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Jérôme Guéry : du petit garçon rêveur au cavalier olympique

  • Jérôme Guéry au Saut Hermès
    Jérôme Guéry au Saut Hermès
  • Jérôme Guéry et Quel Homme de Hus
    Jérôme Guéry et Quel Homme de Hus
Cavalier international de l’équipe belge, l’homme de 42 ans est aujourd’hui un sportif accompli. Dernièrement devenu Vice-Champion du Monde de saut d’obstacles en août, à Herning au Danemark, il a également été médaillé olympique. Titré et récompensé des centaines de fois, sa carrière n’était pas toute tracée. Mais sa philosophie de vie et son travail acharné lui ont donné ce qu’il a toujours voulu. Entretien.

Cavalier international de l’équipe belge, l’homme de 42 ans est aujourd’hui un sportif accompli. Dernièrement devenu Vice-Champion du Monde de saut d’obstacles en août, à Herning au Danemark, il a également été médaillé olympique. Titré et récompensé des centaines de fois, sa carrière n’était pas toute tracée. Mais sa philosophie de vie et son travail acharné lui ont donné ce qu’il a toujours voulu. Entretien.

Comment avez-vous débuté l’équitation ?
J’ai commencé à monter à cheval à l’âge de 10 ans. Ma nounou était une cavalière. Lorsque j’avais 8 ans, elle me gardait tous les mercredis. Du coup, elle m’emmenait avec elle au centre équestre. Dès cet instant, j’ai voulu m’initier à ce sport. Mais il fallait avoir 10 ans. Alors j’ai attendu, et j’ai enfin commencé le jour de mon dixième anniversaire, car ma première leçon était mon cadeau. Je suis devenu très vite un passionné avec un grand P. Tous les mercredis et week-end j’y allais. Je dormais presque sur place (rires).

Votre famille n’est pas issue du monde équestre, vous ont-ils suivis dans votre passion ?
Oui totalement, ils avaient même contacté Nelson Pessoa (champion Olympique) pour qu’il vienne m’entraîner, ce qu’il a fait. Lorsque j’avais 12 ans, ma mère m’a acheté mon premier poney : Impala. Puis de fil en aiguille j’ai grandi alors il me fallait un cheval. Je l’ai eu pour mes 15 ans. A côté bien sûr, je continuais à aller au lycée.

A partir de quel moment avez-vous voulu faire de votre passion votre métier ?
Tout de suite, dès que j’ai commencé. Mais il était pour moi inconcevable d’essayer sans assurance, c’est un monde trop incertain. Déjà depuis mes 16 ans, vu que je n’avais qu’un seul cheval, les éleveurs de ma région me confiaient les leurs gratuitement. J’allais monter leurs jeunes chevaux après le lycée.
J’ai attendu mes 18 ans, d’avoir mon bac. Juste après, j’ai demandé à mes parents de me laisser faire une année sabbatique pour prouver que je pouvais y arriver. Et ils ont accepté.

Comment avez-vous entamé cette année sabbatique ?
Je suis parti travailler dans une écurie en Suisse, où j’avais prévu de rester quelque temps. Malheureusement ça ne me correspondait pas et j’ai été engagé par le Haras des Hayettes  en Normandie. Et ça s’est finalement tellement bien passé que j’y suis resté pendant 3 ans. J’ai rencontré ma femme, Patricia, qui est venue travailler avec moi pendant 6 mois. Nous y sommes restés jusqu’en 2000.

En 2001, vous montez votre propre écurie ?
Tout à fait. Avec ma femme. Nous avons d’abord loué des infrastructures pendant 5 ans. Je me suis assez vite concentré vers le commerce, car j’ai vu que c’est un sport qui demandait beaucoup d’argent. Donc j’ai fait la formation des jeunes chevaux, j’ai développé mon piquet, et j’ai commencé à vendre. Je me suis également associé avec des éleveurs en achetant des parts dans leurs jeunes chevaux. Puis dès qu’ils arrivaient à un certain niveau je les vendais. En 2006 nous avons ouvert nos écuries en Brabant Wallon (BEL), et nous avons fonctionné comme ça jusqu’en 2012.

