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Formation de jeunes chevaux : Laurent Elias : « Rendre au sport ce qu’il m’a donné »

Laurent Elias était à Rosières-aux-Salines les 27 et 28 mars pour animer un stage jeunes chevaux, stage mis en place à l’initiative de la SHF pour la 3e année. Au total cet hiver, 40 journées de stages ont été organisées sur 10 sites différents à destination des cavaliers de jeunes chevaux. Laurent en tire un bilan très satisfaisant. Mais constate (et déplore) une fois de plus le manque de formation des cavaliers.





« Plus de cavaliers, plus de chevaux d’année en année, on est plutôt contents du succès parce que la qualité, dans ce cycle de préparation à la compétition, est au rendez-vous. La moyenne c’était entre seize et une petite vingtaine de chevaux par site. On a donc vu 200 chevaux de 4, 5, 6 voire 7 ans, parce que parmi les chevaux qui avaient participé les dernières années on a autorisé, quand il y avait des places disponibles, les 7 ans. Mais la cible de la SHF ce sont les chevaux de 4, 5 et 6 ans. L’initiative est intéressante parce que l’idée c’était de se dire, mieux on travaille nos chevaux, mieux on les valorise, mieux on est capable de les placer dans le commerce. Je ne me situe pas dans le commerce, mais tout ce qui valorise le travail des chevaux pour les éduquer à devenir de bons chevaux d’âge m’intéresse. Je trouve que c’est bien de la part de la SHF d’éduquer les cavaliers de bonne heure pour les mettre sur une voie qui prône l’excellence ».





Eduquer les cavaliers d’abord ?


« Oui, et par voie de conséquence, quand on donne la bonne façon aux cavaliers les chevaux répondent à cette façon-là. Malheureusement (mais c’est un constat général) il y a beaucoup de gens qui s’investissent, qui s’imaginent cavaliers professionnels, mais qui ne sont pas formés avec cette notion d’excellence. Là où je salue leur démarche c’est qu’ils ont envie de progresser, donc ce qu’il faut c’est qu’on les ramène sur les chemins de la bonne éducation des chevaux. Mais ça veut dire que tout notre enseignement doit évoluer et j’ai beaucoup de plaisir à le faire parce que justement les jeunes chevaux c’est l’avenir de nos chevaux futurs. C’est notre rôle aussi à nous, qui avons été dans le haut niveau, d’être capables de nous investir dans la formation des plus jeunes.


Très fondamentalement, (mais je pense que c’est un reproche qu’on peut faire sur tout le territoire, pas qu’aux cavaliers de jeunes chevaux), c’est la qualité du travail sur le plat qui manque le plus. Je pense qu’on a un retard par rapport à ce qu’on peut voir dans l’éducation des cavaliers étrangers. Il y a beaucoup de bonnes volontés en France, il y a des gens qui ont beaucoup d’instinct mais ils n’ont pas été formés sur des bases vraiment classiques de travail de jeunes chevaux. Ils ont envie de le faire et là, il faut répondre à leur demande. C’est la formation de base qui est en cause. »





Et en formation de base, de quoi parle t-on, du BPJEPS ?


« On parle de l’enseignement en général, c’est-à-dire qu’on ne peut pas reprocher à quelqu’un de ne pas savoir ce qu’on ne lui a pas appris. Dès lors qu’on n’a pas des techniciens qui ont un niveau suffisant de la pratique d’équitation, les cavaliers ne pourront pas reproduire les bonnes méthodes. Je pense que c’est aussi aux gens qui ont pratiqué le très haut niveau et qui ont une vocation d’enseignant, de ramener auprès des enseignants et auprès des gens qui se préparent à la compétition, cette compétence-là. J’ai été le premier à faire le constat que notre enseignement en général n’est pas suffisamment bon au niveau technique. Il faut mettre la main à la pâte. Moi je vais au mastic tous les jours en me disant qu’on doit pouvoir former les gens mieux que ça ».





L’ENE a un rôle à jouer ici?


« On y forme quelques enseignants qui sont des instructeurs, mais dans le premier niveau qui est celui des BPJEPS on a considéré qu’il fallait former des animateurs. Très bien. Mais des animateurs qui n’ont pas de niveau technique. Donc il ne faut pas attendre de ces gens-là qu’ils préparent des cavaliers capables d’éduquer convenablement les chevaux.





