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Michel Guiot souhaite une SHF « réformée » et « plus moderne »

En janvier 2021, Michel Guiot était élu par le Conseil d’administration de la Société Hippique Française (SHF) pour finir le mandat de président entamé par Yves Chauvin, démissionnaire. Le 7 avril dernier, il tenait donc à Paris sa première assemblée générale en tant que président. Avec, probablement, l’AG élective de 2023 en ligne de mire. Entretien, en forme de bilan d’étape.

Vétérinaire équin, fondateur du bien connu Haras de Talma dans les Ardennes, Michel Guiot s’est impliqué de longue date dans les organismes d’élevage français. Ses fonctions de président de l’association d’éleveurs de sa région, l’ARDCP, d’administrateur à Cheval Grand Est et au Stud-book Selle Français, de co-gérant fondateur de France Etalons, de président de la commission élevage et de vice-président de la SHF, lui ont apporté une connaissance approfondie des rouages de la filière.

Quels sont les principaux points que l’on doit retenir, parmi ceux évoqués lors de votre première AG en tant que président de la SHF ?
« Ma première année à la présidence de la SHF, en 2021, a été particulière puisque nous avons eu droit au COVID et à la crise de la rhinopneumonie, qui nous ont obligés à prendre une décision importante, celle d’arrêter les compétitions, de concert avec la FFE. Ce n’est pas facile de commencer avec des épreuves comme celles-là, mais, malgré tout, ma première année m’a permis de découvrir toute l’étendue et la richesse de la production française, avec les nombreux OS
(« organismes de sélection », autrement dits les « stud-books », ndlr) et les sept disciplines de la SHF, dont certaines que je connaissais moins bien que d’autres et qui contribuent pourtant toutes à la richesse de l’élevage français. »

Cette première année a donc été une sorte de round d’observation ?
« Oui, d’une certaine façon, même si nous avons aussi déjà engagé pas mal d’actions. En tout cas, ça m’a donné beaucoup de motivation pour donner des bases durables à une SHF plus moderne et à la disposition de l’ensemble de tous ses acteurs, parce que ce n’était pas vraiment le cas dernièrement. La SHF est devenue maison-mère en 2011 et elle n’a pas forcément joué son rôle. Elle a été très axée sur le CSO et le concours complet, et tous les petits OS autres que le Selle Français n’ont pas forcément eu la place qu’ils méritaient - je pense notamment à la FPPCF (Fédération des poneys et petits chevaux de France, ndlr) et à tous les OS qui la composent. On n’en tenait pas compte. Et aujourd’hui, on le voit bien, ils sont beaucoup plus à l’aise et ils se sentent moins en danger parce qu’ils ont l’impression d’être pris en compte dans toutes nos décisions.
Dernièrement, nous avons eu l’obligation de rendre la SHF conforme au règlement zootechnique de l’Union européenne, le « RZUE ». Il a fallu faire ce travail avec le Ministère de l’Agriculture pour qu’on puisse valider notre nouveau rôle « d’organisme de contrôle de performances ». Et fait, ce sont les OS qui sont vraiment chargés de la sélection, qui sont au centre du dispositif. Nous, nous serons à leur service, avec un dispositif qui sera mis en conformité et prêt pour démarrer au 1er janvier 2023. Notre rôle sera de les aider pour organiser leur valorisation, les aider à la commercialisation, la détection des performances et la publication des indices des 4, 5 et 6 ans. Ce qui est vraiment important, c’est que ce RZUE, qui existe pour tous les animaux de rente, que ce soit les bovins, les ovins, etc., renforce l’ancrage agricole de l’élevage équin. Encore aujourd’hui, dans les faits, l’élevage équin est un peu le paria de la production animale, et la SHF a vraiment un rôle à jouer avec les OS pour renforcer cet ancrage agricole. Ainsi, c’est la première fois qu’on a pu être admis, avec toute la filière (les courses, la FFE, l’IFCE, la Fédération des Conseils de chevaux…), autour de la table au Ministère de l’Agriculture pour participer aux discussions de la nouvelle PAC 2023-2027 et de la place du cheval dans la politique agricole commune. »

