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« Santiago ! » (Episode 5) Maurice Tabac

(Résumé de l’épisode précédent : Maurice Tabac quitte Saintes et le cloître de l’Abbaye aux Dames où il a été hébergé chez les bonnes sœurs).On peut être pèlerin et agnostique !Après 40km sans embûches et bien
balisés avec des bornes kilométriques symbolisées par une coquille Saint-Jacques, nous arrivons au club de Saujon. En arrivant je me sens grandir car des guirlandes, des fanions, de la musique, beaucoup de monde semble m’attendre !

La renommée enfin !!! Et bien non, c’est l’anniversaire du club! Maurice redescend sur terre, les sœurs sont loin et ma venue n’est qu’une partie des attractions. Beaucoup de cavaliers viennent à ma rencontre et m’aident à décharger. Une fois tout en ordre, on m’invite à assister au concours hippique. Puis c’est l’apéro qui se termine à trois heures du matin. Il est entrecoupé d’un poulet fermier rôti avec des pommes de terre à l’ail, arrosé d’un excellent vin ! Chansons, danses, puis la tête lourde, je m’endors sur le canapé du club-house.

Le lendemain, réveil vaseux et départ pour le bac de Royan, en voiture avec chauffeur et van pour ne pas traverser la ville (merci Constance). C’est à Soulac qu’ aurait été ensevelie la fille de Jérusalem, qui, de son voile essuya le visage du christ lors de la montée du calvaire. Les quarante six jours de randonnée que nous venons de parcourir ont préparé les chevaux à toutes les situations et le passage sur le bac est une formalité pour eux alors que moi, j’ai peur de ne pas pouvoir assurer notre sécurité (glissade, bruit infernal, houle, trépidations...).

A Royan, je décide de prendre par la plage. Idée géniale, Lasco en liberté et au trot pendant trois jours. Pas d’erreur de parcours possible, pas de véhicules, nous avançons plus vite et sans stress. Pourtant une chose me manque et il me faut une journée pour comprendre, pas de varech, pas de coquillages, pas de mouettes, même pas l’odeur de l’iode...

Je sors de la plage sur injonction de l’armée. Un hélico me survole de près et me fait comprendre que je ne suis pas à ma place. Les chevaux prennent peur et dans l’affolement donnent des coups de cul et partent au grand galop. Je devais dormir car je n’ avais rien entendu. Toujours est-il que j’ai vite compris et que je suis sorti.

L’accueil dans cette région a été formidable, la fête à Saujon, les gens rencontrés au hasard de la route, cet éleveur de quater-horses, grand collectionneur de selles américaines, de santiags et d’éperons, tous des passionnés. Le garde de l’O.N.F., responsable de la chasse, nous a hébergés dans de bonnes conditions et m’a instruit sur la chasse à la bécasse et le dressage du chien retriever.

Puis les Landes ! Ah ! Les Landes ! Fracassées par la tempête, des centaines d’hectares de pins couchés, rompus, des années de travail perdues. Et ses longues, trés longues, trop longues lignes droites, les chemins blancs, ils appellent ça ! Pour moi, c’est un chemin de croix et j’ai le moral à zéro. Pendant plusieurs jours sous une pluie battante, je n’ai plus rien de sec et j’ai froid. Remettre un pull mouillé le matin, un régal !

Un soir, ne trouvant pas de lieu d’accueil, je squatte un herbage mal clos que je consolide avec mes cordes. Très inquiet, je ne monte pas ma tente pour pouvoir surveiller plus facilement les chevaux. Riche idée, il pleut toute la nuit. Je me protège comme je peux avec un ciré et un poncho et je finis par m’ endormir ou plutôt par sommoler. Jusqu à cinq heures du matin, pas de soucis, si ce n’est que je baigne dans mon sac de couchage. Je me réveille en sursaut, plus de chevaux, envolés. Branle-bas de combat, tel un sioux, je cherche des traces mais rien... J’appelle des riverains et nous partons en Jeep à leur recherche. Rien. J’appelle d’autres voisins et le commissariat. Et enfin, nous retrouvons les fugitifs qui ont été parqués dans un herbage par une âme bienveillante. Ouf ! Pas d’accident, pas de blessures, juste une grosse peur. Retour à l’herbage, toujours trempé comme une soupe. Je repars pour une petite étape où je sais qu’une grange nous attend. Il va falloir jongler pour faire sécher du linge.

Plus nous nous enfonçons dans les landes, plus les ravages de la tempête sont flagrants, une vraie désolation. Encore de l’eau, du froid, du vent qui altèrent ma santé; le moral est en berne. J’ ai mal partout, surtout au bras gauche dont le biceps est de toutes les couleurs. Ce muscle a souffert, il y a dix jours, suite à un arrêt intempestif de mon ami Lasco. De plus, tenant celui-ci du coté gauche, un point de contracture m’empêche de respirer normalement et je n’ai plus de médicaments. Il faut que je m’arrête une journée au sec pour tout sécher, faire quelques courses, et trouver une pharmacie.

Le club du Volcelest, à Hostens, m’offre cette possibilité. C’est le plus gentiment du monde que la propriètaire me propose de laver et de sécher mon linge. Elle me prête aussi sa voiture pour aller me ravitailler. Cette journée de repos nous a regonflés et nous repartons avec joie le lendemain mais malheureusement sous la pluie qui, pendant deux jours, ne nous quittera pas.

