- Toute l’actualité du cheval et des sports équestres

Franck Le Mestre : comme un retour aux sources

  • Le PIC de Deauville vu d’en haut. Et au fond il y a la mer
    Le PIC de Deauville vu d’en haut. Et au fond il y a la mer
Précédemment directeur de l’hippodrome et du centre d’entraînement de Deauville-La Touques, Franck Le Mestre fut nommé directeur général du Pôle international du cheval Longines de Deauville en décembre 2020. Il renouait alors avec sa passion première pour les sports équestres, tout en conservant un regard global d’une rare qualité sur l’ensemble de la filière équestre, conféré par une carrière professionnelle particulièrement éclectique. Rencontre.

Parle-nous de ton parcours, qui est quand même remarquable…
« Je ne sais pas s’il est remarquable ; ça c’est fait naturellement. Il y a d’abord eu Montier-en-Der (où il fut Chargé de projet de l’association d’éleveurs ARDCP, de 1994 à 2001, ndlr), avec des gens incroyables qui m’ont vraiment mis le pied à l’étrier. Il y avait une dynamique très avant-gardiste avec l’association des éleveurs, un monde qu’on voyait changer et évoluer vers des éleveurs maîtres de leurs destins, même si le mot est peut-être un peu fort, mais en tout cas avec la mise en place par exemple de nouveaux partenariats avec les Haras Nationaux. Tout ça était très intéressant.
Ensuite, il y a eu Blois pendant un an, une très belle expérience (en tant que directeur du Conseil équin de la région Centre, ndlr), un peu courte mais qui m’a aussi permis de rencontrer des gens déterminants, puis la création de l’ANSF (Association nationale du Selle Français, dont il fut directeur technique, de 2002 à 2006, ndlr), devenue aujourd’hui « le Stud-book Selle Français ». Philippe Curti (alors président, ndlr) était déjà très attaché à la caractérisation des chevaux, la professionnalisation des juges, tout ça constituant une suite assez logique dans un programme de sélection, et c’était également intéressant. Et puis il y a eu le Haras du Pin (directeur, de 2006 à janvier 2013, ndlr) qui était plus inattendu, mais qui fut aussi une très belle expérience, qui m’a dirigé plus vers le sport. On a notamment fait revenir le concours complet au Pin, ce qui a donné lieu à de grandes épreuves aux Jeux Equestres Mondiaux de Caen, et maintenant aux Championnats européens.
Et ensuite les courses, pendant presque huit ans. J’étais bien à Maisons-Laffitte (directeur de l’hippodrome et du centre d’entraînement, de 2013 à 2018, ndlr), j’étais bien en région parisienne, l’univers des courses me plaisait également, mais je suis ravi d’être venu à Deauville (directeur de l’hippodrome et du centre d’entraînement de Deauville-La Touques, de mars 2018 à décembre 2020, ndlr), parce qu’on avait besoin de moi à ce moment-là. J’avais déjà dans un petit coin de ma tête le Pôle international du cheval quand Antoine Sinniger (qui en était le directeur, ndlr) a eu d’autres opportunités professionnelles, et j’ai sauté sur l’occasion, en accord avec Philippe Augier, maire de Deauville, parce que le pôle était déjà bien installé depuis plus d’une dizaine d’années et qu’il y avait un programme intéressant de développement. Preuve en est, on récupère le CSIO de France Ligue 2 - un nouveau défi - et on va faire un programme de travaux important et conséquent dans les semaines et les années qui vont venir. Il y a donc tout une dynamique et un projet intéressant, d’autant que Deauville est une place forte du concours hippique aujourd’hui, ne serait-ce que par ses acteurs : Kévin Staut qui est à côté, mais aussi Mathieu Billot, Pénélope Leprévost… La moitié de l’équipe de France est dans les environs ! On le voit bien d’ailleurs à l’occasion des concours pros ou du New Tour (circuit indoor de valorisation et de commercialisation dédié aux jeunes chevaux, qui a lieu  à St Lô et au PIC de Deauville, ndlr), les grands cavaliers sont là. Et puis, le Pôle, ce n’est pas que du saut d’obstacles, c’est aussi du dressage, du horse-ball, du hunter prochainement, il y a beaucoup, beaucoup de disciplines ».

De quelles infrastructures disposent le Pôle ? C’est énorme, non ?
« Le Pôle, c’est grand et c’est pas grand. Il a été voulu il y a une douzaine d’années par Philippe Augier, qui sentait qu’il se passait quelque chose autour du cheval de sport. On connaissait tous Deauville pour le cheval de course et pour le polo, et Philippe Augier avait bien senti que le cheval de sport prenait une place prépondérante dans le pays d’Auge. Aujourd’hui, les plus grands élevages sont là, j’en veux pour preuve HDC, j’en veux pour preuve le Haras des Mégret, les cavaliers sont là, c’est une terre de cavaliers et c’est une terre de propriétaires. On a quatre activités, ce qui fait que parfois ça peut être compliqué à gérer. Ce n’est pas qu’un stade équestre, ce n’est pas qu’une école d’équitation, ce n’est pas qu’une écurie de propriétaires et ce n’est pas qu’un centre d’événementiels, c’est un mélange de tout ça avec ces quatre grandes activités qu’il faut réussir à concilier. On est sur neuf hectares d’un côté, pris entre la route et la ligne de chemin de fer, et de l’autre côté il y a encore une autre partie, dans une zone marécageuse, avec les contraintes que cela implique. C’est grand, et ce n’est pas grand en même temps : on n’est pas au Haras du Pin avec ses 1100 hectares ».

