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Femmes de cheval : Claire Bresson : d’une friche, elle a fait le haras de Gravelotte

Au bout de la rue du Breuil à Varennes-Jarcy (Essonne)il y a Claire Bresson et son élevage à l’affixe Gravelotte. La campagne à la ville, à 10 mn du RER, au carrefour des A5 et A6, proche des aéroports parisiens. Dense banlieue dans laquelle il est improbable de trouver une structure d’élevage et de sport équestre sur 28 hectares. Et pourtant elle existe et cohabite de la plus belle des façons avec son environnement apparemment loin des préoccupations du monde rural.


L’histoire du haras de Gravelotte remonte au début des années 2000. Il existait là une écurie de trotteurs qui allait cesser son activité. Claire, titulaire d’un monitorat et d’un Bac agricole et son compagnon de l’époque se portèrent acquéreurs du lieu, une écurie d’une trentaine de boxes et une piste de galop de 800 mètres au milieu d’une friche et de prés dans une boucle de l’Yerres, la rivière qui serpente à travers l’Essonne avant d’aller grossir la Seine. Au total 28 hectares à l’état brut. C’était en 1999. Lui, Belge et maréchal-ferrant avait été embauché par les écuries situées le long de la RN 20. Il avait en Belgique son élevage de chevaux de sport à l’affixe de Gravelotte (le nom de sa rue). « Nous décidons, raconte Claire, de rapatrier les chevaux ici et nous commençons les aménagements. La tempête de décembre 99 nous a rendu un grand service en déracinant tous les arbres. Nous avions obtenu de l’argent pour acheter la propriété mais nous n’en avions pas assez pour aménager et construire. J’ai commencé par niveler le terrain puis progressivement nous avons fait construire le manège (James), la carrière, le rond d’Havrincourt, le centre d’insémination, les stabuls, le club house, le hangar à paille, les appartements et…10 km de clôture en bois (Normandie Drainage) ».


Claire a mené de front l’élevage, le sport et trois maternités jusqu’en 2015. Enorme travail qui ne laissait aucun repos.


2015 : redistribution des rôles


2015, l’année du changement. Devant une situation économique difficile, elle décide de compartimenter les activités et redistribue les tâches. Elle garde le centre d’insémination pour lequel elle a sa licence d’inséminateur obtenue au haras du Pin, les naissances et les débourrages et les pensions. Elle confie à ses moniteurs freelances la gestion des cavaliers et des cours. C’est sur ce schéma que fonctionne maintenant le haras de Gravelotte. A la satisfaction de tous. Claire supervise l’ensemble et chacun gère son espace. Un espace global qui repose sur trois piliers : l’écurie de propriétaires (une trentaine), l’élevage et le centre d’insémination (un minimum de 60 juments chaque saison) confié à Adeline Dovin, inséminatrice qu’elle aide si nécessaire et garde l’élevage, les naissances, les débourrages et surtout l’étalonnage.


Votre domaine, c’est tout ce qui touche à l’élevage ?


« Moi c’est principalement l’élevage, l’insémination, les débourrages et les mises au travail des jeunes chevaux. Dans l’orientation des concours on fait deux concours de dressage par an ici avec les freelances et il y a aussi les concours modèle et allures d’Ile-de-France qui ont lieu là pour les foals, les poulinières suitées et les poulains de 2 ans et 3 ans avec une vingtaine d’engagés chaque fois. »


Ce système vous donne satisfaction ?


« Nettement. Parce que, déjà, je choisis les cavaliers à qui je confie mes chevaux. Jérôme Hurel, depuis 3 ans maintenant, en fait partie. C’est un as, il met les chevaux en valeur de façon formidable. En plus c’est un artisan, un besogneux, sa méthode de travail me correspond bien. A moi ensuite de les vendre et je les vends beaucoup mieux que lorsqu’on était tourné sur nous-mêmes et qu’on travaillait entre nous.


Ils sont mieux valorisés, mieux montrés, mieux exploités. Avant je manquais un peu de recul pour juger le potentiel de mes chevaux. Quand on travaille avec des gens d’expérience, c’est nettement plus facile de savoir ce qu’on pourra faire du cheval. C’est une belle vitrine. Au final il emmène les chevaux de belle manière et les chevaux sautent au mieux de leurs capacités et du coup on les vend mieux. Je travaille aussi avec un autre cavalier de la région, Gwenaël Caro également très talentueux ».


Combien de poulinières aujourd’hui ?


