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Les Haras et les régions d’abord

Initié par Philippe Martin, président de l’Adep (association des éleveurs de chevaux de sport de la circonscription du Pin) une lettre ouverte au président de la République tente de fédérer la base de la filière cheval, à savoir les éleveurs,
pour défendre le futur des Haras Nationaux. Si sur le fond les associations nationales de race et l’ensemble des présidents de Régions acquiescent, la forme fait débat.

Treize présidents de Régions (sur 19) ont signé cette lettre ouverte intitulée « Chevaux de sport et Haras ?Nationaux ». Initiative qui fait, apparemment, consensus. « Alors que personne ne s’opposait au lobbiyng des étalonniers privés, précise Philippe Martin, les présidents de région ne pouvaient assister sans rien faire au sabordage des Haras nationaux. Notre lettre offrait à chaque président l’occasion de préciser ses choix ». Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de la lire, il s’agissait d’alerter le président Nicolas Sarkozy sur deux choses. Premièrement sur « les graves menaces qui pèsent sur l’avenir du cheval de sport en France » mais aussi « sur la pérennité d’un élevage français qui […] a par trop noyé sa génétique dans un tronc commun européen, qui n’a plus de français que le nom ». Autrement dit, il s’agissait de soulever le problème de l’étalonnage privé et de la sauvegarde du service public, au travers des Haras Nationaux (« Certains étalonniers privés ne sont-ils pas pressés de récolter à bon compte quelques milliers de saillies et le chiffre d’affaires qui en découle - les nouvelles structures nationales ne rêvent-t-elles pas, elles aussi, de récupérer le budget de l’institution en promettant d’en faire meilleur usage ? »)
Les Haras et l’Etat aujourd’hui

Pour rappel, les Haras Nationaux reçoivent de l’Etat français 45 millions d’euros de subvention sur un budget global de 75 millions. Trois missions lui ont été définies dans ses statuts : la sécurité sanitaire (et traçabilité liées à l’identification), la régulation génétique et l’appui au développement des entreprises. Or aujourd’hui, l’Etat a plutôt une politique de désengagement vis-à-vis de cette institution avec sûrement à la clé, un remaniement de la distribution de ses subventions. Premier exemple du changement de politique : le rapprochement entre les deux établissements ENE-Haras Nationaux  « dans un contexte où l’argent public se raréfie » (in rapport d’étape daté de mars 2009) afin de « mutualiser de nombreuses synergies et apportera une véritable plus value aux deux établissements en termes d’efficacité, de pertinence par rapport aux attentes de la filière ».

Le découpage des régions qui forment le paysage de la filière cheval de notre pays est calqué sur les circonscriptions des Haras Nationaux. D’où la relation naturelle entre un Haras National et sa circonscription. Comme le laisse entendre Charles de Certaines à la sous Direction du Cheval - Dgfar - au ministère de l’Agriculture, ce maillage ne semble pas être remis en cause : « Aujourd’hui il faut à tout prix prendre en compte les régions. S’il y a de telles structures qui existent, il est quand même mieux de s’appuyer sur celles-ci plutôt que d’en inventer des nouvelles ».

Seulement, il faut que les Haras soient le reflet de leur époque. Or « ses lourdeurs administratives et dans un contexte de marché de concurrence - avec les privés - font que l’instance est défavorisée » analyse Jean Muris de l’Adecno (qui n’a pas signé cette lettre pour éviter la cacophonie dans une période où tout le monde tend à faire un pas vers l’autre avec la création de la Maison Mère). ?« Alors même s’ils ont un réseau qui fonctionne, ils ne peuvent pas ajuster leurs tarifs, pour prendre cet exemple, face à des privés qui à un moment donné vont faire des conditions particulières sur des saillies (comme des soldes etc) ». C’est la loi du marché. « Toutefois, ils ont encore un vrai rôle à jouer dans la contribution de valeur génétique » poursuit M. Muris qui en aucun cas ne défend la disparition de l’institution.

Les polémiques

Plutôt que d’expliquer pour quelles raisons les treize présidents de régions ont signé, nous avons demandé aux non-signataires d’expliquer pourquoi ils ne l’ont pas ou ne l’auraient pas signée. « La lettre est extrêmement polémique et politique » explique Patrick Rabot président de la Fedeb (Bretagne). « Se battre pour sauvegarder les Haras, je suis « pour ». Ma région étant d’ailleurs l’une qui se sert le plus de l’institution puisque nous sommes assez excentrés de l’Europe… Que les Haras se réforment, je le comprends également. Mais ce n’est pas le moment d’attiser le feu et de régler ses comptes ».

Même chose pour Yves Chauvin Président de l’ANSF, qui déplore que cette lettre directement adressée au sommet de l’Etat « tende à montrer la non-unité de la filière. Alors qu’ouverte à l’ensemble de ses institutions, elle aurait eu beaucoup plus de poids. Cette lettre n’est pas une force de proposition, elle n’est que polémique. L’étalonnage privé est un faux problème puisque nous sommes dans un monde concurrentiel. Qu’ils soient privés ou publics, l’important est de donner aux éleveurs des services, et les moins chers possibles. Avec autant de subvention, il n’est pas possible que les Haras suppriment des stations dans les endroits les plus reculés ». D’autre part le président du Selle Français souligne que « par décret, les éleveurs sont représentés par l’association nationale de la race qu’elle produit. En plus, quel est le poids des naissances représenté par les signataires de la lettre ? » Argument auquel Bernard Lesage (signataire de la lettre) - Nord Pas de Calais - répond : « Il ne faut pas confondre les éleveurs avec les associations nationales de races, les stud-book. De plus je pense que le Nord pas de Calais, l’Est de la France (etc.) sont des régions qui comptent ! ».

Les Haras et les associations nationales de races sont d’une façon comme une autre liés, « seulement l’étalonnage ne peut répondre par une seule solution pour l’ensemble des races car on ne compte pas dans les mêmes volumes » commente Jean-Marie Bernachot de l’Anaa (association nationale des éleveurs d’Anglo-arabes). « Le SF a des structures privées concentrées en Normandie qui fournissent du volume alors que nous nous sommes dispersés sur le grand sud de la France. Nous n’avons pas les mêmes problématiques mais cela ne nous empêche pas de collaborer ! »
Démission d’un signataire

Quand on sait que dans le futur, tous les financements seront régionaux, des luttes s’engagent... Philippe Sanchis, le Président des Pays de Loire, a démissionné suite à la polémique qui faisait fureur dans sa région (il a été remplacé par Philippe Poireau) : « J’ai signé cette lettre en me disant qu’elle était consensuelle. Seulement certains de mes présidents départementaux n’ont pas apprécié cette signature. J’ai donc donné ma démission ». (lire ci-dessous) Alors même que sur le fond, l’ex-président n’a pas entendu plus de critique que cela.

En attente des réponses de l’intégralité de ses présidents, Béatrice Gauffreteau devrait devenir une nouvelle signataire, comme elle l’explique : « Pour nous dans le sud, s’il n’y a plus de service public, on est mal. Il nous faut un service de proximité. Les Haras sont des juges de paix car ils sont les seuls à rassembler l’ensemble des composantes de la filière cheval. Les faire évoluer oui, mais les faire ?disparaître non. Les éleveurs n’ont pas forcément les moyens de payer des vétérinaires pour faire le travail que les haras font aussi (et pour moins cher)». Sur quoi elle conclut qu’ « il n’y a pas de fatalité administrative dès lors que la base se mobilise ».

Alix Thomas

15/07/2009

Actualités régionales