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Comment équilibrer une ration alimentaire en 5 étapes ?

Chronique VétérinaireJe donne à mon cheval du foin et deux mesures de granulés. Est-ce bon ? Des questions comme celles-là, j’en ai tous les jours. Et force est de constater que je suis totalement incapable d’y répondre. Est-ce suffisant ou pas ? Le cheval coure-t-il tout droit à la fourbure ou au contraire va-t-il devenir cachectique dans les semaines à venir ?En fait, je n’en sais rien… enfin, j’ai quelques idées générales bien sûr mais pour donner une réponse précise, il me faut en plus un certain nombre d’ingrédients : une tonne de feuilles, une calculette, un stylo, 3 ou 4 bouquins, un litre de café et quelques cheveux en moins. Photo 1 sur 1  

Mais non, quand on est un vrai pro, on sait bien ce qu’il faut donner !
Ah oui ? Alors comment expliquer que les agriculteurs calculent les rations de leurs vaches laitières, de leurs porcs ou de leurs volailles ? Soit ils n’y connaissent rien de rien, soit ils ont du temps à perdre pendant les longues soirées d’hiver au coin du feu, soit… le calcul est utile… même pour des pro !

De toutes façons, moi je n’ai aucun problème. Je lui donne du foin et du granulé et ça marche !
Si vous voulez dire par là que le cheval tient debout, oui évidemment. Mais si nous avons affaire à un animal un peu délicat comme un jeune poulain, une jument allaitante ou un vieux cheval ou que nous attendions de notre animal des performances sportives, c’est une toute autre affaire. Une erreur d’alimentation peut avoir des conséquences graves compromettant l’avenir voire la survie de l’animal.
Et même dans le cas du cheval à l’entretien sur son pré, il est souvent possible d’améliorer sa ration pour qu’il soit plus en forme, pour qu’il ne développe pas de pathologie alimentaire, pour qu’il vieillisse bien...
Nous passons des heures à peaufiner les méthodes de dressage, à nous enquérir des nouvelles idées, à regarder le matériel, à nous former… Nous achetons des compléments à des prix à faire pâlir d’envie un négociant en caviar… Et nous n’avons jamais étudié la ration de notre cheval, les yeux dans les yeux ?
Calculer une ration, c’est aussi comprendre le cheminement qui préside à son établissement.

Et pour cela, seulement 5 étapes :
1. Faire un état des lieux.
2. Estimer ses besoins.
3. Calculer sa ration actuelle.
4. Comparer sa ration actuelle à ses besoins.
5. Rectifier la ration, si nécessaire.
Je précise tout de suite que le problème est strictement le même que vous soyez face à un cheval ou à un poney ou à un âne : mêmes unités, même structure de raisonnement, mêmes cheveux en moins. 

Étape 1. Faire un état des lieux
La première chose à faire est d’établir un état des lieux de votre cheval.

a. Estimer son poids actuel
Il y a quelques chanceux qui ont une balance pour peser le bétail (ou dont le voisin agriculteur est très sympa). Pour ceux-là aucun problème.
Pour tous les autres, la seule solution est l’estimation. Le pifomètre n’est pas forcément mauvais mais… c’est du pif. Il reste cependant la seule méthode lorsque vous avez un animal un peu – ou beaucoup – farouche. Il est acceptable si vous avez l’habitude et en outre que vous êtes dans une situation non critique : en gros, si vous faites une erreur, vous ne la payerez pas trop cher et vous aurez le temps de la rectifier avant d’avoir des soucis.
Sinon, vous utilisez les différentes équations des Haras Nationaux ou de l’INRA vous donnant le poids à partir du périmètre thoracique et pour certaines de la hauteur au garrot. Il existe aussi des rubans barymétriques qui permettent de déterminer directement le poids du cheval et qui sont adaptés soit aux poulains sevrés soit au cheval adulte.
Attention, pour les poulains, les tables se basent sur le futur poids adulte. Alors là, c’est à la louche.

b. Estimer son état d’engraissement
Là, je ne vous parle pas esthétique façon maillot de bain sur la plage. Je vous parle santé. Votre cheval peut être trop maigre ou trop gros. Un peu ça va, beaucoup bonjour les dégâts… et l’un n’est pas meilleur que l’autre.
Il est donc souhaitable de naviguer en fonction de la situation entre légèrement maigre et modérément charnu.