« J’en ai eu jusqu’à 10 mais j’ai réduit. Cette année j’ai la For Pleasure-Cassini I, qui est suitée de Glasgow, j’ai une Berlin et sa sœur x Canturano, et la dernière, la Cassini I. J’ai gardé les meilleures lignées en fait ».


Ce sont des mères qui ont été performantes en concours ?


« Non, aucune. Je ne fais pas mes choix comme ça. Je mets les pouliches très jeunes à l’élevage quand elles me plaisent en liberté, dans le modèle, dans le papier et après les avoir fait sauter en liberté. Après elles ne vont pas nécessairement tourner. Elles viennent de familles où tout le monde a sauté 140 et plus. La Berlin et la Canturano ont des sœurs qui ont tourné en 140, la mère, elle, avait deux sœurs qui ont fait Coupe du Monde. Donc du côté de la mère c’est stable, du côté des frères et sœurs il y en a une, la grise Bellissima Gravelotte (Berlin), qui tourne avec Margaux Bost. Les Bost ont racheté une autre de ses sœurs, une Calvaro qui est aussi intéressante. Jérôme tournait aussi avec un des frères qui a fait 145-150. Toute la famille a été testée. C’est un indice fiable pour la réussite. Il y en a une autre qui était à Oliva avec Stève Guerdat. Elle avait été vendue un bon prix à Willy Melliger. C’est la fille d’une Cornet Obolensky qui est chez Gwenaël ».


Et le choix de étalons, c’est résolument étranger ?


« Non, ce n’est pas résolument étranger parce que j’ai aussi Carbone du Cyan SF qui est un Diamant, avec une mère étrangère, certes.


J’ai tout le catalogue VDL donc je ne me pose pas la question de savoir si c’est étranger ou pas. La question est de savoir si le cheval me plait ou pas. Franchement je ne raisonne plus entre Français ou pas Français. C’est, est-ce que ça me plait, est-ce que ça ne me plait pas, le restant a peu d’importance aujourd’hui. Après je trouve ça très bien que des gens fassent le Selle-Français originel, l’Anglo originel, tout ce qu’on veut, je trouve ça très bien qu’il y ait des gens qui travaillent les races, qui sont les artisans d’une race, moi en l’occurrence j’ai commencé avec le BWP parce que mon ex-mari est Belge, et du coup le BWP c’était l’influence du Selle-Français et du Hannovre avec un petit coup de Holstein. Alors c’est un peu compliqué de se prétendre d’un stud-book quand on part avec des juments comme ça. Je n’ai pas eu cette culture en fait, comme je n’étais pas dans les chevaux avant. Je « montouillais » de façon très, très touristique chez moi dans mon jardin, j’ai fait un petit peu de concours avec un cheval que mon père avait, un croisé trotteur. C’était hyper, hyper amateur. Je ne sais pas si je suis professionnelle maintenant mais avant c’était extrêmement amateur, et du coup, je n’ai pas cette culture. J’ai appris avec des Belges au milieu de la Belgique, je n’ai pas du tout la culture du cheval originel Selle-Français ».


Combien de poulains par année ?


« Maintenant j’en ai entre 3 et 4. L’objectif c’est ça, c’est de diminuer et de rester entre 3 et 4. Ce n’est pas qu’une raison économique, c’est surtout parce que j’ai trois petites filles aujourd’hui, la plus grande a 9 ans et la plus petite 4 ans. Les chevaux ça prend pas mal de temps si on veut bien faire, alors la mère des chevaux comme dit le dicton n’est pas morte par contre mes filles quand elles auront 18 ans ce sera trop tard. Donc, chaque chose en son temps et il y a des parenthèses que j’ai envie d’ouvrir : m’occuper d’elles, sans quitter les chevaux mais sans non plus m’asphyxier dedans ».


Partenariat avec Eurogen


Un partenariat avec Eurogen fait du haras de Gravelotte un lieu de récolte et de congélation pour les étalons des éleveurs d’Ile-de-France. « C’est un échange de compétences gagnant-gagnant, précise Benoit Lepage, patron d’Eurogen. Ponctuellement, nous récoltons et congelons la semence des étalons qui sont stationnés dans cette région. Placé à proximité du centre de Grobois, le haras de Gravelotte est idéalement situé. Nous récoltons la semence des pur-sang et des trotteurs pour l’export. La logistique pour l’envoi de la semence se trouve à Carentan (50) ».


Les opérations de transfert d’embryons se font en collaboration avec Marc Spalart à Equitechnic.


Etienne Robert


11/04/2019

Actualités régionales