En 2012, à 32 ans, vous devenez Champion de Belgique avec Tic Tac du Seigneur, que vous aviez acheté à ses 2 ans. Est-ce à ce moment-là que votre carrière sportive s’est lancée ?
C’est exactement à ce moment que j’ai enfin commencé à ouvrir les portes que je voulais. Je remercie mon ami et collaborateur, Luc Henry avec qui nous avions Tic Tac. Après avoir gagné ce titre, nous avons vendu le cheval pour une très grosse somme. A partir de ce moment-là, j’avais construit mes écuries, j’étais installé, et je me suis dit : voilà, je veux voir si je peux arriver dans le grand sport. J’ai donc un peu plus gardé mes chevaux, je ne les vendais pas tout de suite. Je voulais voir jusqu’où je pouvais aller, j’en rêvais depuis tout petit et c’était enfin peut-être accessible.

Finalement vous avez voulu monter les échelons doucement mais sûrement, durant 12 ans ?
J’ai voulu prendre un chemin différent, j’ai décidé de ne pas monter au haut niveau de suite pour des propriétaires ou des écuries. Je montais pour des éleveurs, et je montais mes chevaux, c’était ma structure. Je voulais d’abord m’installer. J’ai besoin d’être serein dans ma tête pour pouvoir être bon sportivement. Une fois que j’ai tout eu, je me suis installé dans le sport tranquillement. Je suis de nature assez indépendante, et j’ai préféré me construire petit à petit.

Vous avez donc commencé le « vrai sport » à 32 ans. Que s’est-il passé juste après ?
Papillon est arrivé dans mes écuries. Il a marqué le vrai changement de ma carrière. C’est avec lui que j’ai gagné mes premiers grand prix 5* . J’ai ensuite gagné ma place pour les Jeux Olympiques de Rio en 2016 avec Grand Cru Van de Rozenberg. J’étais dans l’Équipe de Belgique mais elle n’était pas qualifiée. Alors j’ai réussi à avoir mon ticket individuel avec Papillon en étant l’un des six meilleurs couples des pays non qualifiés. J’ai enfin pu participer à mes premier Jeux Olympiques.

Comment s’est passé le retour de Rio ? Avez-vous senti du changement pour votre avenir ?
Depuis que je suis tout gamin les JO ça a toujours été mon rêve. Donc en revenant de Rio je vivais sur un nuage. J’ai donc décidé de tout faire pour aller à Tokyo et cette fois-ci, j’irais pour une médaille. C’est à ce moment précis que j’ai rencontré Quel Homme de Hus.

Oui, rappelons-le, Quel Homme de Hus est le cheval avec qui vous êtes devenu Vice-Champion du Monde récemment. C’est également avec lui que vous partagez le plus gros palmarès. Mais vous ont-ils tous marqué ?
C’est exact. Oui, chaque moment important de ma vie a été partagé avec un cheval. Donc ça a commencé avec mon premier poney (Billy Joe), aujourd’hui on a Quel Homme de Hus mais entre-temps j’ai eu Tic Tac du Seigneur, Papillon, Grand Gru Van de Rozenberg. Chaque moment a été partagé avec un cheval spécial. La durée de vie sportive d’un cheval est entre 5 et 10 ans alors que pour nous les cavaliers c’est beaucoup plus long. C’est pour ça qu’on a différents chevaux. Mais quand j’ai eu la chance de monter Quel Homme de Hus en 2018 j’ai tout de suite senti que c’était avec lui que je pourrais aller aux JO de Tokyo donc j’ai tout fait pour essayer de l’acheter. Au début je ne trouvais personne pour l’acquérir car il avait déjà 13 ans, et personne ne le voulait dans un but sportif, juste commercial, je refusais qu’il s’en aille un jour. J’en ai parlé avec deux amis et on a décidé de l’acheter à trois, on s’est a un peu serré la ceinture d’ailleurs. C’est vraiment une belle histoire : trois amis autour d’un cheval qui veulent aller à Tokyo.