Le recentrage de la SHF sur ses missions historiques et son nouveau rôle de contrôle de performances étaient effectivement le premier point évoqué dans votre profession de foi, avant votre élection. Est-ce pour vous l’axe essentiel ?
« Dans ma profession de foi, j’évoquais aussi la professionnalisation de la filière, et le problème du maillage territorial et donc des régions plus pauvres en concours que d’autres, où les éleveurs sont souvent obligés de faire plus de 200 km pour qualifier ou valoriser leurs jeunes chevaux, ce qui leur coûte une fortune. Les organisateurs de concours ont besoin de nous pour les aider à donner la même chance à tout le monde, à mobiliser des fonds régionaux, en passant par les conseils des chevaux. A la SHF, telle qu’elle était dirigée auparavant, tout partait d’en haut, vers la base. Moi je pense que tout doit partir de la base, vers le haut. La SHF ne peut pas supplanter les conseils des chevaux. Mais elle doit s’appuyer dessus et travailler avec eux. Dans un premier temps, la SHF va sans doute mettre la main au portefeuille, mais, avec les conseils des chevaux, la SHF est en train d’embaucher une personne dont ce sera la mission d’aller dans les régions administratives actionner des leviers et voir comment elles peuvent aider un peu plus, financièrement, l’organisation des concours. »

Est-ce aussi à cause de cette problématique du maillage que vous parliez dans votre profession de foi d’un « rapprochement avec le sport et son organisme, la FFE » ? Ou y avait-il une autre idée derrière ça ?
« C’est essentiellement pour le maillage territorial, pour mutualiser des services. C’est dommage qu’aujourd’hui un cavalier qui est dans le sud et qui part faire des épreuves fédérales avec un camion de six chevaux et a encore deux places pour un 5 ans et un 6 ans, ne puisse pas les prendre pour les qualifier. Nous sommes donc en discussion avec la FFE afin de donner la possibilité à des organisateurs d’épreuves fédérales d’accueillir en même temps des épreuves de 4, 5 et 6 ans (qui resteront la prérogative de la SHF). De la même façon, quand on organise des épreuves de jeunes chevaux en semaine, beaucoup de cavaliers nous demandent des épreuves de 7 ans ; eh bien, on ouvrira des épreuves fédérales de ce type. »

A quelle échéance envisagez-vous cela ?
« Les épreuves de 6 ans le week-end, on a l’intention de commencer ça à partir de la fin mai. Quant à ouvrir des épreuves fédérales de 7 ans en semaine avec les épreuves SHF, on avait déjà commencé l’an dernier à la sortie du Covid pour les aider à se remettre à niveau. Je pense que cette mutualisation de nos concours rendra service aux éleveurs et aux cavaliers, mais aussi aux organisateurs, leurs concours étant de ce fait plus rentables. C’est un gros travail : on est en train, d’une part, de regarder les équivalences que l’on peut trouver dans les épreuves fédérales avec nos épreuves SHF, et d’autre part d’essayer aussi d’assouplir nos propres règles, le tout pour pouvoir ouvrir dès cette année des épreuves SHF au sein des concours FFE sans que ce soit trop compliqué pour les chefs de piste et les organisateurs. »

Dans votre profession de foi, vous aviez également promis le « renouveau » et la « réforme profonde et progressive » de la SHF. Qu’est-ce qui a déjà changé ou va changer pour l’adhérent lambda ?
« Déjà, les synergies avec la Fédération ainsi que le développement du maillage territorial vont changer beaucoup de choses pour les éleveurs et les cavaliers. Par ailleurs, pour ce qui concerne les enveloppes destinées à l’élevage (c’est-à-dire des foals aux 3 ans), tout était fléché essentiellement sur le Selle Français, le Poney Français de Selle, un petit peu les Anglos, tandis que beaucoup de petites races de poneys étaient complètement oubliées, elles n’avaient pas grand-chose. Eh bien, tous ces éleveurs, qui font partie des nombreux organismes de sélection pas très grands qui n’ont rien eu depuis très longtemps, vont se voir accorder une enveloppe dès cette année. »

