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Lettre ouverte à Serge Lecomte, président de la Fédération Française d’Equitation

Claudio Panetti, organisateur de concours hippiques, gérant du site de Sainte Cécile (71) et Serge Houtmann, chef de piste international, directeur technique du site bourguignon ont décrypté et analysé les causes du malaise qui depuis quelque temps s'est abattu sur les cavaliers de compétition et sur les organisateurs. Dans une lettre ouverte au président de la FFE, ils font part de leurs réflexions et de leurs suggestions pour enrayer ce phénomène. Les colonnes du journal Le Cheval sont bien évidemment ouvertes à toutes suggestions allant dans ce sens. Photo 1 sur 2

« Nous sommes organisateurs passionnés de concours hippiques depuis bientôt 9 ans. Nos engagements annuels sont passés de 1 000 à près de 10 000 € en quelques années, et les dotations distribuées dépassent 300 000 € pour des inscriptions avoisinant les 525 000 €. Jusque là tout va bien sauf que, l'explosion des coûts d'organisation, malgré une gestion rigoureuse et économe, nous amène à des pertes d'exploitation décourageantes qui suscitent des interrogations.

Circonstances atténuantes, les sponsors pour des événements à répétition n'existent plus, les temps sont durs, les buvettes tournent au régime minimum (50%) par rapport au passé, un concours national normal devient déficitaire et seuls les CSI une et deux étoiles permettent des marges grâce à l'afflux des étrangers friands de nos CSI franchouillards et des tarifs de finances d'inscription économiquement viables.

Les recettes nettes des boxes se sont évaporées avec l'augmentation des coûts de paille, de nettoyage et de location des boxes. Seuls ceux qui ont un nombre important de boxes en dur, plus de cent, s'en sortent en trésorerie et non pas en rentabilité.

Alors que faire ?
- Augmenter les coûts d'inscription ? Les cavaliers iront ailleurs.
- Diminuer les dotations ? De nouveau, risque de désertion.
- N'organiser que des CSI ? Les cavaliers de la région seront désavantagés.
- Abandonner les Gd Prix de plus 1,30 m à forte dotation ? On tire vers le bas et c'est indigne d'un site des plus performants techniquement (grandes pistes et grands paddocks, tout en Toubin Clément).

Demander conseil à notre fédération, proposer un échange d'idées, voici ce que nous avons choisi Serge Houtmann et moi-même, en présentant les données et en imaginant quelques solutions.

Les données
Comme on peut le voir sur le tableau 1, les frais effectifs pour une piste avec une fréquentation normale de 500 départs par concours et des dotations normales de 500 € en moyenne par épreuve (donc rien d'excessif) se montent à près de 30 €. Pour un remplissage maximum porté à 700 départs on descend à 21 €.
Première conclusion : quelle que soit l'épreuve, une inscription à moins de 21 € engendre une perte immédiate. C'est pourtant ce que demandent les cavaliers pour les petites épreuves préparatoires. Et là nous sommes déjà à plus de 5% de la dotation.
Maintenant, si l'on regarde les autres coûts, inhérents aux investissements dans les installations et le matériel, on rajoute un coût de 17 € respectivement 12 € supplémentaires pour un remplissage maxi. Ce qui veut dire qu'économiquement, le coût d'un départ varie selon le taux de remplissage, entre 47 € et 32 € pour des épreuves normales de préparation des chevaux. Dans ce coût il y a le prélèvement d'environ 5 € (soit 20%) de la Fédération. L'organisateur, lui, est déficitaire dans la plupart des cas.

Dans le tableau 2, figure le coût de revient pour l'organisateur d'une épreuve de type Grand Prix 135 cm, avec un prix d'engagement de 85 €, qui engendre déjà le déficit principal d'un concours national normal à hauteur de 1 200 € sans prise en compte des frais de structure.

Les CSI
Les CSI une étoile sont autofinancés largement à partir de 200 à 220 chevaux. Pour un CSI 2 étoiles il faut compter 350 chevaux.
Les engagements étant généralement de 350 € (on peut faire moins) déduction faite du coût du boxe
(65 €) inclus dans l'engagement, il reste
285 € pour 3 départs soit 95 euros par départ. Les frais sont supérieurs à ceux d'un concours national normal, mais dans une proportion n'excédant pas 50% en plus, ce qui nous donne des frais effectifs d'environ 45 € pour une rentrée par départ de 95 €. Voilà la différence, c'est rentable. Les coûts d'inscription sont définis par la FEI. Ils sont calculés sur une base logique, économiquement parlant. Ce qui n'est manifestement pas le cas pour les concours nationaux qui, dans le passé, étaient organisés par des bénévoles, soutenus par un sponsoring local généreux et dans des installations financées par le secteur public qui ne tenait pas compte de la rentabilité. Il faut savoir que les cavaliers locaux n'ont pas les moyens de faire plus de quelques CSI par an et ne peuvent pas se payer le luxe de préparer leurs chevaux dans les CSI.

Les solutions
- Créer des associations locales d'organisateurs pour développer des synergies et avoir plus de poids pour négocier des marchés. Dans un deuxième temps favoriser un regroupement dans une grande association nationale.
- Pour la fédération, faire en sorte que les programmes des concours soient harmonisés entre régions limitrophes pour éviter une « concurrence Â» inutile de proximité qui a pour effet de diluer le nombre de départs par concours.
- La fédération pourrait aussi créer une commission qui évalue la qualité des sites en définissant pour chacun l'adéquation des installations avec le niveau d'exigence des divers niveaux d'épreuves. Ce classement des sites pourrait alors favoriser l'octroi de subventions et de sponsoring pour les sites les plus performants.
- La fédération pourrait alors envisager de combler le déficit des organisateurs de ces sites performants pour les grands prix préparatoires au haut niveau de 135 cm à 150 cm. Actuellement la fédération finance la performance des cavaliers dans le Grand national. Elle pourrait faire un effort équivalent pour le niveau intermédiaire.
- La SHF pourrait également aussi tenir compte de ce point de vue pour mieux rétribuer ses organisateurs : elle donne royalement 8 € par départ, ce qui couvre à peine la moitié des coûts engendrés.

Conclusions
Si rien n'est entrepris, nous risquons de voir les organisateurs supprimer petit à petit les épreuves préparatoires au haut niveau qui engendrent aujourd'hui leur déficit de trésorerie.

La diminution du nombre des concours, induisant un phénomène de diminution de l'offre et conséquemment une augmentation des prix d'engagement, est également probable.

La prolifération de CSI, défavorisant les cavaliers en devenir de leur région, est également à craindre.

Un accord pour augmenter ensemble le coût des engagements et diminuer les dotations - qui entre parenthèses, sont bien plus élevées qu'en Allemagne, Hollande ou Suisse - menace également.

Notre fédération est irréprochable, elle investit dans le haut niveau, elle est riche et efficace. Nous vous rendons hommage mais souhaitons simplement attirer votre attention sur des problèmes en apparence conjoncturels mais qui pourraient aussi être d'origine structurelle.

Un dialogue à ce sujet avec vos instances compétentes nous aiderait à mieux conduire l'évolution de nos prochains concours Â».

Serge Houtmann, directeur technique
Claudio Panetti, gérant du site de Sainte Cécile

22/03/2012

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