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Femme de cheval - Hélène Herrmann : une Parisienne à la campagne

  • Gulliver Champeix AA
    Gulliver Champeix AA
  • Julien Epaillard/Virtuose Champeix
    Julien Epaillard/Virtuose Champeix
Pas banale, l’histoire d’Hélène Herrmann et ses Champeix. Rien, apparemment, dans ses gènes ne la prédestinait à une telle aventure dans l’élevage et dans la « fabrique » de champions. Car ce sont bien des champions qui sont sortis de ses écuries de la Creuse où elle s’est enracinée. De Guarana Champeix qui fit une carrière internationale avec Rafi (Rutherford Latham) à Virtuose Champeix qui aurait sans doute mené Julien Epaillard aux JO de Tokyo, le catalogue Champeix est riche de chevaux dont l’histoire se souviendra. En 40 ans de carrière, et ce n’est pas fini, celle qui fait encore naître une quinzaine de poulains chaque année, pionnière dans la création d’un centre de repro dans sa région, prend une part active dans les institutions aussi bien SF que Anglo. Elle raconte.

« J’ai débuté d’une façon assez particulière parce que je suis née à Paris d’une famille de Parisiens, qui n’étaient absolument pas dans le monde du cheval et moi depuis toute petite je collectionnais des photos de chevaux et je ne rêvais que de monter à cheval. Et lors de vacances, mes parents nous ont emmenés en Camargue, je suis montée pendant un mois sur des camarguais du matin jusqu’au soir et en revenant le virus du crottin était pris. Donc ils m’ont inscrite au centre équestre du Touring Club de France à Paris et j’ai commencé à monter en concours à l’âge de 18 ans.

J’ai acheté mon premier cheval avec mes premiers sous d’étudiante puis je suis partie pour raison professionnelle dans le Sud Ouest où j’ai eu mes premières juments, j’ai fait du Complet, j’ai fait du CSO en région parisienne, et quand je suis, pour des raisons familiales, remontée de Rodez jusque dans la Creuse, qui est vraiment un pays d’élevage, j’ai mis mes juments de concours à la reproduction. Et de là est partie ma passion pour l’élevage. J’ai utilisé des étalons Anglo-Arabes qui étaient stationnés dans le coin à l’époque parce qu’il n’y avait pas d’insémination ni rien et j’ai fait naître mes premiers poulains dans la Creuse ». 

Du notariat à l’élevage

« Jusqu’à Rodez j’étais dans le notariat. Le cheval c’était ma passion et mon loisir, et suite à ma séparation avec mon mari, mon petit Corse, je me suis retrouvée seule dans la Creuse où des amis m’ont hébergée et m’ont dit « eh bien voilà  tu as tout ce qu’il faut pour t’occuper du centre équestre  de Chénérailles pendant l’été ». Là j’ai eu un bon entraîneur qui s’appelait (il est décédé) Michel Gaume, un vétérinaire, instructeur et président de la ligue d’Auvergne à l’époque. C’est lui qui m’a tout appris : autant à perfectionner mon équitation avec des stages à Saumur qu’à m’enseigner les bonnes pratiques de l’élevage en m’aidant dans les soins à mes poulinières, en me conseillant  dans le choix des étalons et des croisements. 

Je me suis installée définitivement là où je suis toujours, au Haras de Champeix à Parsac à La Chapelle. Et ça s’est fait en 1980.

J’allais de la conception jusqu’au débourrage, et j’ai sorti mes premiers chevaux. J’ai marqué une pause à la naissance de mon fils unique et j’ai été la première à ouvrir un centre d’insémination artificielle dans le Limousin en 1990.  

J’avais pris à l’époque une part de l’étalon Kissovo (Starter, Rantzau, Night and Day), qui était en syndication avec Bernard Le Courtois. Le cheval était à Libourne chez Le Normand. Il a fallu sur une saison faire de nombreux déplacements, et je me suis dit qu’il fallait créer un centre à la maison pour inséminer et éviter ces coûteux et longs trajets. J’ai donc créé le centre d’insémination qui existe toujours, et on insémine toujours ici ».

Donc l’histoire a commencé avec Kissovo ?

« Comme premier étalon pour le centre d’insémination, oui. Et mon premier étalon maison, que je montais, c’était Calice II, Anglo-Arabe, par Thalian. Ce cheval-là je l’ai monté en compétition, en dressage à assez haut niveau. Il faisait la monte en main à la maison. Il a été le départ de toute une souche, celle de Désir Champeix entre autres, souche de beaucoup d’étalons et de chevaux qui ont tourné à haut niveau. C’était vraiment le début des poulains Champeix ».

