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Jean-François Pignon : « Cette histoire c’est l’aventure de ma vie »

  • Durant le tournage de 40 jours, 4 criollos et du silence
    Durant le tournage de 40 jours, 4 criollos et du silence
Il est l’un des plus grands noms du spectacle équestre d’aujourd’hui. À l’occasion de la sortie de son film 40 jours, 4 criollos et du silence, Jean-François Pignon se confiait en toute humilité sur cette aventure qui l’a transformé. Entretien. 

Comment avez-vous débuté dans la discipline de spectacles équestres ? 
Un peu par hasard. Au début j’ai commencé à vouloir jouer avec ma jument, là je vous ramène dans les années 1980. J’avais envie de jouer avec mon cheval comme on pourrait jouer avec un chien, mais pas dans l’optique de faire du spectacle. De fil en aiguille j’ai participé à une fête du cheval et petit à petit il y a des salons comme Equitalyon qui m’ont appelé. Tout cela en a fait un métier dans lequel je me régale.

Lorsque vous dites de fil en aiguille, vous n’étiez pas prédestiné à cette carrière ? 
Non pas du tout. Je ne le cherchais même pas. J’étais très mal à l’aise en piste, j’étais quelqu’un de plutôt introverti donc ça ne m’attirait pas vraiment. Ce qui me plaisait finalement c’était de montrer qu’on pouvait s’amuser avec un cheval. Dans les années 80 on ne parlait pas des chuchoteurs ou de quoi que ce soit. Je suis finalement parti dans cette aventure mais sans rien calculer, c’est ça qui est amusant. Aujourd’hui encore ma troupe est formée de 6 juments noires qui sont arrivées il y a peu. Moi qui ne prenais que des chevaux blancs parce que je trouvais qu’ils attiraient la lumière…Un jour mon vétérinaire m’a donné toutes « ces filles » parce que j’ai sauvé un de ses entiers. Donc me retrouver avec six pouliches noires n’était pas prévu non plus. Ce que j’aime c’est ce que j’ai l’impression que toute ma vie des choses me sont mises sur ma route, comme ça, surtout depuis que je crois en Dieu d’ailleurs. 

Comment gérez-vous le stress dans votre métier ? 
C’est vrai qu’au départ il y avait des côtés sombres, du stress ou des choses de ce genre. Aujourd’hui, pas du tout, et ça m’a donné tellement de liberté : le stress finalement c’est une espèce de fardeau, surtout avec les chevaux. Quand j’entendais des acteurs ou des gens qui faisaient du one man show dire que c’était stimulant et bénéfique d’être stressé. Avec les chevaux cela ne peut pas être bénéfique : si on rentre en piste avec les chevaux en étant stressé alors que lui arrive dans un environnement nouveau ça ne peut pas marcher. Il a besoin que son tuteur soit calme et serein. Ça avant je ne l’avais pas, maintenant je l’ai et tout est devenu super facile. 

Oui le cheval a besoin de sentir que tout va bien… 
C’est tout à fait ça. Si le dominant dans ce monde-là commence à perdre les pédales il transmet aux autres. Lorsque cela m’arrivait j’amplifiais le problème, c’était le serpent qui se mord la queue parce que quand le spectacle se passe mal le coup d’après on stresse encore plus. Ce sont des heures de préparation. Mais aujourd’hui je veux arriver avec une image de légèreté avec des chevaux qui sont contents d’être en piste. J’y arrive de plus en plus et j’aime ce que je fais. 

Ce que vous cherchez à démontrer c’est que c’est simple ? Qu’il s’agit seulement d’une relation entre deux êtres vivants ? 
Exactement. Tout à l’heure je faisais une démonstration avec un cheval que je ne connaissais pas. Et je cherchais juste à dire que les choses ne sont pas si compliquées. On ne triche pas, avant de le voir je ne savais même pas de quelle couleur était le cheval. Forcément quelquefois ça marche moins bien, mais le but du jeu n’est pas que ça marche, ce n’est pas de faire du spectacle. Le message c’est justement, quand on parle cheval à un cheval ça marche. Et parfois l’être humain m’étonne parce qu’il est très intelligent. Comme il peut passer à côté d’évidences qui m’échappent, mais je me mets dans le lot, j’en suis un aussi. On a tendance à vouloir faire un claquement de langue quand on parle à un cheval, mais en avez-vous déjà vu un le faire ? Je communique avec eux énormément dans le silence. Pourquoi ce serait logique de parler anglais à un Anglais et pas cheval à un cheval ? 

