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Un ultime recours juridique contre les droits d’inscription à un stud-book

(en ligne le 03 juillet 2009) « N’être qu’un modeste et très récent éleveur de chevaux de sport n’empêche pas de réfléchir. Disposant par votre média d’une tribune ouverte et sans langue de bois, je désire exprimer ma plus profonde réserve vis-à-vis des orientations
de l’ANSF et expliquer mon combat.
Comme de nombreux éleveurs, j’ai été outré par le coup de force réalisé par les Associations Nationales de Race (ANR) qui ont obtenu du Ministère l’approbation à l’automne 2008 d’un nouveau règlement prévoyant un droit d’inscription au stud-book dès les naissances 2009.
En effet, dans un Etat de droit où la rétroactivité est strictement réglementée, il y a comme un problème.
Courant janvier, après l’approbation en douce d’un texte rendu public juste avant les Fêtes, la nouvelle commence à se répandre. Le programme d’élevage ANSF (pour lequel on a payé 100 €, et qui garantissait, jusqu’en 2008, ses bénéfices « à vie » pour la poulinière) était abandonné. Et si un éleveur ne payait pas, le produit serait CS, même si son père et sa mère sont SF. Pour faire bonne mesure, une lettre du président de l’ANSF accompagne les tarifs du SIRE. On y parle de démarche volontaire (mais a-t-on le choix ?), et de bénéfices liés à la marque SF. Ainsi, seuls les SF bénéficieront des encouragements (primes PACE) et des primes SHF.
Argument convaincant, mais fallacieux :
1. En 2009, selon le règlement en vigueur qui date de 2005 et n’a pas été modifié depuis (il est facile de s’y référer sur le site des HN), les primes PACE seront versées aux poulinières ayant produit un poulain inscriptible au SF. Inscriptible et non inscrit !
2. Concernant les épreuves SHF, les textes européens s’imposent aux lois françaises. La directive 90/428/CEE a posé le principe d’une non discrimination envers les équidés nés ou enregistrés dans un autre Etat membre que celui où a lieu la compétition mais a aussi prévu des dérogations. Ainsi il est permis de réserver jusqu’à 20 % des gains d’une compétition ou d’une catégorie de compétitions pour « la sauvegarde, la promotion et l’amélioration de l’élevage ». Nul ne sait si le fonds Eperon existera encore dans 4 ans. Quoiqu’il en soit, même si vous ne souscrivez pas à la démarche imposée, votre poulain sorti sans faute d’une épreuve SHF n’aura pas 2 ou 3 fois moins de gains qu’un SF qui réalise la même performance.
Bien entendu, nul n’ose imaginer qu’on ait pu sciemment mentir aux éleveurs. Quoiqu’il en soit, confrontée aux faits, la rhétorique présidentielle montre ses limites...
Et le coup de force ne s’arrête pas là. Les ANR sont bel et bien décidées à faire payer les éleveurs, à les pousser à inscrire leurs poulains dans le stud-book. Pour cela, la disparition du CS s’impose. En effet, si un éleveur récalcitrant peut se contenter d’un CS, il aura beaucoup plus de mal à valoriser un OC. Le 16 mai 2009, alors que la saison de monte touche à sa fin, le Ministère publie un nouvel arrêté, relatif cette fois aux appellations des équidés. On y apprend notamment la disparition du CS qui n’est plus répertorié. Disparition effective au 1er janvier 2010. Autrement dit, encore une mise en œuvre rétroactive, qui se distingue notamment des dispositions prises pour la création des OC. Arrêté alors publié en novembre 2001 pour les premières naissances concernées en janvier 2003. A l’époque, semble-t-il, les rédacteurs se montraient beaucoup plus respectueux des principes du droit.
Ce nouvel arrêté se distingue autant pour sa légalité douteuse que pour son incohérence patente. Prenons l’exemple du propriétaire d’une jument de race Selle Français, croisée en 2009 avec un étalon facteur de SF. Le produit à naître en 2010 sera inscriptible au stud-book SF. Mais quelle sera son appellation si l’éleveur conteste les orientations de l’ANSF et ne souhaite pas lui verser un droit d’inscription, présenté par ailleurs comme une démarche facultative ?
Faute de paiement il ne sera pas SF. Le CS n’existera plus. Mais le produit ne pourra pas non plus être OC, puisque l’arrêté stipule que :
« Art. 7. - Portent l’appellation « origine constatée » les produits nés en France, non inscriptibles à un stud-book, […] ».
Il y a donc de quoi s’interroger...
De même, peut-on regretter que la libéralisation, dont se prévalent les ANR pour réclamer ce droit d’inscription, s’oppose au monopole servi sur un plateau aux mêmes ANR par les services du SIRE. En effet, à partir du moment où il est inscriptible à un stud-book tenu en France, le poulain ne peut être enregistré ailleurs. C’est en tous cas la règle appliquée en 2009, en contradiction avec les textes européens qui, pourtant, s’imposent aux lois françaises.

