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Portrait : Elise Megret - Haras de Clarbec

Quand avez-vous commencé à vous intéresser aux étalons et pourquoi ? « D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été entourée de chevaux. Ma mère est montée en compétition jusqu’au niveau 1,55m. Mon père, qui est lui aussi passionné de chevaux, avait arrêté la compétition pour se consacrer à son activité professionnelle. Mes parents s’intéressaient plutôt au sport, mais de mon côté je me suis rapidement passionnée pour l’élevage et cette passion s’est ancrée quand j’ai eu une dizaine d’années. Nos chevaux étaient à l’époque basés en région parisienne et il n’était pas question d’élever, mais les choses ont changé lorsque mes parents ont fait l’acquisition du Haras de Clarbec en 1998. Nous avons débuté l’élevage avec une poulinière qui était une ancienne très bonne jument de concours de ma mère puis l’élevage s’est développé au fur et à mesure des années.Ma mère a stoppé la compétition et nous avons acheté des chevaux que nous faisions exploiter par des cavaliers professionnels. Parmi ces chevaux il y avait des étalons performers approuvés et nous avons décidé de développer l’activité d’étalonnage en parallèle de l’élevage et de la compétition ».

Comment avez-vous développé cette activité et où en êtes-vous aujourd’hui ?
« Nous avons débuté l’étalonnage avec des étalons performers qui nous appartenaient et étaient proposés uniquement en semence congelée. Ils étaient prélevés en hiver et se consacraient à leur carrière sportive durant la saison.
L’arrivée de Vagabond de la Pomme a clairement été un accélérateur pour cette activité. Le cheval était déjà très demandé quand nous l’avons acheté. Il a signé beaucoup de très belles performances et sa 2e place lors de la finale de la Coupe du Monde de Las Vegas a poussé encore plus d’éleveurs à s’intéresser à lui. Il nous a permis de nous développer à l’international et indirectement, de débuter notre activité d’agent. Caroline Smolders, la sœur d’Harrie, nous a demandé il y a quelques années de distribuer Vagabond en Belgique et aux Pays-Bas et, au fur et à mesure de la conversation, nous avons parlé d’Emerald Van’t Ruytershof qui figurait à son catalogue. De fil en aiguille, nous avons commencé à distribuer le cheval en France. Ses produits étaient encore jeunes mais déjà prometteurs et à l’époque il avait couru peu de Grands Prix CSI5*. L’année suivante, il a terminé 2e de la finale Coupe du Monde de Göteborg et la qualité de ses produits s’est confirmée.
Certains de nos étalons performers ont ensuite pris leur retraite sportive et nous avons commencé à les distribuer en semence fraîche. Topinambour a été le premier et nous en proposons aujourd’hui six en semence fraîche : Vagabond et Chacco Rouge qui sont stationnés au Haras de Clarbec, Casallo Z dont nous partageons la propriété avec France Etalons et qui est au Haras de Saint-Lô et enfin Topinambour, Urano de Cartigny et Armani Van Overis Z, tous trois stationnés au Haras du Géry. Nous travaillons avec le Géry depuis plusieurs années. C’est une famille qui est amoureuse des chevaux et très soucieuse de leur bien-être, ce qui est capital pour nous ».
(NDLR Notre prochaine chronique sera consacrée à la famille Gauffreteau qui dirige le haras du Géry)
« Aujourd’hui nous distribuons vingt-cinq étalons. »