Combien  de boxes, combien de manèges ?
« Aujourd’hui, le Pôle c’est 3 manèges - 2 très grands et 1 plus petit pour les détentes - c’est 4 carrières, des ronds de longe, des marcheurs, et une centaine de boxes. Il y a en permanence 80 chevaux à l’entraînement tous les jours puisqu’on accueille aussi l’Académie Delaveau,  les cavaliers de haut niveau Robert Breul et Tony Hanquinquant, il y a également des cavaliers de dressage, des chevaux en pension, des chevaux de polo, et tout ça cohabite de façon très sympa. Nous développons aussi la possibilité offerte à chacun de venir en week-end avec son cheval. Ca a très bien marché pendant le confinement, l’année dernière ; on avait la chance de pouvoir accéder à la plage, donc les gens sont venus se confiner avec leur cheval. Nous avons une clientèle parisienne très importante, car nous ne sommes qu’à deux heures de Paris - on dit que Deauville est le 21e arrondissement de Paris ! - ce qui génère des pics d’activité pendant les week-ends et pendant les vacances scolaires ».

Tu parlais de développement ?
« Je ne peux pas tout dévoiler aujourd’hui, mais, par exemple, jusqu’alors l’arrosage aérien en surface des carrières était la norme. Maintenant on va vers de la subirrigation (réseau de canalisations installé sous le sable, ndlr). La carrière principale, qui fait 6 000 m², vient d’y passer. Et l’ensemble des carrières et la détente doivent être prêtes début juin pour accueillir d’une part le 2 étoiles, et ensuite le CSIO Ligue 2. On refait et on développe le parking aussi, qui va faire plus d’un hectare avec des bornes d’électricité. Dans la 2e phase, il est prévu de créer une vraie seconde carrière de compétition qui fera grosso modo 5 000 m²,  avec une autre détente, ainsi que d’autres projets aussi pour l’accueil des cavaliers et des grooms, incluant douches, sanitaires, etc.
Nous avons donc tout un programme qui va se dérouler sur quelques années, et c’est pour ça que nous sommes allés il n’y a pas très longtemps, avec mes collègues de Saint-Lô et du Pin, en Belgique et en Hollande pour voir comment ont été conçus les sites hollandais et belges, qui sont des sites très professionnels, de véritables plaques tournantes où tous les parcours sont systématiquement filmés, etc.
Il y a ces projets sur la partie compétition, mais on en a aussi pas mal d’autres autour de l’école d’équitation, comme le développement du bien-être : avec le Tigre Deauville (installé au sein du Spa Diane Barrière, ndlr) nous allons proposer des stages yoga-cheval par exemple. Nous accueillons aussi le salon du Conseil des Chevaux de Normandie sur l’innovation ».

Combien de personnes travaillent ici ?
« J’ai 12 salariés sur le Pôle, avec l’école d’équitation, et puis il y a tous les salariés des écuries de concours et de l’Académie. Il y a donc tous les jours entre 20 et 25 personnes sur place, avec des gros pics d’activité l’été ».

Et puis il y a le restaurant ?
« Il y a le restaurant, qui est confié en gérance à Jules Bertrand - un nom que les cavaliers connaissent - qui fonctionne forcément pendant les concours mais aussi tous les jours, car il y a une clientèle hors monde équestre qui vient parce que le site est agréable, parce qu’on y voit travailler les chevaux.
Autre partie importante, qui malheureusement était complètement à l’arrêt depuis deux ans, c’est la partie événementiels, à laquelle on loue parfois le manège pour des lancements de produits, pour des séminaires, de l’équi-coaching, etc ».

C’est un gros pôle d’activité commerciale aussi ?
« Le Pôle est support de cette activité, mais ne vend pas de chevaux directement. Une vente de poneys a été organisée l’année dernière pendant la tournée des As par Balsan Enchères, qui a très bien marché, et je suis ravi d’accueillir à nouveau Fences pour une vente de chevaux au mois d’août. Tant mieux si Deauville devient une plateforme commerciale pour les chevaux de sport, au même titre qu’elle l’est déjà pour le Pur-sang, parce qu’on a toutes les infrastructures. Le client qui vient voir les chevaux peut dîner, être reçu dans de beaux hôtels et passer un moment agréable au bord de la mer, il est à deux heures de Paris par l’autoroute. C’est la vraie force de Deauville, qui est connue partout dans le monde ! »

Propos recueillis par Etienne Robert

03/05/2022

Actualités régionales