Nombreux sont ceux qui, désabusés, baissent les bras, et on les comprend, face à la taille de l’adversaire, qui compte autant sur la division des éleveurs que sur leur méconnaissance des textes de loi et de leurs droits. Il n’est pourtant pas invincible. Pour preuve, le recours examiné actuellement au Conseil d’Etat. Tout citoyen dispose d’un délai de 2 mois pour contester un arrêté. Celui qui approuvait le nouveau règlement du stud-book SF a été publié en octobre 2008, mais le règlement n’a été mis en ligne que le 10 décembre, pendant le rush des Fêtes. Chronologie idéale pour éviter les contestations... Hélas, un éleveur a envoyé un recours à temps pour réclamer l’annulation de l’arrêté.
Il en est de même pour l’arrêté du 24 avril publié le 16 mai relatif aux appellations. Vous pouvez, en écrivant au Ministère, les faire prendre conscience du problème.
Une contestation isolée est écartée. Ce fut le traitement réservé à mon recours administratif.
Une contestation concertée aura, assurément, plus d’effet.
D’autant que la question de la rétroactivité est aujourd’hui sur la sellette : n’ayant pas obtenu de réponse satisfaisante du Ministère, je n’ai eu d’autre choix, une fois ma pouliche née et déclarée CS, que de me tourner vers le Conseil d’Etat pour faire valoir mes droits et ceux de tous les éleveurs. Action en deux temps : un référé suspensif pour un jugement immédiat qui tranche en cas d’urgence et une requête en annulation pour un examen sur le fond du dossier. Le 19 mai, je me suis rendu au Conseil d’Etat exposer l’affaire. Après s’être fait préciser la durée de gestation de la jument, le Président de la section du Contentieux a conclu l’audience en se déclarant « très embêté pour les éleveurs qui ont fait saillir leurs juments avant la publication de l’arrêté », balayant ainsi les arguments adverses selon lesquels la rétroactivité n’était pas constatée car les naissances étaient postérieures à la publication du nouveau règlement. Certes, comme on pouvait également s’y attendre, il a estimé que cette affaire de 50 € ne me portait pas atteinte de « manière assez grave et immédiate » pour justifier l’annulation par la procédure d’urgence. Toutefois l’autre procédure est en cours d’instruction et, en me basant sur la jurisprudence, je me permets d’espérer.
Vous aussi, vous avez la possibilité de peser sur les décision de l’administration et la contraindre à remplir ses missions, à savoir offrir aux usagers un cadre réglementaire cohérent et stable leur permettant d’opérer avec un minimum de sécurité. Pour cela, il suffit d’envoyer le courrier que vous trouverez ci-dessous en recommandé à la sous-direction du Cheval à Paris (ne pas oublier d’en garder une photocopie).
Les pièces justificatives citées peuvent être obtenues sur demande à « retroactivite_non@yahoo.fr ».
L’ensemble devra être parvenu à destination au plus tard le 16 juillet 2009.
A nous de jouer !
NOM
ADRESSE
VILLE
Sous-direction du développement rural et du cheval
Direction Générale des Politiques Agricole,
Agroalimentaire et des Territoires.
19 avenue du Maine
75732 PARIS Cedex 15

Courrier recommandé avec accusé de réception n° XXXXX
Le vendredi 3 juillet 2009,
Madame, Monsieur,
Je viens vers vous après la publication le 16 mai 2009 d’un arrêté du 24 avril 2009 relatif aux appellations des équidés. En effet cet arrêté suscite de nombreuses questions, notamment au sujet de sa légalité.

Dans la liste des appellations définies à partir du 1er janvier 2010, on peut constater la disparition du registre du cheval de selle (CS). Par conséquent un produit non inscriptible dans un stud-book naîtra OC (origines constatées), ce qui constitue une dépréciation de sa valeur, notamment par l’absence totale de gains dans les épreuves organisées par la SHF. Cette disparition est annoncée alors que la saison de monte 2009 est largement entamée. Seuls les éleveurs, équipés de l’internet et motivés par la lecture quotidienne du Journal Officiel, qui auront acheté leur saillie après le 16 mai 2009 seront réputés avoir eu connaissance de cette modification à temps pour en tenir compte. En effet vous ne pouvez ignorer, et au besoin un juge se le fera préciser, qu’une jument porte son poulain en moyenne 340 jours et que la saison de monte s’étend de mi février à mi juillet. Par conséquent, la plupart des poulains nés en 2010 auront été conçus avant la parution de cet arrêté, et les éleveurs seront fondés à introduire, en invoquant la rétroactivité, une requête pour annulation auprès du Conseil d’Etat.