Regardez votre cheval :
• Les côtes :
Elles sont visibles mais recouvertes d’une légère couche de graisse = légèrement maigre
On ne peut plus les voir mais on peut les sentir = modérément charnu

• Le dos
Les vertèbres sont légèrement proéminentes = légèrement maigre
Le dos est plat mais charnu = modérément charnu
La croupe « double » hors race de trait et cob, est un indice d’un animal trop gras. Chez ces derniers, attention à ne pas confondre les masses musculaires normales pour ces races avec des dépôts de gras qui sont aussi nocifs pour elles que pour les autres.
Et quelle que soit la race, l’encolure ne doit jamais faire de bourrelets au niveau de la crinière.
Un état d’engraissement insuffisant ou trop important doit amener à augmenter ou à modérer la ration de 10 % maximum.
Si vous êtes proches de la limite haute ou basse, il est généralement suffisant d’avoir une politique plus « radine » ou plus« généreuse » au moment de la distribution… le fait de mettre simplement une mesure bombée ou tout juste remplie aura alors une efficacité certaine mais toute en douceur.
Vous voilà donc avec un coefficient d’état : - 10 %, 0 ou + 10 %.
Vous noterez qu’entre un animal trop maigre et un trop gras, cela fait quand même 20 % d’écart. C’est non négligeable !

c. Noter son état physiologique
• Croissance : jusqu’à 3 ans.
• Gestation : à partir du 8e mois.
• Lactation : en fonction du stade (et donc de la date de naissance du poulain). Pour faire simple, montée de la production laitière pendant les deux premiers mois puis décroissance lente.
• Travail : intensité et durée (valable pour un travail régulier). Une correction est à apporter pour le cheval de compétition brusquement mis au repos.
• Reproduction : pour l’étalon.
• Age : vieux chevaux (les jeunes sont pris en compte dans la croissance).
• Race : cheval de sang ou non, poney.
• Maladies récentes ou en cours : peuvent avoir des répercussions sur les contraintes de la ration.

Une fois cet état des lieux fait, vous pouvez passer à l’étape suivante à savoir estimer les besoins de votre cheval.

Étape 2. Estimer ses besoins
Si vous avez de la chance, vous avez un animal « classique » façon cheval de selle de 500 kg ou cheval lourd de 800 kg. Dans ce cas, il existe des tables qui vous donneront par simple lecture, ses besoins.
Je vous entends déjà : « Et ces tables, je les trouve où ? », c’est là que le bât blesse !
Pour les besoins alimentaires, les explications les plus claires sont celles de Wolter (Alimentation du cheval, Éditions France Agricole, 2008).
Malheureusement, un peu plus loin dans le raisonnement, nous aurons besoin des tables de composition chimique des aliments que Wolter ne donne pas. Et là, je pense que la meilleure solution est le livre coordonné par Martin-Rosset (L’alimentation des chevaux, INRA, 1990). Le nouveau qui vient de paraître du même coordonnateur (Nutrition et alimentation des chevaux, Savoir-faire, éditions Quae) est complet mais les chapitres sont inégaux selon les auteurs et en plus, il est assez indigeste… ce qui est le comble pour un livre sur l’alimentation !
Revenons à notre cheval qui pour l’instant salive toujours en vain…
Prenons le cas d’un cheval à l’entretien c’est-à-dire adulte, hongre ou jument n’effectuant aucun travail particulier, ni en gestation, ni en lactation, ni en période de monte (chiffres INRA). Son poids est le facteur déterminant de ses besoins.