Parlez-nous de l’évolution du commerce de la semence
« Les évolutions du commerce de semence sont en partie liées à des évolutions techniques. En ce qui concerne les étalons qui nous appartiennent, nous essayons de donner un nombre de paillettes suffisant aux éleveurs mais pour les chevaux stationnés à l’étranger, ce n’est pas la norme. En Belgique par exemple, où le suivi des juments est extrêmement rapproché, la norme est devenue la vente à la paillette ou du moins d’un nombre de paillettes très limité.
Le développement de l’ICSI permet aussi d’utiliser très peu de paillettes. Je ne suis pas une adepte de cette méthode, notamment parce que c’est extrêmement invasif pour les juments.
Les éleveurs restent tout de même encore très friands de la semence fraîche qui occupe une place très importante sur le marché.
Je trouve que nous sommes vraiment sur des phénomènes de mode. Un étalon peut saillir 500-600 juments par an pendant deux ans et ensuite tomber à 30 juments par an parce qu’un nouvel étalon « à la mode » est arrivé sur le marché. Le marketing a pris beaucoup d’importance et je trouve qu’il faut faire un peu attention à ça. Il faut quand même que les éleveurs arrivent à bien faire le tri, il faut aller un peu plus loin que le papier glacé.
En France il est difficile de faire travailler un jeune étalon mais je ne crois pas que ce soit nouveau. Je trouve un peu dommage qu’un tout petit nombre d’étalons fasse 80% des saillies, c’est trop et ce n’est pas bon en terme de diversité génétique. Je regrette un peu ça, je pense qu’il faudrait se diversifier pour éviter de faire les mêmes erreurs que d’autres studbooks où l’on tourne un peu en rond. Il faut vraiment faire très attention à conserver la diversité génétique ».
 
Culture  
La connaissance des origines : un long périple dans l’histoire des familles de la voie mâle ?
« Les étalons sont évidemment fondamentaux. Il sont souvent beaucoup plus connus que les juments, ne serait-ce que parce qu’ils ont des centaines voire parfois des milliers de descendants là où une jument en aura au maximum une vingtaine. Certaines lignées mâles se poursuivent avec le temps alors que d’autres s’éteignent faute d’avoir donné des étalons produisant suffisamment bien pour avoir des fils étalons. C’est également très intéressant de voir quels sont les croisements qui fonctionnent, les lignées mâles qui produisent bien quand elles sont combinées. Je suis passionnée de génétique depuis mes 10 ans et je me suis documentée en lisant beaucoup de livres, en allant sur Internet et bien évidemment en discutant avec les éleveurs. Pour bien connaître les origines je crois qu’il faut vraiment être curieux et cela est un plaisir permanent d’apprendre et de trouver de nouvelles informations ».  

Est-ce suffisant (la connaissance de la voie mâle) ou faut-il s’intéresser aussi aux lignées maternelles ?
« Les lignées maternelles sont à mon sens absolument primordiales. Je regrette d’ailleurs que le nom des juments ne figure quasiment jamais dans les listes de partants des concours internationaux. Si le meilleur étalon du monde est croisé avec une jument qui n’a ni modèle, ni performances, ni souche maternelle, les chances d’obtenir un bon cheval de concours sont assez faibles. Il y a toujours des exceptions mais cela reste rare. En tant qu’éleveur, je fais extrêmement attention aux lignées maternelles. A Clarbec, nous avons vraiment essayé de sélectionner des juments issues de très bonnes lignées. Je pense que nous augmentons vraiment nos chances d’obtenir des bons chevaux de manière régulière même si, encore une fois, il y a des exceptions. Il y a des lignées montantes, dont certaines étaient inexistantes il y a 20 ou 30 ans et qui aujourd’hui font partie des très bonnes lignées. A mon sens c’est dans ces lignées qu’il faut investir, plutôt que dans des lignées qui étaient très bonnes mais qui sont aujourd’hui descendantes. Il faut aussi essayer de trouver les bonnes branches dans chaque lignée maternelle, car certaines sont évidemment meilleures que d’autres, c’est quelque chose de primordial.
Pour un étalon, il est clair que si la lignée maternelle est bonne c’est un vrai plus. Si je prends l’exemple de Vagabond de la Pomme, c’est un cheval qui est issu de la souche de Qerly Chin, qui est une des meilleures, voire la meilleure lignée maternelle au monde avec un nombre conséquent de chevaux performants au plus haut niveau mondial. Le cheval n’est pas là par hasard et il ne produit pas de bons chevaux par hasard non plus. On voit parfois dans les concours de haut niveau des chevaux qui sont issus de souches un peu plus modestes mais la plupart du temps les très bons chevaux proviennent de lignées intéressantes ».
 
