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Furioso, le meilleur géniteur mondial de l’après-guerre

Après la vogue des saillies aux étalons étrangers, la réaction semble s’amorcer : les éleveurs et les cavaliers se sont rendu compte que les « merveilles » d’Europe du Nord ne représentent pas du tout la majorité des poulains nés dans Photo 1 sur 1
leurs pays. Quant à leurs qualités « naturelles », elles sont souvent le résultat d’une préparation très soignée que nos compatriotes n’ont pas toujours le goût d’effectuer. Avec la crise, beaucoup d’entre nous font moins saillir et malgré la pléthore d’étalons proposés, la tendance est à aller vers plus de sélection, plus de qualité. Si presque tous les sires indigènes descendent en lignée mâle d’Ibrahim, qui fut un excellent reproducteur, il est certainement intéressant de rechercher la présence de Furioso qui fut incontestablement le meilleur étalon mondial d’après-guerre. De plus la concentration en cracks de ses poulains n’a jamais été atteinte. Les parcours ont peut-être changé, le diamètre des barres aussi, il reste quand même qu’à haut niveau les chevaux doivent avoir de la force (ce que Furioso apportait immanquablement) et du respect (ce qu’il transmettait toujours) !

Né en 1939 chez M. Macdonald-Buchanan en Angleterre (et non en Irlande comme il est souvent dit), il montrait une origine superbe. Précipitation, son père, était fils du monument plat et obstacle Hurry On, grand étalon étendu très musculeux surtout dans son arrière-main, un peu soulevé et à l’épaule plutôt étroite. Meilleur cheval de sa génération (6 victoires sur 6 courses toutes à 3 ans de 1 600 m à 3 600 m), il fut aussi excellent reproducteur : 12 fois dans les 20 meilleurs pères de gagnants et 15 fois dans les 20 meilleurs pères de mères en Angleterre. Des nombreux fils d’Hurry On, nous retiendrons Feridoon excellent père de mères, Diligence (son propre frère et arrière grand-père d’Ultimate) et Précipitation, 11 fois dans les 20 meilleurs pères de gagnants, 7 fois dans les 20 meilleurs pères de mères, il était notamment gagnant de la Gold Cup (4 000 m) et du Jockey Club Staker (2 800 m) se montrant très étendu, charpenté et transmettant énormément d’influx nerveux. Maureen, sa mère, était fille d’un autre monument : Son In Law (Goodwood Cup 4 200 m, Cesarewitch Staker 3 600 m, Jockey Club Cup 2 fois 2 800 m) 18 fois dans les 20 meilleurs pères de gagnants en Angleterre, 16 fois dans les 20 meilleurs pères de mères en Angleterre et 8 fois en France ! Les inspecteurs généraux Richard très attaché au modèle et surtout aux allures et Vincent, expert en origines voyaient un sujet conforme aux théories des haras sur l’étalon de croisement : cadre, étendue, tenue. Le sous-directeur du Pin qui les accompagnait déclara qu’il n’avait jamais noté un cheval aussi équilibré. Partant de 21 courses en 4 ans pour n’être placé que 3 fois 3e, il séduisit pourtant le directeur du Pin pour son étendue, sa majesté, son orientation générale et son cadre. Son pas ample, énergique et équilibré ainsi que son trot un peu relevé lui firent pardonner ses aplombs légèrement panards, ses jarrets un peu serrés et son sternum un peu haut. Complet à Urou (près d’Argentan) ses deux premières années de monte, il entra au purgatoire les deux années suivantes qui prit fin pendant ses deux années à Troarn dans le Calvados, quelques éleveurs de pur se laissant même aller à lui mettre des juments. Revenu à Argentan quand ses premiers poulains sortaient, il fut toujours complets (35-40 juments) et tiré au sort jusqu’au 3 Septembre 1967, jour de sa mort. Il ne saillissait plus qu’une quinzaine de juments depuis ses 20 ans.

Dans un article des années 50, un grand cavalier de l’époque louait les Haras de n’avoir pas reformé Furioso au vu du modèle de ses poulains, qui étaient dans son style : épaule pas très longue et plutôt droite, très étendus, souvent panards et jarrets serrés… Mais dès leur première sortie en concours ils se firent remarquer par leur galop très basculé, leur engagement dont leur équilibre, leur force, le tout entraînant une aptitude exceptionnelle au saut ! Ces poulains étaient en plus très respectueux car bourrés de sang. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui des chevaux modernes. Et ils l’étaient ! Parfaitement adaptés à la monte latine qui les utilisait en toute amitié, sans un dressage laborieux, ils pouvaient être délicats et s’affolaient facilement quand tout ne se passait pas bien.