Poids Vif kg

UFC

MADC
g/j

P
g/j

Ca
g/j

Cu
mg/j

Zn
mg/j

450

3,8

247

13

18

78

388

500

4,1

267

14

20

85

425

550

4,5

293

16

22

95

475

600

4,8

312

17

24

103

513

700

5,1

357

20

28

100

500

800

5,6

392

22

32

110

550

Quelques remarques sur ce tableau :
Petit rappel : UFC = Unités Fourragères Cheval… c’est de l’énergie. MADC = Matières Azotées Digestibles Cheval… c’est de l’azote sous forme de protéines ou non. P = phosphore. Ca = calcium. Cu = cuivre. Zn = zinc
Vous constaterez que les besoins augmentent globalement avec le poids.
Le petit fléchissement des besoins en Cu et en Zn entre 600 et 700 kg vient d’une différence de race. A 600 kg vous avez un grand selle puissant. A 700 kg, vous avez un cheval de trait, plus rustique.
Certains chevaux, même lorsqu’ils ne travaillent pas, ont des dépenses supérieures. C’est le cas des chevaux à forte musculature. Ainsi on compte 10 % de plus (UFC, MADC) pour un trotteur ou un galopeur de course, même s’ils sont au repos depuis plusieurs semaines. Cela peut être aussi le cas au début si vous récupérez un réformé des courses. Sa masse musculaire souvent assez élevée entraîne un besoin alimentaire plus important.
De la même façon, le simple fait que le cheval soit un entier fait qu’il est plus « remuant ». Il faut donc lui donner un rab de 10 % même s’il ne se reproduit pas.

Pour les poneys, à l’entretien, on obtient :

Poids kg

UFC

MADC
g/j

P
g/j

Ca
g/j

Cu
mg/j

Zn
mg/j

200

1,7

122

6

8

34

170

300

2,4

173

8

12

51

255

400

3,2

230

11

16

69

345

Pour résumer la démarche :
1. Vous trouvez la table qui correspond à votre cas : Cheval ou poney de tel poids.
2. Vous regardez en fonction de son état physiologique et du travail demandé. Attention, dans certaines tables, il faut ajouter le besoin « travail » ou « gestation » et le besoin « entretien », dans d’autres, c’est déjà fait.
Cela va sans dire, mais si vous avez une jument qui est allaitante et qui travaille, il faut estimer les différents besoins (donc si vous avez une table qui donne les besoins globaux : entretien + travail et entretien + lactation, il faut faire la somme des deux puis retirer une fois le besoin d’entretien).
De même, vous pouvez avoir un jeune en croissance qui travaille, ou une jument saillie à 2 ans et qui n’a pas fini sa croissance.
Et on n’oublie pas les 10 % de plus pour les chevaux de sang et les entiers !
3. Vous obtenez donc les besoins énergétiques (UFC), les besoins protidiques (MADC), assez souvent les besoins en calcium (Ca), Phosphore (P) et de plus en plus souvent les besoins en Zinc (Zn) et en cuivre (Cu).
4. Une ration ne nourrira votre animal que s’il l’a mange (bonjour Monsieur de La Palisse). Il faut donc éviter qu’elle ne soit trop volumineuse, sinon il aura « l’estomac plein » alors qu’il n’aura pas mangé assez (c’est le principe de certains produits amaigrissants : du lest, beaucoup de lest !). Ce problème est crucial pour les poulains qui ont une petite capacité digestive.
Il faut entre 1,5 et 2 kg de matière sèche (MS) / UFC pour un cheval à l’entretien mais ce rapport peut s’abaisser jusqu’à 1,2 pour un cheval de sport. On parle de densité énergétique ou d’encombrement de la ration.
Si vous voulez faire une estimation à la louche de la quantité de matière sèche, au milieu de l’écurie, vous prenez le poids et vous le multipliez par 0,9 pour une paille ou un foin aggloméré ; 0,86 pour une céréale ; 0,85 pour un foin classique ; 0,40 pour un enrubanné et 0,20 pour de l’herbe. Cela vous donnera un ordre de grandeur.
5. Pour que votre cheval soit correctement alimenté, il faut respecter un certain nombre de rapports comme :

  • Le rapport protidoénergétique (g de MADC/UFC) qui doit être au minimum de 70 pour un cheval à l’entretien ou à l’entraînement, de 80 en gestation, 90 en lactation, 120 pour un jeune poulain et 100 pour un yearling.
  • Le rapport phosphocalcique (Ca/P) qui correspond à votre situation. C’est simple, il est de 1,5 pour l’entretien, la gestation et la lactation et de 1,8 pour la croissance et le travail. Ce n’est pas un chiffre absolu mais il faut se rappeler qu’il doit toujours être inférieur à 3 pour éviter des problèmes osseux.

