se souvenant de tout cela, les Espagnols et les Portugais ont créé, voici seulement une vingtaine d'années, les uns à Jerez, les autres à Lisbonne, des Académies équestres devenues de hauts-lieux touristiques et patrimoniaux.
Ne serait-il pas temps de rappeler qu'à l'origine des races utilisées dans toutes ces belles institutions se trouve le barbe, et de consacrer à ce dernier un lieu de prestige où il puisse faire la démonstration de ses extraordinaires facultés ?
Une Académie Barbe d'Art Equestre redonnerait au cheval d'Afrique du nord ses lettres de noblesse. Dès lors, le Barbe cesserait de n'être considéré que comme une monture de seconde zone.
Il existe aujourd'hui en France d'excellents maîtres de dressage, originaires du Maghreb, formés aux meilleures sources de la haute-école d'Europe (je pense, en particulier à Mustapha Elbahjaoui*). Des chevaux de qualité, existent aussi en quantité dans les haras et les élevages d'Afrique du nord. Reste à trouver un lieu prestigieux et facile d'accès à une clientèle d'amateurs éclairés du monde entier.

Jean-Louis Gouraud

*Mustafa Elbahjaoui est le frère aîné de Abdessadek, dont on a pu constater l'habilité équestre au cours du tout récent Salon du Cheval de el Jadida. Bien qu'ayant commencé lui aussi sa carrière dans le spectacle, Mustapha bénéficie d'une formation plus classique et s'est spécialisé dans le dressage de haute-école.

09/11/2010

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