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De la génétique équine par Alice Persoons*

Qu'est-ce que l'ADN ? À quoi sert-il ? Comment s'exprime t-il ? Qu'est-ce qui explique une telle diversité de races chevalines ? Qu'est-ce qui fait d'un crack un crack ? C'est une partie de ces réponses que vous trouverez ici en suivant les explications d'une jeune biologiste, qui va vous emmener aux confins du minuscule, à la source même de la vie. Photo 1 sur 1

La « brique » de construction de tout être vivant est la cellule. Certains organismes sont unicellulaires (composés d'une seule cellule) : c'est le cas des bactéries par exemple. Mais les organismes complexes comme l'homme et le cheval sont composés de milliards de cellules : on dit qu'ils sont pluricellulaires. Les cellules ont une durée de vie +/- courte : de 5 jours pour les cellules de la paroi de l'intestin à plusieurs années pour les neurones dans le cerveau. Il existe donc des variétés différentes de cellules dans chaque organisme : rien que chez l'homme on compte des cellules épidermiques, osseuses, musculaires, intestinales, oculaires, des neurones, etc., et chaque type de cellules a des fonctions précises.
Au sein des cellules, on trouve différentes structures spécialisées : les organites, comme le noyau et les ribosomes.
Le noyau contient l'ADN (Acide Désoxyribonucléique). C'est la molécule essentielle à la vie, elle est donc présente dans toutes les cellules vivantes. Elle possède une forme de double hélice et renferme l'ensemble des informations nécessaires au développement et au fonctionnement d'un organisme, c'est l'information génétique. Lorsque la cellule se divise, l'ADN se compacte sous forme de chromosomes. L'Homme possède 36 chromosomes et le cheval 32. L'ADN est aussi le support de l'hérédité car il est transmis lors de la reproduction : c'est ce qui fait que vous ressemblez d'avantage à vos parents qu'à vos voisins !
Si on regarde l'ADN de plus près (figure 1) on remarque qu'il peut-être comparé à un long collier, formé de 4 types de perles différentes : les nucléotides (Adénine, Thymine, Guanine et Cytosine). C'est l'ordre d'enchaînement de ces nucléotides sur l'ADN qui permet de « coder » l'information génétique dans des « paquets » de nucléotides : les gènes.
Chaque gène est différent, composé de plusieurs centaines à plusieurs milliers de nucléotides et se trouve ainsi porteur d'une « information » spécifique. L'expression des gènes se fait par la création de « messagers intermédiaires », les ARN. Les ARN portent l'information des gènes hors du noyau et sont transformés en protéines par les ribosomes. Les protéines sont extrêmement variées et remplissent la plupart des fonctions cellulaires : enzymes, transporteurs de molécules, récepteurs de molécules en surface des cellules, etc.
Si les cellules d'un organisme remplissent des fonctions différentes c'est surtout parce qu'elles possèdent des protéines différentes. En effet, tous les gènes de l'ADN ne s'expriment pas dans toutes les cellules : ce ne sont pas les mêmes gènes qui s'expriment dans une cellule de peau et dans une cellule du foie. C'est donc l'expression ou l'extinction des gènes qui définit le type de cellule.
Lors de la reproduction, le spermatozoïde et l'ovule portent chacun la moitié de l'information génétique du parent. La rencontre du spermatozoïde et de l'ovule permet donc de créer un être vivant possédant la même quantité d'ADN que l'espèce (environ 30 000 gènes chez le cheval et 21 000 chez l'Homme) mais avec des caractéristiques provenant pour moitié de chaque parent. Les éleveurs s'appuient depuis longtemps sur le pedigree des géniteurs pour obtenir les meilleurs athlètes possibles sur les terrains de concours. Malheureusement les résultats de ces croisements sont très aléatoires : sur 100 saillies, un bon étalon ne donne naissance qu'à 2 ou 3 chevaux performants. En effet, l'assemblage des gènes maternels avec les gènes paternels ne donne pas toujours un résultat aussi performant que les gènes maternels ou paternels seuls. La part du génétique peut ainsi influer de 20 à 40 % dans les performances d'un cheval ! Cela montre aussi que l'environnement de croissance de l'animal, le comportement de la jument avec son poulain, son alimentation, son caractère (en grande part dû au mimétisme) et la qualité de son entraînement jouent également un rôle primordial sur ses performances futures.
Ce qui fait le crack ou le cheval exceptionnel tient donc à autant de facteurs génétiques qu'environnementaux. Le crack, on le sait, doit avoir des capacités musculaires élevées pour sauter un obstacle ou courir vite : ses cellules musculaires doivent donc être performantes et libérer beaucoup d'énergie rapidement ou au contraire rester actives sur la durée. Tout dépend du type de courses que l'animal pratique. C'est la même différence qu'entre des sprinters et des marathoniens !
De plus, les capacités pulmonaires du cheval doivent être élevées : le fonctionnement des cellules musculaires nécessite en effet une bonne oxygénation. La qualité des alvéoles pulmonaires, leur nombre, la facilité qu'a le sang à transporter l'oxygène et à le relarguer dans les cellules musculaires, sont autant de facteurs qui peuvent influencer le fonctionnement des muscles.
Ainsi, la seule façon d'obtenir à coup sûr un cheval exceptionnel demanderait un travail considérable : analyser les génomes de cracks et de chevaux médiocres, trouver les gènes communs aux cracks qui seraient différents chez les chevaux moyens, et enfin créer par fécondation in vitro un embryon de cheval pour lequel on aurait sélectionné uniquement des gènes « caractéristiques des crack »... Par la suite il faudrait définir les conditions optimales d'obtention d'un champion : alimentation la plus adaptée, environnement et entraînement idéaux... Et même avec ces précautions, le caractère du cheval et sa détermination restent relativement imprévisibles.
Mais si la naissance des « bébés médicaments » (créés de toute pièce in vitro afin d'être utilisés pour soigner un de leurs ainés atteint d'une maladie génétique) font autant débat et posent des problèmes éthiques chez l'Homme, pourquoi devrait-on permettre cela chez le cheval ? Ne doit-on pas laisser faire la nature ?

* Etudiante en Master de Biologie à l'Université de Nancy
24/03/2011

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