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Tribune : « Un système à bout de souffle » par Ludovic Agogue *

Si le temps du confinement nous impose, voire nous propose des temps de réflexion, je me suis essayé à éviter la pente de la critique, pour emprunter le chemin escarpé de l’audace et du courage, en évitant de cibler des hommes et des institutions comme étant à l’origine d’une autre crise, celle que traverse, depuis de nombreuses années, le secteur de l’Elevage de chevaux de sport.

Une entreprise est-elle mortelle ? Oui... les dernières crises et celle que nous vivons nous en délivrent les preuves irréfutables. Nos institutions sont-elles immunisées ? Si elles le pensent, ce n’est pas bon signe Docteur. Regardons du côté de nos anciens partenaires des Haras Nationaux...

On a fait «péter» les HN : on s’est peut-être trompé d’ordre et d’étage lors de la modernisation libérale du secteur !

C’est durant ces crises qu’il faut oser, innover, changer de paradigme. 

Le système qui gère l’activité de l’Elevage et ses connexions sportives/commerciales est à bout de souffle, en coma artificiel.

Le PMU a engagé un plan drastique de rénovation, modernisation et de réduction des coûts, en mettant tout le monde sous le même toit ! C’est donc possible : il faut des hommes et des femmes et des idées éprouvées aux tests de l’efficacité et de l’utilité pour les acteurs de la filière.

Il est pour ma part inconcevable d’être fataliste et attendre qu’on agisse dans nos intérêts. Nous attendons trop, et trop souvent des autres.

Que veut, que cherche un éleveur ? 

Elever de manière rentable (en produisant les meilleurs chevaux de la catégorie visée), et pour cela il doit pouvoir agir de manière coordonnée sur :

a. les coûts de production : foin, paille, saillie, poulinières, suivi vétérinaire,

b. puis, les coûts de son stock : plus la rotation est rapide plus les coûts sont réduits. Sur ce point, chacun est libre d’orienter et fixer ses propres indicateurs et objectifs…et donc chacun doit en assumer la responsabilité. Le prix d’un bon cheval ne doit pas être fixé au niveau d’un très bon pour payer les coûts d’un ou plusieurs mauvais chevaux mal vendus (ou pire… pas vendus).

c. Et enfin le coût du réseau de distribution = le commerce et ses divers acteurs. Espace où interviennent le professionnel (cavalier, marchand, influenceur dans le monde du Digital), dans le cadre de la valorisation d’une production, et l’éleveur/propriétaire, réunis autour d’une équation « rentabilité », plus ou moins complexe selon l’enjeu : vendre un foal ; vendre un 3 ans, valoriser une année de 4 ans / 5ans / 6 ans n’a pas le même coût ni le même effet de levier en cas de vente : une vente rapide à un prix compétitif conforme au marché, à 4 ans, peut être plus rentable qu’une vente à 6 ans à un prix intégrant les coûts de revient d’exploitation en CSO par exemple) : sortez vos calculettes ! 

Il ne s’agit pas d’opposer les Hommes et de nier l’histoire, mais il faut se mettre en posture de disruption et capter les besoins des cavaliers (ceux qui au final, montent, achètent/font acheter loyalement les chevaux).

Il n’y a plus personne autour des paddocks en semaine au concours jeunes chevaux (à l’exception des terres historiques normandes, Manche et Calvados qui peuvent certainement continuer à opérer selon les schémas habituels sans trop de r-évolution, la loi du nombre aidant).

Les allées de la Grande Semaine se garnissent de vendeurs de gaufres, bijoux fantaisie ; on ne parle plus « étalons », on ne parle plus génétique… on ne se connaît plus, puisque personne ne vient voir les chevaux dans les élevages (les réseaux sociaux ont certainement fait gagner du temps aux professionnels, et tant mieux) : tout le monde cherche LA vidéo qui fera le buzz.

TOUT le monde tire la langue dans le secteur y compris les organisateurs. Le marché a besoin de volume pour en sortir une élite.

Ré-enchanter de manière réaliste le secteur de l’Elevage est possible, mais il faut des mesures rapides, percutantes, courageuses. L’élevage c’est un patchwork de territoires qu’il faut valoriser et sublimer, plutôt que de vouloir écrêter et gérer : il faut un plan de conquête !

Créer du flux et du volume pour les organisateurs, pour les marchands, pour les cavaliers, c’est améliorer l’offre. C’est également optimiser des coûts et optimiser des recettes, et donner une exposition de la qualité de la production des éleveurs à un plus grand nombre.

Jadis (… dans les années 90), les chevaux de 6 ans pouvaient courir les B2-B1 le week-end pour préparer la finale bellifontaine : sauf erreur de ma part des étalons comme Stew Boy, Caucalis l’ont fait à leur époque avec des cavaliers de renom.

Je fais un rêve en une mesure : la possibilité d’une intégration des épreuves jeunes chevaux dans le calendrier et périmètre de la FFE, permettant aux organisateurs de gonfler leurs recettes, et réduire les coûts pour les cavaliers et propriétaires/éleveurs pour les régions étant en déficit de clients/nombre de partants.

Ce sera donc à la FFE, organisateurs, chefs de pistes à adapter leurs cahiers des charges techniques et non aux cavaliers/éleveurs à le faire. J’entends certains opposer qu’une épreuve préparatoire n’est pas faite pour un jeune cheval : est-ce une mission impossible pour un chef de piste ? ! Qui a eu l’idée de remplacer les classes D-C-B-A répartissant l’expertise des cavaliers et le niveau de la cavalerie (indice 4-3-2-1) ? Est-ce compliqué de mixer toutes ces opportunités ? L’organisateur a-t-il à y gagner quelque chose ? Oui. Le cavalier ? Oui. Le propriétaire ? Oui. 

Demandez aux taxis parisiens pourquoi UBER a-t-il pu capter leur clientèle ? J’ose cette question qui paraît décalée et hors sujet, mais on est bien là face au vrai et seul sujet : quelle offre en terme de circuit  y a-t-il en France ? Quel niveau de qualité et quelles contreparties avons-nous lorsque nous inscrivons un jeune cheval de 4-5 ans le mardi avec 2 spectateurs ?

Re-communiquer que le rendez-vous du CIR est une finale en soi, où la SHF et les associations d’éleveurs auraient à se réapproprier la relation commerciale régionale : on vient d’inventer les play-off de l’Elevage.

A ce stade, si nous avons réussi à gorger, engorger les paddocks, saturer les parkings et buvettes, on aura réussi à donner confiance aux acteurs du marché, en créant du volume.

Alors seulement, on pourra écrémer et sélectionner pour la participation à une Grande Finale, dédiée aux 5, 6 et 7 ans, et pourquoi pas Etalons.

Ce qui sera bon pour les cavaliers, les pros, les éleveurs sera bon pour la SHF et FFE.

Le champion des 6 ans et des 7 ans 2020 auraient-ils été différents via un circuit hybride FFE ?

 

*Ludovic Agogue  Chef d’entreprise dans le secteur du Conseil 
Ayant travaillé dans des Groupes de la Distribution 
Eleveur - Propriétaire - Cavalier.

07/04/2020

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