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Le Haras des Brimbelles : une saveur vosgienne en Normandie

En se posant en Haute-Normandie, à St Aubin-sur-Gaillon, Guy Schumacher, originaire des Vosges, auteur d'un joli parcours sans-faute dans le haut niveau de l'industrie agro-alimentaire, allait faire vivre deux de ses passions : celles des chevaux et des brimbelles. Photo 1 sur 4

Le haras porte le nom de cette délicieuse airelle qui se déguste crue ou cuite, en tarte, en confiture ou en macarons, spécialité vosgienne. « Je ne suis pas quinze jours sans me faire une tarte aux brimbelles » confie-t-il volontiers. Parti de rien, formé à Pixérécourt (54) et à l'Institut national agronomique de Paris, l'ingénieur agronome qu'il est devenu, a débuté sa carrière professionnelle à la Chambre d'agriculture de l'Eure. Après un parcours exemplaire, de la direction générale de Gaston Lenôtre à celle du groupe Brossard dont il est aujourd'hui propriétaire, Guy Schumacher revient à ses premières amours. « Je suis ingénieur agro. J'ai été rattrapé par ma passion première. Ma première clé pour entrer dans l'élevage des chevaux, c'est la recherche. Quand je suis arrivé ici, grâce à mon épouse Christel et à mon fils Titouan qui sont passionnés de chevaux, j'ai d'emblée transformé le corps de ferme pour en faire un laboratoire. Mon idée, c'est de trouver une technique pour conserver les embryons. Avec une petite équipe de scientifiques et le Dr Eric Glincani, le vétérinaire qui s'occupe de notre centre de mise en place, nous sommes sur une piste sérieuse. Elle est très compliquée cette technique de conservation des embryons, c'est d'ailleurs cela qui nous passionne. Nos travaux nous conduisent à penser que cette technique ne passe pas par la biologie mais par la physique. Je ne peux pas en dire plus pour le moment ».

Préserver la génétique femelle

Le second volet de recherche de l'insatiable ingénieur agro, c'est la préservation de la génétique femelle; pour lui, elle est aussi importante que la génétique mâle mais elle n'est pas l'objet de la même attention. Le but consiste à prélever sur les juments à haute valeur sportive des ovocytes et de les conserver en vue d'une fécondation in vitro.
Le futur aux Brimbelles est placé sous le signe de la recherche et de l'innovation dans les techniques de reproduction. Le présent lui, concerne les étalons du haras dont la semence est prélevée ici, congelée et utilisée en frais sur les juments. Pour la première fois cette année, le Haras des Brimbelles commercialise la génétique de ses étalons. Tiny Boy (Sandro Boy-Carthago) est très demandé. Le haras était présent sur les étapes du salon des étalons de Châlons-en-Champagne et de St-Lô avec Amadeus et Paradis Latin sous la selle de François-Xavier Boudant, le cavalier maison. La vie aux Brimbelles s'organise autour du travail, de la sélection, et du haut niveau sportif. Outil performant avec manège, labo, carrière Toubin, boxes, salle de soins, boxes de poulinage, paddocks et bientôt une piste de galop de ?1 200 m, le haras est géré comme une entreprise par Christel Schumacher et bénéficie des conseils de consultants tels Gilles Bertran de Balanda et le marchand belge Guido Bruyninks (découvreur entre autres de Kannan) qui aide à la sélection et à l'orientation des chevaux; c'est là le c?ur de la valorisation vers le CSO avec une équipe de professionnels très motivés. L'élevage se fait dans une ferme à quelques kilomètres de St-Aubin. Là encore, c'est la marque de l'ingénieur agro et de l'entrepreneur qui prédomine avec la reconversion d'une ferme classique qui peinait à vivre en un élevage de chevaux à part entière; double reconversion réussie : agricole d'abord, sociale ensuite puisque c'est le propriétaire de la ferme qui mène la croissance des poulains et fournit l'essentiel de la nourriture. Une quinzaine de poulains naissent chaque année et ce n'est pas la « crise » qui freine la progression du haras; bien au contraire. Au plus fort du doute, il y a deux ans à Fontainebleau, Guy Schumacher nous faisait part de son intention de doubler le nombre des naissances. Il l'a fait.
Sa recette : le travail, la sélection, pour un seul but, le haut niveau. Les poulains sont manipulés très tôt et une première sélection est opérée à 2 ans; ceux qui ne correspondent pas aux critères sont généralement vendus par lots. Parmi les poulinières :
- Kaolympe Plardiere SF (Diamant de Semilly et Olympe du Tertre x Glamoran) qui tourna sous la selle de Patrice Delaveau;
- Gazelle de Beauval SF (Henaud et Quassia de Beauval x Boris de Vauptain) GP avec André Roguet et Grégoire Oberson;
- Haute Claire SF (Le Prince Thurin et Orida (tf) x Belroko (tf);
- Roxane des Bergeries (BE) Artos et Eve de Lichecourt x I Love You Hatsu van st Maarten (Be) x Demenos;
Une dizaine de chevaux seront sur le circuit classique cette année sous la selle de François-Xavier Boudant ou sous celle de Samuel Locoche. Auteur d'une belle saison de 7 ans (2e de la finale à Fontainebleau, 2e de la petite finale de Lanaken) Paradis Latin (Heartbreaker) vint de redémarrer à Vidauban. Quinquet d'Ivraie (For Pleasure) et Erythrea (Toulon) sont deux des espoirs des Brimbelles sur le circuit 7 ans. Deux produits d'Erythréa tournent déjà en 4 ans.