Qu’est-il ressorti de l’enquête lancée auprès des adhérents de la SHF l’an dernier ?
« Ca nous intéressait de savoir ce que les éleveurs, propriétaires et cavaliers pensaient de la SHF, et d’identifier les choses qu’ils souhaitaient voir évoluer. Il en ressort qu’à peu près 35 % d’éleveurs ont une activité professionnelle principale dans la filière, un peu plus de 20 % ont une activité professionnelle secondaire dans la filière, et à peu près 40 % n’ont pas d’activité professionnelle dans la filière et sont donc vraiment des amateurs. On s’est par ailleurs rendu compte que ce que ces amateurs attendent aujourd’hui, c’est, plus que des dotations, qu’on les aide à se former. Ils nous demandent aussi une meilleure couverture des concours en régions, et puis ils insistent sur la promotion de leurs élevages en France et à l’étranger.
Il faut donc qu’on réponde à cette demande de formation. C’est un vrai sujet, qu’on aborde depuis plus de vingt ans à la SHF ! Mais là, je suis content de voir qu’aujourd’hui tout mon conseil d’administration souhaite aller dans ce sens-là. »

Dans votre profession de foi vous parliez également de « retrouver la confiance de nos financeurs ». Qu’entendiez-vous par là, quel était le problème ?
« Aujourd’hui nous avons deux gros financeurs : le Ministère de l’Agriculture, qui nous donne une enveloppe utilisée pour le soutien aux organisations de concours, et puis le Fonds Eperon, qui nous distribuait auparavant 3,5 d’euros millions par an, montant qu’il réduisait tous les ans et s’apprêtait à descendre encore, parce qu’il trouvait que la SHF avait du mal à se réformer et à se remettre en question et qu’elle n’était pas très convaincante. Mais en 2021 nous sommes repassés de 2,2 millions à 3,2 millions, et pour 2022 nous avons retrouvé nos 3,5 millions. »

Vous avez une baguette magique ?
« Non, ils avaient besoin que l’on vienne leur présenter notre stratégie à moyen et  long terme, et la profession de foi, l’enquête auprès des éleveurs et le séminaire qui a lancé cinq axes stratégiques importants les ont rassurés sur la suite, et ils nous ont suivis. Anciennement, l’argent du Fonds Eperon était dédié aux dotations, et donc, développer d’autres actions nécessitait de diminuer celles-ci. Aujourd’hui, nous avons réussi à les convaincre que notre stratégie tient la route et ils nous ont accordé la possibilité d’utiliser 300 000 € autrement que dans des dotations. C’est ce qui va nous permettre d’aller augmenter le maillage territorial et de travailler sur cet axe-là.
Autre point auquel je me suis attaqué, depuis que je suis arrivé : les ressources humaines, avec lesquelles il y avait un vrai problème. L’équipe interne, hyper compétente mais mal gérée, laissait transparaître un vrai mal-être, de la souffrance et beaucoup de stress. On a énormément travaillé là-dessus, nous avons fait un audit externe, et nous avons effectué de nombreux changements. Emilie Morichon est arrivée comme directrice, et nous avons fait évoluer le management vers un management par projets. Aujourd’hui l’équipe va vraiment beaucoup mieux et c’est devenu très agréable de travailler ensemble. C’est sûr que pour l’adhérent lambda, ce n’est pas quelque chose de très visible, et je comprends que, à la limite, ne percevant pas encore de nouvelles actions le concernant précisément, il puisse se demander « ce qu’ils font à la SHF». Mais c’est un passage obligatoire pour construire une base solide, un socle pour bâtir une SHF plus moderne et pérenne. Et cela passera aussi par une réforme des statuts permettant une meilleure représentativité du conseil d’administration, notamment en intégrant les organisateurs, et en rééquilibrant le poids relatif des quatre collèges, où celui des cooptés est surreprésenté, et où l’ensemble des autres races que le Selle Français, le Poney Français et l’Anglo-arabe ne disposent, à elles toutes, que d’un strapontin. Pour 2023, cela devra être réglé. »

Propos recueillies par Emmanuel Jeangirard

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