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Équitation amoureuse

Traité d’équitation pour ma bien-aimée1est un livre rare. Non que les ouvrages célébrant le cheval et l’amour fassent défaut, bien au contraire, mais dans ce petit livre à la couverture sobre et élégante, le cavalier allemand Rudolf Georg Binding aborde cette thématique rebattue d’une manière si passionnée, si pure et franche,

Traité d’équitation pour ma bien-aimée1est un livre rare. Non que les ouvrages célébrant le cheval et l’amour fassent défaut, bien au contraire, mais dans ce petit livre à la couverture sobre et élégante, le cavalier allemand Rudolf Georg Binding aborde cette thématique rebattue d’une manière si passionnée, si pure et franche, tellement « équestre » que le lecteur, pris dans les rets de la magie du texte, ne peut être que profondément ému.


Officier de cavalerie né en 1867 à Bâle, Binding fait la connaissance d’Eva Cornstein lors d’une convalescence qu’il passe en Grèce et en Italie, en 1907. Il vient d’épouser sa cousine. La femme dont il tombe amoureux est elle aussi mariée. Le cheval est le prétexte, l’objet, le lieu, le moment de leurs rencontres. A travers les enseignements équestres que lui prodigue Binding, Eva Cornstein découvre l’amour que lui voue le cavalier. Leurs sentiments réciproques s’incarnent dans une série d’exhortations passionnées que Binding formule dans de brefs textes poétiques où préceptes équestres et préceptes amoureux se mêlent si intimement que ce traité d’équitation particulière devient le symbole de l’extraordinaire proximité ontologique entre la magie de l’équitation et celle de la rencontre amoureuse.


Ce texte inspiré est présenté et traduit avec beaucoup de justesse et de subtilité par Alexandra Besson, jeune germaniste aussi sensible à la beauté de la langue qu’à la belle nature du cheval.


« Viens ! à cheval ! » Appelle Binding et le cavalier d’évoquer pour Eva les fondamentaux d’une équitation que nos instructeurs ne renieraient pas. L’importance du mouvement en avant : « Les refus et les trépignements, les cabrades et les ruades sont aisées à surmonter dans le mouvement en avant (…) Le cheval rétif te l’enseignera mieux que quiconque : le tout est d’aller de l’avant. » La nécessité d’une main fine et ferme à la fois : « Merveilleuse tendresse de ce jeu de va-et-vient auquel se livre la main du cavalier et la lèvre du cheval. Y as-tu déjà songé ? ». Binding complète cette suggestion avec l’histoire de l’enfant jockey, star de sa discipline, dont la main subtile « comblait les chevaux de bonheur. ». L’auteur évoque aussi le besoin du cheval d’avoir un maître, un guide juste, à la claire volonté : « Songes-y, ton ami est plus fort que toi et pourtant tu es sa souveraine. Demande-toi comment cela s’est produit. Car tu dois aussi devenir la souveraine de ton cheval. » Il en vient au cheval-miroir : « Surveille-toi bien, le cheval te perce à jour, toi et tes pensées les plus secrètes. Si tu n’es pas résolue à régner sur lui, il ne t’obéira pas. (…) Si tu ne lui fais pas confiance, il ne se fiera pas à toi. (…) Si tu t’effarouches il prendra peur lui aussi ; mais il sera valeureux et plein d’allant si tu sais te montrer telle. »


Et pour terminer, Binding fait du cheval l’unique confident de l’aveu grave qui les hante Eva et lui : « A qui d’autre que lui ma bien-aimée, aurais-tu le droit de confier que nous nous aimons ? ».


1 Rudolf G. Binding, Editions du Rocher, 2015. Traduit de l’allemand et présenté par Alexandra Besson.

11/06/2015

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