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Portrait : Upsilon, mention crack

  • (© Guillaume Grégoire)
    (© Guillaume Grégoire)
Il est des chevaux qui marquent une compétition, et d’autres qui marquent leur génération. Upsilon est de ceux-là. Ce brillant étalon gris est né en terre gasconne, terre d’élevage qualitativement impressionnante. Ce crack n’aura manqué aucun rendez-vous, de sa naissance … à aujourd’hui. Il s’est toujours fait remarquer et garde les pieds sur terre quand il ne s’envole pas dans les étoiles lors d’un parcours d’hippique. Portrait d’un étalon rare, recherché, charismatique et incontournable.


Deux coups de cœurs...


L’histoire d’Upsilon débute avec sa grand-mère Garce d’Aulix AA (Quatar de Plape AA x Bouton d’Or AA). Patrick Sisqueille connaissait la souche de cette jument mais également les autres produits du même élevage qu’il a pu monter par le passé. C’est avec cette envie de poursuivre dans cette voie de l’Anglo-Arabe que les époux Sisqueille ont décidé la propriétaire de Garce d’Aulix, de leur céder la jument le temps d’une gestation « en croisant les doigts pour que ce soit une pouliche » confie Mapie Sisqueille. « Garce était un peu compliquée aux mises bas parce qu’elle rejetait ses poulains pendant vingt-quatre heures, donc pour le poulinage d’O’Vive (la fille de Garce), comme Patrick n’était pas présent, la propriétaire de Garce et moi-même avons dormi dans l’écurie pour veiller au poulinage et vérifier que tout se passe bien. » A la fin de cette veillée, c’est la délivrance, et le souhait d’avoir une pouliche se réalisa. O’Vive était née. Ce fut le premier signe du destin pour le couple qui avait décidé de confier Garce aux bons soins du très bon étalon anglo-arabe Fusain du Defey, fils de Phosph’Or AA et de la remarquable Jacinthe du Maury AA par Fol Avril AA. Mapie Sisqueille précise « Nous voulions conserver le poulain dans l’anglo-arabie, et de plus, nous sommes très attachés à la souche du Maury parce que Patrick a monté tous les chevaux de la souche du Maury. Renée Laure Koch, à l’origine de cette formidable souche, est quelqu’un dont nous sommes restés très proches. Fusain nous plaisait en tant que bon performeur et disposant génétiquement d’une bonne souche maternelle. »


O’Vive fut rapidement mise à la reproduction et fit son premier poulain à l’âge de 4 ans, une pouliche, puis gardée à l’élevage pour perpétuer la souche maternelle. En 2008, soit deux ans après son premier poulain, O’Vive fut croisée avec l’étalon holsteiner désormais propriété du Haras du Bois Margot, Canturo (Cantus x Calando I). Mapie Sisqueille se souvient de ce coup de cœur pour l’étalon, vu en direct en compétition « Nous étions allés au concours à Genève et le cheval nous avait beaucoup plu. Il avait une super galopade, beaucoup d’énergie et on a décidé de le mettre sur la jument. Le fait de voir les étalons en piste rend un sentiment différent que sur papier glacé. Ca a été un coup de cœur. » De retour à Jouetard, lorsque la belle grise fut disposée à préparer son troisième poulain, elle fut inséminée par le holsteiner qui avait provoqué chez le couple d’éleveurs une (O’)vive émotion. Une gestation plus tard, Upsilon naissait. Un souvenir qui reste impérissable pour ces gens qui connaissent beaucoup de succès en élevage, grâce à la bonne sélection de leurs souches maternelles. « Cette année là, Upsilon était le seul poulain de l’année à naître à Jouetard. Il était donc avec trois mères dans le pré et n’a pas été malheureux. Il a toujours été un cheval qui avait un charisme hors-norme, il bougeait de façon incroyable avec une présence terrible. C’était un seigneur, comme tous les produits d’O’Vive. »


Premières sorties...


Si le travail des chevaux à 2 ans n’est pas une habitude pour les éleveurs du Gers, qui préfèrent plutôt laisser leurs poulains grandir et évoluer à leur rythme, avec Upsilon ce fut différent. « Il était tellement beau qu’on a voulu le présenter pour les « 2 ans » à Pompadour et on l’a donc fait sauter. Il sautait très fort avec un respect démesuré et ne finissait pas vraiment ses sauts. Nous avons fait agréer Canturo facteur d’Anglo Arabe, afin qu’Upsilon soit Anglo Arabe de croisement. A Pompadour, il est champion suprême des 2 ans. Le cheval avait fait le show et commençait à faire parler de lui. ».