Si vous remettez votre casquette d’étalonnier, lorsque vous détectez les nouveaux sires : intuition ou méthode ou les deux ?
« Les deux notions sont importantes. Quand un étalon m’intéresse, j’effectue bien sûr des recherches sur la lignée maternelle, sur les performances et la production d’un étalon quand il y en a une. Mais en premier lieu il faut avoir un coup de cœur pour le cheval, il faut que quelque chose se passe. Le cheval doit me donner une « émotion » et il doit présenter des qualités fortes, de gros points forts. Cela ne doit pas être un cheval qu’on aime bien mais qui est « moyen » partout, il faut vraiment un cheval qui a des qualités fortes de puissance, de technique, de respect, de sang, de galop, d’amplitude, etc. Cela peut être un ensemble de paramètres mais il faut qu’il ait certaines qualités de manière presque excessive pour pouvoir les transmettre. Quand on choisit de nouveaux étalons, il faut que ce soient des chevaux qu’en tant qu’éleveur nous avons envie d’utiliser. Si ce n’est pas le cas, je pense qu’il ne faut pas les rentrer dans le catalogue. Il faut croire dans l’étalon qu’on distribue, sinon cela me paraît compliqué de le vendre à des éleveurs. Il faut être persuadé qu’on a un étalon qui va apporter quelque chose à l’élevage. L’élevage est aussi une question de croisement, il ne faut pas essayer de vendre à tout prix une saillie de tel ou tel cheval mais plutôt essayer d’orienter les éleveurs en fonction de la jument avec laquelle ils veulent croiser un étalon. La notion de croisement est vraiment importante ».  
 
Qu’est-ce qui fait qu’un étalon est ou n’est pas à la mode ?
« Plusieurs paramètres doivent être pris en compte. Un étalon performer peut devenir à la mode suite à une performance dans une épreuve majeure qui va le mettre en lumière. S’il est médaillé dans un grand championnat comme les Jeux Olympiques ou qu’il gagne le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle par exemple, il y a de grandes chances pour que cela suscite l’intérêt des éleveurs. Même s’il n’a aucune production en âge de concourir ou qu’on a encore vu que peu de descendants de l’étalon en compétition, il va y avoir un vrai coup de boost sur le nombre de saillies vendues. On ne sait pas encore si la production sera à la hauteur mais cela donne une chance supplémentaire à l’étalon de prouver sa valeur. Les performances en compétition valent également pour les étalons confirmés dont la production réalise de grands résultats. Il est clair que cela a un impact sur les saillies. La chaîne de télévision Equidia donnait un vrai coup de pouce aux étalons performers qui participaient aux plus beaux concours. Aujourd’hui, même si tout le monde n’y a pas forcément accès, les streamings disponibles sur Internet ont pris le relais.
Certains événements sont incontournables et bien s’y présenter attire l’œil des éleveurs. Je pense notamment au Salon des Etalons de Saint-Lô. De nombreux éleveurs venus de toute la France sont présents. Si un jeune cheval saute bien lors du Master ou si un cheval plus âgé fait sensation à l’occasion de sa présentation, il est repéré par beaucoup de monde et a de grandes chances de beaucoup saillir durant l’année.
Le timing d’une performance est lui aussi important. Si un cheval gagne un beau Grand Prix en tout début de saison de monte, cela a un impact plus fort car les éleveurs sont en train de réfléchir à leurs croisements alors qu’une performance qui arrive en août risque d’être un peu oubliée en début d’année suivante et les éleveurs passeront éventuellement à autre chose.
Les réseaux sociaux ont un impact de plus en plus important sur les phénomènes de mode. Un jeune étalon peut devenir à la mode parce qu’une vidéo où il saute à la maison de manière spectaculaire circule sans parfois qu’il ait fait le moindre parcours dans sa vie. Je trouve que c’est un peu dommage parce que bien évidemment à la maison on peut dans l’absolu refaire la séquence plusieurs fois avant d’avoir ce qu’on veut et ça ne présage pas forcément de la qualité du cheval. A force de voir tourner la même vidéo d’un cheval du matin au soir sur les réseaux, les gens commencent à en parler et tout le monde finit par se persuader que le cheval est un bon étalon, à tort ou à raison. Si le cheval saillit beaucoup, il augmente ses chances de bien produire et de continuer à être beaucoup utilisé par les éleveurs dans le futur.
Enfin, les ventes aux enchères se sont énormément développées ces dernières années, notamment les ventes en ligne qui ont explosé. Il est clair que les poulains qui font les top prices de ces ventes mettent en avant leurs pères qui se trouvent propulsés sur le devant de la scène ».
 