Comment parle-t-on à un cheval alors ? 
Ce n’est pas que le langage du cheval est très complexe mais ce qui nous échappe c’est qu’il est très différent. Il utilise très rarement la voix, il utilise beaucoup plus les intentions, le déplacement de corps, quand il baisse les oreilles, etc. Notre devoir c’est de respecter ces codes et sa forme de langage de façon à essayer d’être le plus proche de lui. Je sais très bien que je ne serai jamais un cheval au milieu des chevaux mais j’ai vécu une aventure en Patagonie (cf. 40 jours, 4 criollos et du silence). J’y suis allé en me disant que j’avais une méthode qui fonctionnait, que j’ai alimentée pendant 40 ans avec des recherches, que j’ai façonnée. Malgré tout je me suis dit que je passais peut-être encore à côté de subtilités parce que là où le cheval dans son langage nous échappe c’est au niveau de la subtilité. Quand on me demande ce que les chevaux m’ont apporté, c’est de chercher à être subtil, et je n’ai même pas la prétention de dire que je le suis, mais j’essaie. Jusqu’à cette aventure, je disais que je pensais n’être qu’un être humain au milieu des chevaux, de ne jamais réussir à avoir l’harmonie qu’ils ont entre eux. 

Cette méthode s’est-elle avérée utile là-bas ? 
Depuis cette aventure, j’ai remis à l’épreuve ma méthode qui s’est avéré être nulle donc j’ai bien fait parce qu’il n’y avait rien qui fonctionnait. Forcément des chevaux qui s’échappent on ne peut rien faire…Ma méthode commençait quand le cheval nous regardait au moins, quand on pouvait le prendre en licol, des choses comme ça. Et là je me retrouve complètement démuni, mais c’est ce que j’allais chercher justement. J’étais dans 25 000 hectares, avec des chevaux qui avaient été plutôt bousculés par les êtres humains, ce qui est encore pire que s’ils étaient juste sauvages parce que je n’avais même plus des chevaux curieux. Ils m’ont vu arriver, ils connaissent déjà l’humain, ils avaient connu pour beaucoup un débourrage traditionnel, celui des Gauchos (cow-boy Amérique du sud), qui est tellement violent qu’ils arrivent à en perdre des chevaux. Ils attachent les chevaux à des poteaux et en une semaine là-bas j’ai vu une jument se dénuquer donc le cas ne doit pas être si rare. Je suis reparti avec ça, et une espèce de pression parce que j’avais 40 jours et 4 chevaux. Et aujourd’hui avec le recul je ne sais même pas comment j’ai pu m’imaginer que ça puisse être possible. Parce que 40 jours pour 4 chevaux comme ça, concrètement ça ne fait que 10 jours par cheval et en plus dans le premier jour j’ai passé 3% à ne chercher ce serait-ce qu’un regard furtif. Ça a évolué petit à petit mais dans les 25 000 hectares…au mieux je travaillais vraiment les chevaux 20% de la journée. Au beau milieu de l’aventure je me suis dit que quelque chose n‘allait pas marcher : quand je me concentrais sur un, les autres s’en allaient, il fallait donc que je les ramène sinon le cheval au travail ne le supportait pas. Il ne me doit rien. 

A un moment je décide donc de les enfermer dans un paddock et là l’ambiance change. Puis je me mets une pression parce que même si je deviens plus efficace le temps commence à filer. Je ne vais pas spoiler la fin mais ce que je sais c’est que depuis l’aventure j’ai enfin trouvé le chemin qui me mène dans l’harmonie avec les chevaux. Mais ce chemin est tellement fragile que je ne suis pas sûr de le trouver tous les jours. 

Qu’avez-vous appris d’autre lors de votre voyage ? 
Si à un moment j’avais une petite chose négative en moi, même si ça n’avait rien à voir avec les chevaux, par exemple ma femme qui me manquait, d’un seul coup ça ne marchait plus. A 10 mètres les chevaux le ressentaient. S’il y a bien quelque chose qu’ils m’ont donc appris c’est la subtilité. Cette histoire c’est l’aventure de ma vie et je l’ai pris en pleine tête dans tous les sens du terme. C’était une énorme remise en question et je ne pensais pas après 40 ans d’expérience apprendre autant de choses sur les chevaux et moi-même.  

Comment ça s’est passé avec Florent Pagny ? 
Les gens l’ont vu sous un autre angle et c’était génial.  C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié parce qu’il est franc, il dit les choses. Il y a un moment, on ne l’a pas mis à l’image, on s’est retrouvé pas tout à fait d’accord sur quelque chose, on a passé une soirée à en discuter c’était fini. C’est quelqu’un de vraiment impressionnant : il a tenu toutes ses promesses, ce n’était pas du vent. Je me suis retrouvé face à tout sauf à une star, dans le respect de ce que l’on faisait et dans la curiosité. Même aujourd’hui 3 ans après, il nous envoie des vidéos des chevaux, il y a même la jument, qu’il monte. Il est génial.  

 

LC

22/09/2023

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