L’année d’après vous êtes Champion d’Europe avec ce même cheval, le couple a plutôt bien marché donc ?
Oui, on peut dire que la vie a été généreuse avec nous. Grâce à cette victoire on qualifie la Belgique pour les JO. Ensuite on a eu une année un peu creuse à cause du Covid19. A ce moment-là on s’est beaucoup questionnés. On se demandait si on allait finalement garder le cheval…Car si les JO n’étaient pas maintenus on avait un cheval qui avait une grosse valeur. On a failli le vendre, on avait beaucoup d’argent bloqué sur lui et on ne savait pas comment ça allait évoluer. Puis on s’est concertés et on s’est dit que si on le vendait, que les JO avaient lieu, et qu’on le voyait revenir avec une médaille sous la selle d’un autre cavalier, c’est notre rêve qui s’envolait. A la dernière minute on ne l’a pas vendu.

La vie a-t-elle encore été « généreuse » avec vous ?
Oui puisque de Tokyo on est revenus avec une médaille de bronze. Pour nous notre objectif était atteint. Puis ça a continué. Cette année on est Vice-Champions du Monde à Herning au Danemark. C’est un cheval en pleine forme et on espère que notre rêne continuera un petit peu jusqu’aux JO de Paris en 2024. Après quoi, il partira à la retraite pour se consacrer à la reproduction. Il aura déjà 18 ans à ce moment-là.

Vous ne le trouverez pas trop « vieux » pour participer à ces Jeux Olympiques ?
Sur le papier, on pourrait le croire. Mais c’est une force de la nature ce cheval, qui a commencé le haut niveau à seulement 13 ans, il n’est pas usé. Il a une santé incroyable, il est très dur et comme il a d’énorme moyens il ne se force pas à sauter ces gros obstacles d’1m60. Ça nous permet de croire qu’il sera encore en bonne santé pour Paris.

Vous disiez tout à l’heure que chaque cheval avait marqué voter vie et carrière, mais Quel Homme de Hus n’est-il pas légèrement au-dessus des autres ?
C’est vraiment difficile. Évidemment on aurait envie de mettre Quel Homme de Hus devant mais s’il avait été là il y a dix ans, je n’étais pas le cavalier que je suis aujourd’hui donc je n’aurais pas été le cavalier adapté. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui c’est lui qui m’a rapporté les plus beaux titres et les plus belles victoires. Mais chaque cheval a vraiment compté, ils ont tous contribué à ce que je suis aujourd’hui et à me permettre de monter Quel Homme de Hus tel que je le fais aujourd’hui. Car c’est le meilleur cheval que j’ai eu à monter. Mais peut-être que si je retrouvais Tic Tac aujourd’hui, ou Papillon, j’aurais aussi brillé.

Justement cet été vous devenez tous les deux Vice-Champions du Monde, vous êtes quatorzièmes au rang mondial, qu’est-ce que ça fait au petit garçon qui rêvait de tout ça ?
C’est une grosse satisfaction personnelle et pour toute l’équipe qui travaille autour de moi. C’est vrai que je suis au-devant de la scène mais énormément de gens me supportent, ont cru en moi depuis des années, me soutiennent. Le fait de ramener ces titres, c’est aussi une récompense de notre travail à tous. Ça apporte une grosse satisfaction du travail accompli, qu’on a eu raison de croire en nous et de travailler si dur. Des gens le font toute leur vie et n’ont jamais ce genre de récompense. J’essaie de faire les choses bien, de respecter la vie et l’équilibre de mes chevaux, de continuer à travailler fort. Et quand on a ces résultats c’est une vraie récompense. Ça motive à continuer, je suis content d’avoir ces titres maintenant et pas plus jeune car j’ai fait Le chemin qui fait qu’on arrive à ces performances-là. J’ai tracé mon parcours lentement et presque sûrement (rires). J’ai toujours eu des objectifs et quand j’étais gamin je disais qu’un jour je reviendrais avec une médaille Olympique. C’était un peu prétentieux de ma part mais j’ai tout mis en œuvre pour ça. C’est long, surtout quand on vient d’une famille modeste qui n’est pas dans les chevaux mais j’avais une vision, un rêve, un objectif et j’ai tout fait pour y arriver. Aujourd’hui je suis fier de me dire que c’était possible. Si on croit en la vie, on croit en nos rêves, et qu’on respecte les choses, tout est possible, et c’est le conseil que je pourrais donner à tout le monde.

Propos recueillis par F. Pamart

18/11/2022

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