Il est inutile de parler des sujets internationaux, sur ses 303 poulains, presque tous ceux qui sortirent le furent… ou pouvaient l’être. En 1956 Virtuoso (qui n’était pas à la lettre, c’était un D !) représentait la France aux Jeux de Stockholm à 9 ans. A Rome, Grand Veneur et Eclair au Chocolat tournaient pour la France, comme Lutteur B (médaille d’or) et Monsieur de Littry (argent par équipe) à Tokyo mais Eolo IV et Infernal y représentaient l’Espagne, Joc de l’Isle le Portugal, Kairouan H la Hollande et Jerdy la Belgique. En 1966, P. Jonquère d’Oriola était champion du monde de CSO avec Pomone B âgée de… 7 ans ! Et aux Jeux de Munich Tic Tac et Ulpienne glorifiaient encore leur père 5 ans après sa mort. Soit 12 olympiques (dont une médaille d’or et une argent) et une championne du monde.

Certains « experts » ont reproché à Furioso de ne pas avoir tracé dans l’élevage. Il est vrai que la circonscription du Pin était moins orientée dans cette voie que sa sœur de Saint-Lô. Il n’est pas moins vrai qu’un certain Mexico fut souvent mieux classé en pères de gagnants, fournissant plus de chevaux olympiques et de coupes des nations, que son voisin et aîné Ibrahim. Extêmement bien né aussi par sa mère, Dame de Ranville (plus belle jument du Calvados et dont la propre sœur passait 2 m), lui-même montrait une réelle aptitude au saut monté par les gardes du Pin. Il n’a donné que 2 chevaux olympiques (mais bien des étalons de tête actuels s’en contenteraient… !) et son sang se transmet actuellement par Champion du Lys via Laeken. Son fils Le Mexico a énormément influencé l’élevage batave, son propre frère Urioso a aidé l’élevage belge et son autre propre frère Vertuoso alias Furioso II fut la gloire du Oldenburg nous offrant un retour « moderne » du sang de Furioso par For Pleasure après Voltaire et Concorde. Il est impossible d’oublier que le « don de Dieu » du Holstein : Cor de la Bruyère était un petit-fils de Lurioso, que la médaille d’or par équipe de Montréal Belle de Mars était par Surioso et que Questeur a démarré la qualité de l’élevage du Nord-Est.

Si Furioso fut 11 fois tête de liste des pères de gagnants et 5 fois dans les 4 premiers, il fut aussi en tête des pères de mères avec des matrones comme Dauphine d’abord très bonne gagnante puis mère de 3 internationaux, Iosofelt mère notamment de Sokofelt championne de France, de Ma Pomme, mère d’Allegro CSIO, Starlette B, Fair Play III, de Mélisandre grand-mère (avec un petit-fils de Furioso) d’Allegreto, de Tanagra mère de Danoso tête des chevaux français, de Jalisco B meilleur étalon mondial… etc.

Les anglais ont créé de nombreuses races de moutons, de chiens, de bovins, etc. de chevaux (les pur-sang) en utilisant couramment la consanguinité sur des reproducteurs qu’ils considéraient comme type. L’Aga Khan fut tête de liste mondial des éleveurs de pur avant-guerre, conseillé par le Colonel Vuillet qui calculait le plus statistiquement possible la consanguinité. M. Boussac obtint le même classement après-guerre en utilisant les mêmes méthodes, au grand dam des éleveurs « classiques » qui ne faisaient pas de gagnants. Son élevage encore brillant après sa mort fut racheté par le petit-fils de l’Aga Khan pour obtenir le rang de son grand-père. Libero H gagnant de la Coupe du Monde et père de Libertina fut obtenu par consanguinité sur Achille qui était toujours présent chez les meilleurs gagnants du Holstein. En généralisant il est sans doute souhaitable de rechercher une forte consanguinité sur Furioso. Nous connaissons des éleveurs qui l’ont fait… avec de bons résultats.
Hilaire Nervien

18/03/2010

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