Un an plus tard, la jeune vedette de Pompadour monte en Normandie à Saint-Lô pour être présenté à l’approbation étalon Selle Français. Upsilon termine 10e avec l’approbation étalon. A la suite de ces premières sortie prometteuses, Mapie et Patrick ont décidé de parler d’Upsilon à Thomas Carlile (à l’époque installé également en sud-ouest, ndlr) qui leur avait déjà acheté Ténarèze.


Une nouvelle aventure


Dès ses premières sorties, Upsilon se fait remarquer et ce sera la même chose sous la selle lors de ses premiers parcours de jeune cheval. Il tape dans l’œil de Gérard Brescon, personnage discret mais connaisseur, dès l’année de ses 4 ans. Gérard nous relate les débuts : « J’ai acheté Upsilon à la fin de ses 4 ans. C’est un cheval qui ne laisse pas indifférent de par sa locomotion, son charisme et son coup de saut. J’ai investi pour aider Tom à garder ce cheval-là. On était tous convaincus que ce cheval était prometteur ».


Thomas Carlile, qui découvrait le cheval, et Patrick Sisqueille qui l’avait préparé progressivement, sont unanimes sur les sensations sous la selle : « C’est un cheval qui a beaucoup d’équilibre, très sensible aussi, très léger à monter. Sous la selle on dirait que tout lui est facile », confie Patrick Sisqueille. « Déjà très jeune, il était impressionnant par l’énergie, la puissance qu’il dégageait et surtout sa sensibilité. C’était un cheval très intelligent, avec du caractère et de la personnalité. Déjà à 4 ans, il débordait d’énergie, de locomotion, et il avait une technique et une mécanique de saut parfaite. Il était inouï de talent, un vrai génie. » Que de superlatifs!


Un diamant brut


Comme tous les surdoués, Upsilon disposait de beaucoup de qualités qui normalement s’acquièrent ou se développent avec le temps. Le respect n’a pas besoin d’être inculqué à cet étalon qui est littéralement allergique à tous les obstacles qu’il doit sauter. En plus de cela, la bascule avec la montée de garrot, le geste de devant bien rangé, la trajectoire et le passage de dos, tout est parfait chez lui. Thomas s’est alors concentré sur ses points un peu moins forts, car on ne peut pas parler de point faible, le travail sur le plat, essentiel lors des trois tests du complet : « J’ai cherché à le préparer gentiment mais sans le mettre en danger. Je l’ai un peu fait évoluer sur le plat mais je n’ai pas l’impression d’avoir eu trop de mal à lui expliquer. On peut voir sa capacité à apprendre rapidement et bien à la manière dont il a évolué en dressage : aujourd’hui il enchaîne les appuyés aux trois allures sans caler. On a juste à lui montrer les choses, à lui faire découvrir, et il comprend tout seul. Il est très intelligent et par conséquent il progresse vite et en confiance. » Toujours d’une modestie exemplaire, Thomas Carlile, qui a pourtant déjà formé tant de bons chevaux : « Le mérite revient surtout aux éleveurs d’avoir trouvé le croisement et de l’avoir élevé jusqu’à ce qu’il arrive sous la selle. De plus, ses propriétaires actuels m’ont donné carte blanche et ont refusé plein d’offres. ». C’est avec une équipe soudée (La Tom Team) et ayant les mêmes objectifs de progression vers le haut niveau, toujours dans le respect du cheval, qu’Upsilon grandit, pas à pas, vers le plus haut niveau mondial du complet dans le sport, mais pas uniquement ...


Double vie...


Comme peu d’étalons athlètes de haut niveau, Upsilon a une double carrière d’étalon performer, mais également de reproducteur, ce qui ne gâche en rien la qualité du cheval et ses performances en compétition. « Démarrer cette double carrière d’étalon performer et reproducteur est quelque chose qui s’est fait assez naturellement. Ça nous semblait évident et le cheval est resté très bien dans sa tête. » Un étalon serein, appliqué au travail à la maison, compétitif en concours et studieux lors de la saison de monte, c’est ce qui semble être le bon équilibre physique et psychique pour Upsilon. « J’ai toujours mis en priorité sa carrière sportive. Lorsque j’allais avoir à empiéter sur le sport j’ai mis de côté sa carrière d’étalon. Un étalon qui a cette double carrière se doit d’être irréprochable et n’a pas le droit de mal se montrer. Je fais vraiment la part des choses. » A chaque automne depuis un peu plus de trois ans, Upsilon quitte les écuries de son cavalier pour se rendre chez Thierry Fruchet à l’élevage du Figuier afin d’y être prélevé pour être disponible en semence congelée toute l’année pendant qu’il est en compétition. « L’année de 8 ans est charnière sur sa construction pour le haut niveau, et je me suis permis de le laisser moins longtemps au repos cet hiver. Je ne mélange pas les deux. Quand il revient de la monte il est souvent beaucoup plus sage et très content de reprendre le travail. »