A cet effet, l’examen des précédents textes régissant les appellations des équidés s’avère très instructif :
• L’arrêté du 24 avril 2009 remplace l’arrêté du 29 mai 2006. Ce dernier, bien que publié lui aussi en cours de saison de monte, ne créait pas de situation plus défavorable pour les éleveurs. Au contraire, il prévoyait, dès les naissances 2007, la possibilité de faire reconnaître, via un test ADN, les origines d’un poulain issu d’une saillie non préalablement déclarée au SIRE. L’éleveur a donc eu la possibilité d’obtenir un produit OC au lieu d’un produit ONC (origines non constatées), qui ne peut participer à aucune compétition officielle. La rétroactivité s’opérait ici au bénéfice des éleveurs. Cet arrêté remplaçait l’arrêté du 23 octobre 2001, abrogé.
• L’arrêté du 23 octobre 2001 créait l’appellation « origines constatées » utilisée, notamment, pour accueillir les croisements « intertypes » (cheval x poney, cheval de sang x cheval de trait,..). Ainsi le produit issu d’un croisement étalon SF x ponette, anciennement CS, devenait OC. Le point important à noter est que ce changement n’est pas intervenu dès les naissances 2002 mais au 1er janvier 2003 (article 16). A l’époque, le Ministère s’était montré très soucieux de ne pas publier un texte entraînant à titre rétroactif des modifications éventuellement préjudiciables aux éleveurs.

Par ailleurs, dans la mesure où l’article 1 de l’arrêté du 24 avril 2009 stipule que « l’appellation du produit à naître est déterminée par les dispositions du présent arrêté et par les règlements des stud-books. », on ne peut s’empêcher de faire le lien avec les modifications survenues à l’automne 2008 dans les règlements des stud-books Selle Français et Arabe, et du registre du Demi Sang Arabe.

Le Ministère a alors entériné, à titre rétroactif semble-t-il, l’instauration, dès les naissances 2009, d’un droit d’inscription au stud-book ou au registre, au profit des associations nationales de races (ANR) concernées. L’éleveur qui ne souhaite pas payer ce droit s’est retrouvé en 2009 avec un poulain relégué dans le registre CS même s’il remplissait, lors de sa conception, toutes les conditions permettant son inscription automatique dans un stud-book au titre de l’ascendance selon la réglementation en vigueur.

Que se passera-t-il lors des naissances 2010 ? L’éleveur qui ne souhaite pas payer ce droit d’inscription est fondé, en référence à la situation en vigueur en 2009 (qui n’a pas été modifiée préalablement à la saison de monte), à attendre un CS. Or l’arrêté du 24 avril 2009 supprime l’appellation CS.

Prenons l’exemple du propriétaire d’une jument de race Selle Français, croisée en 2009 avec un étalon facteur de SF. Le produit à naître en 2010 sera inscriptible au stud-book SF. Mais quelle sera son appellation si l’éleveur conteste les orientations de l’ANSF et ne souhaite pas lui verser un droit d’inscription, présenté par ailleurs comme une démarche volontaire ?

Si l’on se réfère à l’arrêté contesté dont l’article 7 est très clair, le produit ne pourra être OC, puisque:
« Art. 7. - Portent l’appellation « origine constatée » les produits nés en France, non inscriptibles à un stud-book, […] ». Un tel produit se retrouverait alors sans appellation, ce qui est en parfaite contradiction avec l’article 1 du même arrêté qui pose que « tout animal des espèces équine et asine reçoit une appellation donnée par l’établissement public Les Haras nationaux en fonction de la réglementation en vigueur ».

Faut-il comprendre que le Ministère se serait enfin mis en conformité avec la législation européenne qui s’impose à la loi française et prévoit la possibilité pour les éleveurs de choisir le stud-book où inscrire leurs produits, y compris dans un stud-book géré par une organisation ou une association située dans un autre Etat membre ?

J’espère, Madame, Monsieur, que vous comprendrez ma perplexité, partagée, je le sais, par de nombreux éleveurs. Le rôle de l’administration n’est-il pas de définir un cadre permettant aux usagers d’opérer en sécurité ? A cet égard, la multiplication de dispositions contradictoires (dont la légalité peut être mise en doute) est des plus regrettables.

Pour toutes les raisons énoncées plus haut, je vous demande, Madame, Monsieur la réécriture de l’arrêté du 24 avril 2009 afin d’apporter aux éleveurs, avant la saison de monte, toutes les informations réglementaires impactant le résultat de leurs accouplements, quelques 11 mois plus tard. En l’occurrence, il s’agirait d’éléments disponibles dès le début de la saison de monte 2010, sans conséquences avant les naissances 2011.

J’espère obtenir de vos services une réponse documentée, que je transmettrai à mon conseil juridique.

Dans cette attente, veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations respectueuses.
NOM
Signature

Hervé Chapuis

03/07/2009

Actualités régionales