Une certaine idée de la politique

Sa vision de la politique cheval sort des sentiers battus. Cet industriel, très au fait des affaires agricoles, porte un regard aigu et nouveau sur ce que devrait être le fonctionnement de la filière; pour lui, le modèle économique « Unigrains » qui a rassemblé l'amont et l'aval du monde agricole devrait être appliqué au cheval. « Toutes les composantes, trot, galop, sport, loisir, trait, doivent faire front commun, plaide-t-il, pour faire face aux enjeux majeurs qui nous attendent. Nous ne sommes pas crédibles en ce moment avec les divisions que nous montrons. Chacun prêche pour sa chapelle. On n'avancera jamais ».
Président du CRE de Normandie et président du Conseil du cheval de Haute-Normandie, Guy Schumacher est dans l'action pour faire avancer les choses, pas pour faire de la figuration. Sa présence à l'assemblée générale de la SHF la semaine dernière est à cet égard significative. De Patrice Falcone, il, partage les visées fédératrices, c'est certain. Comme il est certain qu'on le verra un jour aux commandes d'un grand remaniement de la filière. Ses idées, puisées aux réalités du monde agricole qu'il connaît par coeur, ne tarderont pas à faire des émules. De l'élevage à la commercialisation en passant par la valorisation et l'organisation des concours, son champ d'investigation et de réflexions balaye lucidement toute la filière. Cet homme va nous surprendre.

Etienne Robert

« Papy Brossard »

Propriétaire du groupe Brossard qu'il a conquis en solitaire en achetant ses concurrents et ceux qui voulaient l'acheter, Guy Schumacher est une personnalité redoutable dans le monde des affaires. Repéré par Gaston Lenôtre après un parcours réussi dans l'organisation des filières agricoles : créateur d'une inter-profession viande, initiateur de la coopérative laitière Elnor qui deviendra le groupe Yoplait, inventeur de produits destinés à valoriser les sous-produits de l'abattage, Guy Schumacher est devenu le N° 1 du groupe Lenôtre (950 salariés) jusqu'à sa cession au groupe Accor. C'est à cette époque qu'il fonde son entreprise de produits surgelés à base de pâte feuilletée; « Saveurs de France » voit le jour au Neubourg. Cotée en bourse, l'affaire attise les convoitises de ses concurrents que finalement il absorbe. Ce sera ensuite Brossard, le géant de la pâtisserie qui tombera dans l'escarcelle du Vosgien en 2001. « Saveurs de France-Brossard » c'est alors un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros, transformant 22 000 hectares de blé et le lait de 8000 vaches; quelques années plus tard, il vend « Saveurs de France » pour faire prospérer l'emblématique « Papy Brossard » et ses 300 salariés. C'est à ce moment que, par ailleurs passionné de voltige aérienne et de haute montagne, il crée le haras des Brimbelles à St Aubin-sur-Gaillon et achète à quelques kilomètres de là, la propriété où vécurent Yves Montand et Simone Signoret.

(Source « Vosgiens d'ailleurs » rubrique économique, parue dans La Liberté de l'Est)
24/03/2011

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