Nous cheminons sur une petite route (les chemins forestiers ne sont pas tous praticables). Un chien, accompagné de ses propriétaires qui travaillent dans un massif de fleurs, nous regarde passer. Il échappe à leur surveillance, saute le portail et, babines retroussées, s’ attaque à Lasco. Celui ci, l’ oeil en coin le laisse approcher, encore, encore,plus près. Et là, à bonne distance, il lui balance une ruade que le malheureux prend en pleines côtes. Roulé-boulé, hurlement, et étalé comme mort. Les propriétaires sortent en vocifèrant, m’insultent, me montrent les dents et me rendent responsable de cet incident. A dire vrai, ils veulent surtout que mon assurance prenne en charge les éventuels frais véto. Refus de ma part, le ton monte, les bras s’agitent... Et heureusement le cabot s’ébroue, fait quelques pas en boitant bas puis disparaît. Cela calme les esprits et nous nous quittons.

A l’abri des regards, je félicite Lasco d’une bonne caresse entre les cuisses, il adore ça !

Nous arrivons au club de Pissos où une caravane m’est prêtée. Le lendemain, la journée est belle et facile. C’est au château de Labouheyre, rallye Ardillère, équipage Deroual, chez Madame Mondiet que nous sommes accueillis. Repas au château, comme un prince et nuit dans une grande chambre tapissée de tentures de chasses et de trophées de cervidés et de fauves. Au cours du repas, la maîtresse des lieux m’explique qu’elle a plusieurs centaines d’hectares de pins ététés ou déracinés, et qu’on ne lui en propose que deux euros la tonne, une honte !!!

Encore une journée jusqu’à Dax et les Landes sont traversées, ouf !

Une fois la ville traversée, comme par miracle, j’aperçois des feuillus, des vaches, des moutons, la vie quoi ! Le moral remonte, l’allure s’accélère et les chevaux me font comprendre : « Regarde la carte, nous nous occupons du chemin ! »

Et nous avalons cent dix kilomètres en deux jours.

Peyrehorade approche au loin et nous voyons les Pyrénées. Tout le monde pète la forme. Aujourd’ hui, j’ai vu mon premier pèlerin, un cycliste hollandais. Nous échangeons quelques mots et surtout nous nous souhaitons : « buen camino ».

Peyrehorade, petite ville en bordure des deux gaves, le gave d’Oléron et le gave de Pau. Dans ces deux gaves, autrefois, étaient pêchés des saumons de plus de 30 kg mais aussi des civelles (anguilles juvéniles, vendues 1000 euros le kg). Tout cela contribuait à faire bouillir la marmite. A présent avec la pollution, il n’y a plus rien. Aujourd’hui, la culture de kiwis représente une ressource économique non négligeable, le maïs grain ne payant plus.

Dans 25 kilomètres, nous arrivons au pays basque avec ses spécialités culinaires, son cochon noir, ses confits, son piment d’ Espelette et autres que j’ ai envie de découvrir.

Mademoiselle Pernet, maréchale-ferrante de son état, doit referrer Loug et Lasco dans deux jours. En attendant, je me suis installé chez Monsieur Pons, cavalier internationnal de complet qui, malgré sa notoriété, reçoit avec chaleur le randonneur que je suis.

Aline Pernet, au cours du ferrage, m’apprend qu’elle a été formée en Normandie par un nommé Tabac et me demande si je le connais. Je lui réponds par l’ affirmative et ce n’est qu’en lisant mon nom sur le chèque qu’elle comprend que c’est mon fils ! Sur ce, elle me propose de passer quelques jours chez elle avant d’attaquer l’Espagne. Pendant une semaine nous nous sommes fait choyer.

Profitant de cet arrêt, mon fils aîné vivant en Suisse, décide de venir me rendre visite pour constater de visu l’état du père. Il m’emmène passer une radio de mon bras gauche. Rien de grave, muscle partiellement arraché, opération impossible. Il faudra donc faire avec un muscle qui pendouille. Ensuite nous en profitons pour visiter Bayonne, Anglet et Biarritz et faire une bonne bouffe.

Avec Aline, pendant sa tournée, je sillonne de l’intérieur le pays basque. Peuple très fier et riche de sa culture, les chants vous prennent aux tripes, les paysages sont magnifiques, vallonnés, très verts, beaucoup d’essences d’arbres et d’enclos ainsi protégés. Belle région d’élevage ; je vois de trés beaux anglo-arabe, des pottok, des brebis à tête noire mais aussi des brebis pies.

Aprés avoir remis tout en ordre (graisser les cuirs, laver le linge), avoir mangé et m’être reposé, je me sens d’attaque pour affronter la partie espagnole. Plus que deux étapes avant Saint-Jean Pied-de-Port, une certaine angoisse m’étreint. Problème de la langue, plus de ravitaillement Sanders et son personnel efficace, encore merci, et surtout la foule de pélerins...

Je repars avec encore un temps froid et humide et je suis invité le soir chez le champion de France de pelote basque, encore une découverte ! Ce couple m’explique le pourquoi du rouge basque recouvrant les boiseries extérieures (à l’origine, ce rouge basque était du sang de boeuf appliqué sur le bois pour le protéger du pourrissement et des bébètes).

Le lendemain, nous arrivons à Saint-Jean en début d’après midi, belle petite ville sur la Nive, fortifiée par Vauban.

(Prochain épisode : l’Espagne !)

27/05/2010

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