Bien que jeune comme étalon, Upsilon compte déjà une petite production de chevaux chez les propriétaires et éleveurs qui lui ont fait confiance. Gérard Brescon, copropriétaire du cheval, lui a déjà confié ses trois plus jeunes juments, dont la mère de Sirocco du Gers, et compte aujourd’hui quatre produits d’Upsilon : « J’ai trois poulains d’Upsilon à naître pour 2016 et quatre autres produits : deux jeunes chevaux de deux ans, et deux autres âgés d’un an. Je constate que ce sont des produits qui ont de la taille, du sang, qui se déplacent super bien, et je pense que ça va faire de bons chevaux. » Seul l’avenir le dira mais le point commun semble véritablement la qualité du modèle qu’Upsilon transmet à ses produits, comme le confirme Patrick Sisqueille : « Nos premiers produits d’Upsilon ont 2 ans et ce sont deux mâles. Ce sont des poulains qui ont de l’os, qui sont assez sérieux dans le modèle, avec une bonne locomotion, et ils semblent avoir un mental assez stable. »


Salon des Étalons de Saint-Lô 2016


Présent pour la première fois il y a deux ans au Salon des étalons de Saint-Lô, Upsilon avait beaucoup séduit les nombreux éleveurs présents sur place. Il est revenu cette année en 2016, plus en forme que jamais. « Cette année le cheval a beaucoup évolué. Il a des atouts pour séduire encore plus la jumenterie normande. C’est un cheval qui a un mental formidable. Il est très serein et très explosif sur les barres. Il a remporté le match des étalons et j’ai simplement laissé parler sa classe. C’est un peu un panneau publicitaire à lui tout seul. Ça confirme le fait qu’il est un sauteur hors pair pour sauter au plus haut niveau en Jumping. Dans sa technique il peut sauter vite, avec une bonne trajectoire. Je pense que s’il avait été chez un cavalier de Jumping, il serait au plus haut niveau. » Cela n’a pas échappé à de grands éleveurs normands qui lui ont confié des juments à l’instar des Chenu, Brohier ou Paris. S’il a d’abord sailli la jumenterie de complet, les éleveurs de CSO commencent maintenant à s’y intéresser.


Promis à un avenir radieux


Upsilon n’a rien manqué de sa naissance à aujourd’hui : approuvé étalon AACR et SF, il a ensuite été champion de France de complet à 4, 5 et 6 ans, puis vice-champion de France et vice-champion du monde à 7 ans. A l’âge de 8 ans, le cheval intègre le groupe JO/JEM et prouve au staff fédéral qu’ils ont fait le bon choix. Il s’impose tout d’abord dans le Grand National de Saumur, puis se classe 4e du CIC3* de Belton en Angleterre où il aura déroulé une superbe reprise, effectué un parcours à 4 points dans l’hippique avant de boucler un cross parfait dans les temps. Son entourage voit son avenir de classements et de victoires au plus haut niveau dans la discipline. « Je crois qu’il va confirmer ce qu’il a fait jusqu’à présent. Il a tout ce qu’il faut pour gagner les épreuve de niveau 3*. Et pas se classer, les gagner ! Je pense qu’on va le voir sur les podiums des 3* cette année quand on voit les moyens qu’il a, parce qu’il n’est pas à l’effort. Il a un super coup de saut, il se balade en CSO, sur le cross il a une grande galopade couplée à son formidable coup de saut, et en dressage il a une super locomotion, et du charisme. « S’il poursuit sur cette lancée, je le vois comme un pilier de l’équipe de France dans le futur. » confie Gérard Brescon.


Son cavalier ne tarit pas non plus d’éloges sur son crack : « Son avenir a tout pour être assez magnifique. Le seul truc qui peut le freiner c’est le cavalier qu’il a sur le dos. Il est tellement bon et tellement juste que si jamais il y a une erreur, c’est une erreur d’équitation. Les seules fois où il n’a pas gagné c’est une erreur de ma part. Il a toutes les qualités pour réaliser les choses qu’on peut imaginer. »


Upsilon, mention crack.


21/04/2016

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