Pourquoi Champeix ?

« Quand je suis arrivée dans la Creuse des amis m’ont prêté une résidence secondaire où il y avait des boxes. C’était un tout petit lieu-dit où il y avait 4 maisons autour d’une mare, et le lieu-dit s’appelait Champegeix, j’ai trouvé ça trop long et pas beau comme affixe. J’en ai fait un diminutif  avec Champeix. Je me souviens encore aujourd’hui quand mon premier poulain est né, je me suis dit « Champeix c’est bien et parce que ça pète et ça va faire des champions, ça va péter comme un bouchon de champagne ».

Champeix ça fait une belle série de cracks chevaux ?

« Le premier vrai crack cheval c’est Guarana Champeix (Rivage du Poncel et  Pariade de Pierre x Jalisco). Il a fait 2 fois finale Coupe du Monde, a gagné Jerez, a fait énormément de concours internationaux avec Rafi et fut très fort indicé.  Je l’avais vendu foal à Olivier Jouanneteau, et déjà à l’époque ça représentait beaucoup d’argent, ensuite il a été acheté par le haras de la Bosquetterie où il est en retraite heureuse maintenant. Nous avons eu dans cette lignée-là beaucoup de champions puisque deux de ses frères ont tourné à haut niveau dont un acheté foal par Pascal Cadiou qui l’a exporté aux Etats-Unis. C’est la souche de Maestro de Champeix (Bayard d’Elle et Pariade de Pierre) ». 

Comment est-elle née cette souche ?

« J’avais des clients parisiens qui venaient au centre d’insémination. Ils avaient une jument qui était en Creuse toute l’année, venait avant le poulinage et repartait inséminée dans leur terre du côté de Fresselines. Une année la propriétaire est arrivée en me disant qu’elle allait vendre ses deux meilleures juments et que j’avais la priorité. Mais il fallait faire vite. J’ai trouvé l’argent pour acheter Pariade de Pierre (Jalisco B et Garry Pierre x Laurier), qui est devenue la mère de Guarana, de Maestro et de beaucoup d’autres. Et j’ai une très bonne jument de cette souche, sa fille, Inula (Paladin des Ifs) que j’ai conservée, qui a été montée et qui a fait 20 sans-faute sur 20 sorties à 5 ans, qui a été à Lanaken. Elle est revenue à l’élevage et m’a fait beaucoup de très bons poulains. Elle a 24 ans et suitée cette année, et j’ai récupéré deux de ses filles qui sont poulinières à leur tour, dont une fille de Diamant qui a très bien tourné. C’est vraiment très, très bien. C’est une souche selle-Français à 10/10 que j’essaie de conserver en croisant avec du SF originel ». 

Tu as une  passion pour l’Anglo ?

« J’ai commencé en faisant saillir toutes les juments, même Selle-Français, par des Anglos du coin, il y a 40 ans, puisqu’il n’y avait pas d’insémination et on avait des stations de Haras dans tous les villages avec un étalon Anglo de Pompadour, et ça a fait de très bons chevaux que j’ai vendus aussi bien à des professionnels qu’à  des amateurs. J’ai toujours conservé des juments poulinières Anglo. En ce moment j’ai deux bonnes juments Anglo qui m’ont donné, l’année dernière  Ulyssa Champeix (Milor Champeix), et deux Upsilon : Follow Me Champeix, qui a été finaliste et classé Excellent en finale de Complet à Pompadour l’année dernière, monté par Cédric Lyard et vendu en Angleterre dans une très bonne écurie de Complet. Son propre frère Gulliver Champeix,  a été le seul Anglo à monter à Saint-Lô en décembre 2019, pour la qualif étalons Selle-Français.

Il a été approuvé et sort cette année en Cycles Classiques CSO, monté par Victor Bernardin, un cavalier établi à Vierzon au Centre Equestre de la Picardière. C’est lui qui m’a préparé tous mes 2 ans qui ont été à la qualif étalons Selle-Français du mois de février. C’est quelqu’un de très sérieux qui monte très bien. Et en parallèle de ça, j’ai réussi quand même à passer le virus à un de mes neveux,  Jean-Marc Leguennec-Herrmann, qui monte en Normandie et qui est actuellement chez Emmanuel Vincent. Il a toujours 2-3 Champeix à monter qu’il commercialise sur la Normandie ».

