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Yves Chauvin : "J’ai peur de l’après-demain"

  • JEM de Caen, jours heureux (©ER)
    JEM de Caen, jours heureux (©ER)
Le président de la société-mère des chevaux de sport traverse, à l’image de ce qui se passe dans le milieu de l’élevage, une grande phase d’inquiétude. L’élevage et la valorisation vont souffrir cette année. L’horizon aujourd’hui est bouché. De concert avec la SHF, l’IFCE, sous l’égide du ministère de l’Agriculture, est chargé de définir des règles de bonne conduite pour mettre en place, pendant la période de confinement, l’organisation d’épreuves d’élevage, sans public. Tentative de décloisonnement a minima en attendant des jours meilleurs. Sous réserve de l’acceptation par la tutelle. Eleveur et président de la SHF, Yves Chauvin exprime ici ses craintes pour le jour d’après.        

Etienne Robert : Tu as entendu le discours de notre président, tu en conclus quoi ?
Yvon Chauvin :
 Pour l’instant honnêtement je n’en conclus rien, on a une réunion téléphonique tous ensemble la semaine prochaine. On a fait plusieurs scénarios. Objectivement on navigue à vue. Je suis de plus en plus inquiet, voilà.

E.R. : C’est une année morte ?
Y.C. : Oui j’en ai bien peur, et puis j’ai peur de conséquences à mon avis terribles pour l’avenir... J’ai peur que pour les 3 ans ce soit difficile au niveau des ventes, j’ai peur que tout s’annule. Au début on s’est dit qu’on n’allait pas changer la date de la Grande Semaine. On a fait un sondage et on a eu une grande majorité de gens qui voulaient qu’on la décale. Aujourd’hui on est plutôt en train de se demander si la Grande Semaine pourra avoir lieu ou pas, est-ce que le circuit qualificatif pourra se faire ou pas... On se dit qu’il faut qu’on se mette aussi dans un autre scénario pour redémarrer en 2021...Que ces chevaux soient quand même sortis pendant la saison...On va peut-être imaginer des épreuves différentes, qui vont durer un peu plus longtemps, à partir du mois de septembre. Pour l’instant on est dans l’expectative. On est en contact avec beaucoup d’organisateurs, qui visiblement sont ouverts à toutes les propositions pour organiser et imaginer de nouveaux scénarios. 

Je ne parle plus de circuit qualificatif mais simplement de rassemblement. Une fois de plus, c’est vraiment très tôt. Il faut qu’on fasse en sorte que les chevaux qui ne sont pas sortis du tout puissent sortir un peu en fin d’année, à partir de septembre. On verra...

E.R. : Quid des ressources de la filière alors ? Le fonds Eperon...
Y.C. : 
Pour l’instant y’a pas de sous, et les courses surtout n’ont pas respecté le Fonds Eperon. Il y a un texte législatif qui définit bien le Fonds Eperon : l’Etat a fait passer par le biais des Sociétés de course l’argent du Fonds Eperon. Mais les courses ont mangé tout le Fonds Eperon comme ils avaient fait il y a trois ans, Alors pour l’instant on est en discussion avec le Ministère de l’Agriculture, voilà, c’est en cours. Objectivement le Galop a dépensé ce qu’il n’avait pas. On a eu une notification pour la somme qui nous était donnée, et puis quinze jours après lorsqu’on a demandé le paiement de l’acompte on nous a répondu que pour l’instant ils ne pouvaient pas payer. 

E.R. : Vous travaillez comment?
Y.C. : 
Pour l’instant on se réunit tous les quinze jours, on fait des discussions téléphoniques le lundi ou le mardi avec le comité exécutif de la SHF. On a travaillé sur les scénarios entretemps, et on discute tous ensemble selon l’évolution, on n’a pas tellement le choix.

E.R. : Quelles perspectives ?
Y.C. : 
Pour la Grande Semaine, on décidera la semaine prochaine. Mais honnêtement on est dans du pilotage à vue, comme tout le monde quoi...

La seule différence c’est que les autres disciplines peuvent se permettre éventuellement d’organiser une finale, comme l’endurance, quitte à ce que les critères de qualification soient différents parce que pour eux c’est vraiment essentiel : c’est là qu’ils vendent leurs chevaux. Alors est-ce qu’on change les dates ? On ajustera au fur et à mesure.

E.R. : Et l’élevage ?

Y.C. : L’élevage va prendre un grand coup derrière la tête. Et puis il faut reconnaître que globalement on est arrivé à un coût de prix de revient trop cher. Honnêtement on est un peu arrivés à une folie, au niveau des prix, ça devient insupportable. Et je ne parle même pas des prix de saillie où tu achètes à la paillette, et avec deux paillettes tu dois remplir ta jument. On marche sur la tête ! Si au moins il y avait un marché derrière… ce qui m’inquiète c’est le marché ! Parce qui si tu as des 3, 4, 5 et 6 ans qui ne se vendent pas, ça risque de faire chuter le marché de manière importante. Ce sera un marché mondialement touché, ce n’est pas propre à la France ça touche tout le monde ! J’ai peur de l’après-demain, voilà.

ER

14/04/2020

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