La collection 2023 est en route. Quoi de nouveau chez vous ?
« Tout d’abord, nous avons réintégré au catalogue Luigi d’Eclipse (Catoki x Calato), qui s’était consacré à sa carrière sportive et pour lequel nous avions peu de semence disponible. Sa grand-mère a été sacrée Championne de Belgique et le cheval a lui même performé dans de belles épreuves 5* avec Marlon Zanotelli. Ses premiers produits ont beaucoup de chic, une belle technique de saut et semblent très prometteurs.Nous avons également cinq nouveaux étalons, deux grands performers et trois jeunes étalons. Nous sommes ravis de distribuer cette année le champion olympique Big Star (Quick Star x Nimmerdor), qui est proposé en semence réfrigérée et est une recrue forte. Ses premiers produits sont encore assez jeunes mais sur le circuit SHF ils ont eu de très bons résultats l’an dernier, nous attendons la suite avec impatience. Nous avons aussi rentré Uricas VD Kattevennen (Uriko x Cassini I). Il évolue sous la selle d’Harrie Smolders et a vraiment explosé l’année dernière au plus haut niveau. Il était notamment 3e du Grand Prix CSI5* de Bruxelles. Nous l’avions repéré au CSIO de La Baule et nous avons vraiment eu un coup de cœur pour lui. Nous l’avions d’ailleurs utilisé dès l’an dernier et nous attendons un poulain pour 2023. Sa grand-mère Chika’s Way s’est classée en Grands Prix 5* et il a vraiment une génétique très intéressante. Nous avons recruté trois jeunes étalons. Tout d’abord Coldplay des Rosiers Z (Cornet Obolensky x Cardento), qui appartient à son naisseur, l’ancien propriétaire de Cashpaid J&F dont nous distribuons la semence en France depuis plusieurs années. Nous suivions le cheval depuis quelque temps. Il nous a tapé dans l’œil toute la saison et il a fait sensation lors des championnats du monde des jeunes chevaux de Lanaken. Je crois que c’est vraiment un cheval d’avenir, c’est vraiment notre philosophie de rentrer de jeunes chevaux à fort potentiel. Du même propriétaire nous avons aussi accueilli H’Aubigny de Talma (Ogrion des Champs x Kashmir Van Schuttershof) qui est issu de la même souche maternelle que Vagabond. Il a lui aussi fait les championnats du Monde de Lanaken l’an dernier. C’est aussi un cheval d’avenir, qui a des moyens et une super technique de saut. Enfin nous avons rentré Herald d’Emeraude (Emerald et Tapass x L’Arc de Triomphe), qui est aussi un cheval que nous suivions depuis longtemps. Tout d’abord parce qu’étant distributeurs de la semence d’Emerald nous scrutons particulièrement ses poulains mais aussi parce que le cheval a quelque chose en plus. C’est un très beau cheval qui était Champion des Foals avant d‘être approuvé à 3 ans. Il a été vraiment économisé mais il a fait sensation à chacune de ses sorties. Nous espérons que ce cheval fasse aussi du grand sport dans le futur, il a en tout cas les atouts nécessaires pour y arriver. Chacun de ces étalons a de vraies qualités à apporter aux juments ».  

ER avec FP

17/02/2023

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