Est-ce que ça évolue un peu ?


Oui. Il y a même une démarche fédérale qui se met en place. On m’avait contacté à ce sujet. Il y a des dispositions qui sont prises pour mieux former les enseignants à la pratique de l’équitation de sport, et c’est tant mieux. Mais il est temps de réagir parce qu’on ne peut pas accepter que nos enseignants ne soient pas de bons techniciens. Je pense que dans d’autres sports (judo ou tennis ou golf) les gens qui sont enseignants ont un niveau de pratique de leur sport qui est de qualité. On n’enseigne bien que ce qu’on a bien compris.


Y-a-t-il une une progression dans les demandes en jeunes chevaux ?


Heureusement ! On a été obligés cette année de faire une sélection parce qu’on n’a pas assez de place. On se limitait à 17-18 chevaux pour qu’on puisse faire des journées efficaces, dans la qualité et dans la répétition. Pour ceux qui sont venus sur plusieurs années on s’aperçoit qu’ils ont une meilleure pratique. Ce que je leur dis c’est que l’excellence ça commence sur des 4 ans. On ne devient pas bon cavalier parce qu’on monte de bons chevaux. Quand on monte des jeunes chevaux on doit avoir cette notion d’excellence. On ne doit pas s’imaginer que, parce qu’un cheval est jeune, le travail doit être moyennement fait. L’excellence ça commence de bonne heure et quand on donne les bonnes pratiques aux gens on s’aperçoit que du coup ils ont beaucoup moins de difficultés et de conflits dans la gestion de leurs chevaux. »





C’est un investissement pour ces cavaliers-là ?


« Il y a une participation de la SHF mais eux aussi participent financièrement. L’idée de la SHF c’était de dire : on vous aide à vous former mais vous payez une participation. Cela reste quand même un coût raisonnable, compte tenu de ce qu’est la prestation. C’est 2 fois 2 stages, donc 4 séances plus un accompagnement en concours. Je pense que si les gens reviennent d’année en année c’est qu’ils y trouvent un intérêt. La plupart sont autonomes, ils travaillent pour eux, mais il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’ils travaillent avec d’autres personnes. Ils trouvent un intérêt à avoir cette répétition dans l’hiver, on les accompagne jusqu’aux concours et on valide. L’intérêt c’est aussi de voir les chevaux en situation et de leur dire, dans ces situations de concours, la façon de détendre, la façon de monter. On débriefe sur leurs parcours, et ça leur permet en dehors des séances de travail, d’avoir une idée un peu claire de ce qu’il faut demander à leurs jeunes chevaux pour que ça fonctionne bien ».





Globalement, le niveau progresse ?


« Le niveau des chevaux en qualité a beaucoup progressé, et je pense que les gens, pour être performants, ressentent ce besoin de se former en permanence parce que c’est dur de gagner des épreuves. Il y a beaucoup de monde et c’est devenu de plus en plus pointu. Plus on offre cette possibilité aux gens de se préparer aux concours, plus ils y trouvent d’efficacité. J’ai toujours pensé que quelqu’un qui avait pratiqué le haut niveau devait rendre au sport ce que le sport lui avait donné, et moi j’ai vraiment beaucoup de plaisir à partager aujourd’hui, quel que soit le niveau des cavaliers : quand ils ont envie de progresser, notre devoir à nous c’est de pouvoir redonner l’expérience qu’on a eue à un moment donné dans le haut niveau ».





Laurent Elias aujourd’hui son métier c’est le coaching ?


« Oui, le travail du cheval surtout et surtout la préparation des chevaux en compétition. Il m’arrive d’en suivre certains en concours, mais je pense que le plus important pour nous c’est d’être capables de les préparer convenablement, parce que la piste, c’est la piste. Mais l’important c’est de donner des bonnes pratiques dans la préparation des chevaux, dans la façon de les travailler sur le plat, de les faire sauter. Je trouve qu’il y a trop de bons chevaux gâchés. Quand les gens ont de bonnes pratiques on s’aperçoit que comme par hasard les chevaux vont mieux, les cavaliers vivent mieux avec leurs chevaux, et le niveau d’efficacité augmente ».


05/04/2017

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