Parle-nous de Virtuose, le bien nommé

« Virtuose Champeix (Rubins des Bruyères et Libertine de la Loge x Avec Espoir) est né à la maison, je l’ai conservé jusqu’à l’âge de 7 ans. Il a toujours été monté par Jeroen Zwartjes en Normandie. Le hasard a fait que j’ai rencontré des clients de Jeroen en jugeant à Lamotte-Beuvron,  parce que ces gens-là avaient aussi des poneys. Leur fille, Marie de Pellegars, avait vu Virtuose chez Jeroen et voulait l’acheter. L’affaire fut faite mais quand ils se sont aperçus tous qu’ils avaient un crack entre les mains, M. de Pellegars l’a emmené avec Jeroen chez Julien Epaillard, qui l’a essayé, qui l’a gardé, et qui l’a fait acheter à M. Sadran, de l’écurie de Chev’el. On avait tous quand même beaucoup d’espoir de voir Virtuose cette année aux Jeux Olympiques. Julien Epaillard malgré tous les très très bons chevaux qu’il a dans ses écuries, a toujours dit que sans aucune hésitation il prendrait Virtuose Champeix qui est un cheval droit, qui ne s’arrête nulle part, qui n’est pas émotif, qui n’est absolument pas limité par la hauteur des obstacles ». 

Dans le registre virtuose, il y en a eu d’autres...

« Ilor Champeix (Ryon d’Anzex et Fille Champeix x Tango de Brejoux) pur Anglo-Arabe a été vendu aux Haras Nationaux. C’est un des rares Anglo-Arabes à avoir été finaliste à 4 ans, 5 ans, 6 ans et 7 ans, et à 7 ans il rentre dans le championnat dans les 25 meilleurs de la finale, donc un Anglo hors norme. Il y a eu aussi Désir Champeix, un anglo de complément fils d’Obéron du Moulin et de Vilice la Jarthe x Calice II. C’est ma souche avec Calice. Il a été repéré par Francis Mas, acheté par les HN après la finale des 4 ans et monté par Bernard Duhamel. Il a fait une grande carrière internationale avec une production remarquable ».

Tu fais partie du Conseil d’Administration de l’ANAA ?

« Oui, en fait je suis juge Selle-Français depuis très longtemps, ça m’a énormément appris d’être juge autant Selle-Français que Anglo-Arabe. Je pense que j’ai un regard très juste et très sévère sur tous mes poulains personnels. Il faut savoir  ramener ce qu’il faut dans les croisements, et savoir dire « oh là là, finalement ça ne va pas » ou « ça, ça va faire un bon ». Et en plus, effectivement, je me suis beaucoup investie du temps de Jean-Bernard Bernachot dans l’ANAA, et je suis toujours depuis très longtemps, présidente de la Commission Sport et Elevage de l’ANAA ».

La race Anglo se maintient plutôt bien en ce moment ?

« Ça s’est toujours bien maintenu dans les deux sens du terme, c’est-à-dire que dans les croisements  on retrouve toujours un peu d’Anglo-Arabe dans les souches basses mais il faut du vrai Anglo pour pouvoir faire de l’Anglo de croisement. Les étrangers achètent régulièrement des Anglos et ils aiment beaucoup, c’est du sang qu’ils recherchent.

L’Anglo se maintient par le Concours Complet qui est quand même sa discipline de prédilection. Je pense que les cavaliers de CSO freinent un peu dès qu’on leur dit Anglo. Ils ont encore beaucoup de préjugés. Il faut leur amener dans leur cour pour qu’ils veuillent bien les essayer alors que ceux qui en ont sont très contents. Par exemple, je travaille avec Aurélien Lafargue dont l’étalon Rock’n Roll Animal est à la maison. Quand on voit qu’un étalon comme Potter du Manaou a eu de la demande pour partir en Normandie et qu’il travaille bien, c’est bien que les Normands eux-mêmes remettent du courant de sang Anglo-Arabe comme le faisait M. Leredde pour imprégner la race Selle-Français et l’Anglo fait du bien à tous ces croisements qui ont du sang étranger ».

Des bébés Champeix  à Pompadour cette année?

« S’ils sont qualifiés je devrais en avoir. Je pense aussi avoir de très bons Selle-Français et pouvoir aller à la finale à Saint-Lô. En plus moi ça m’arrange qu’elle soit décalée cette finale, parce que le championnat des foals au 15 août c’est impossible pour moi d’y aller, on n’a même pas fini la saison de monte, on a des poulains qui sont tout petits et on demande à nos juments de faire 600 km par une chaleur torride. Je n’y allais plus. Cette année c’est le 2 et 3 septembre, c’est un peu plus tard, la saison de monte sera terminée, on va s’arranger avec Victor Bernardin pour y aller en camion. Je vais peut-être enfin retrouver la route du championnat des foals que j’avais zappée depuis beaucoup d’années ».

E. R.

26/06/2020

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