Étape 3. Calculer sa ration actuelle
Maintenant que vous connaissez par cœur les principes de l’établissement d’une ration et que vous savez tout sur votre cheval et plus encore, intéressons-nous à ce qu’il mange.
Il existe plusieurs méthodes pour établir une ration : graphique, informatique… Elles sont intéressantes pour celui qui a tous les ingrédients à sa disposition et qui doit formuler un aliment.
Mais dans le cas le plus fréquent, j’ai un foin. C’est celui-là et pas un autre. C’est un foin d’été fait dans le pré à côté de chez moi. Évidemment, pour ma ration, ce serait peut-être mieux si j’avais un foin de printemps fait à Pétaouchnock mais je n’ai pas de baguette magique… il faut donc faire avec ce qu’on a.
De même, la plupart des gens ont un ou deux fournisseurs d’aliments accessibles. Peu importe qu’à l’autre bout de la France on fasse un aliment qui correspond pile poil à ce dont on a besoin. Quand on n’en achète pas 15 tonnes, aucun moyen de se faire livrer.
Donc en pratique, la méthode la plus efficace est d’estimer ce que l’on apporte et de voir comment on pourrait corriger l’existant pour se rapprocher davantage de l’idéal.
Estimer ce que l’on apporte c’est connaître les quantités d’une part et la composition d’autre part.

a. Connaître les quantités
Sauf pour les concentrés industriels qui souvent donnent la densité sur l’étiquette (1litre = x kg), le volume donné n’est pas une information facilement utilisable pour le calcul.
Pour les petits volumes, la solution est de préparer une ration comme d’habitude et de peser sur une balance de cuisine, éventuellement en plusieurs fois.
Évidemment si vous avez plusieurs ingrédients non mélangés, il faut les peser un par un.
Pour les volumes plus importants comme le foin, cela peut poser problème si on n’a pas le matériel adéquat. Il reste toujours la solution de faire une balance rudimentaire avec un manche de fourche, suspendu en son milieu. On met un poids connu d’un côté et on équilibre de l’autre. Évidemment si vous disposez d’une balance romaine ou d’une balance électronique, c’est le top.
Une autre solution est le pèse-personne. On met le tas comme d’habitude. Une personne se pèse, puis à nouveau avec une partie ou la totalité du foin dans les bras. Par différence, on connaît le poids du foin.
Une autre méthode est de voir combien de temps le cheval met à consommer une quantité connue : un round me fait x jours. La difficulté est que, dans ce cas, on a généralement un chiffre moyen pour plusieurs chevaux. D’un autre côté, si les chevaux sont ensemble, c’est bien une consommation moyenne par cheval…

b. Déterminer la valeur nutritive de chaque aliment
Disons-le tout de go, le nec plus ultra, c’est l’analyse. Certaines écuries le font.
Une analyse donne généralement la teneur en matière sèche, en matières azotées totales (méthode Kjeldhal), matières minérales, lipides, cellulose brute (méthode Wende), pour nos amis canadiens NDF et ADF (Neutral Detergen Fiber et Acid Detergen Fiber, méthode Van Soest), Calcium, Phosphore et éventuellement d’autres minéraux. Certains laboratoires, à partir des données de l’analyse et des équations établies par l’INRA, vous donnent directement les valeurs en UFC et en MADC.
Mais pour l’immense majorité des propriétaires de chevaux, il convient de faire une estimation honnête des caractéristiques nutritives de chaque aliment.
Et c’est là qu’on reparle des tables, tables de valeur nutritive cette fois !
Notez que je parle toujours des tables INRA parce que je suis en France. Mais vous pouvez aussi bien utiliser les tables du NRC. Cependant, il est indispensable d’utiliser les mêmes sources pour les estimations des besoins et des apports. Sinon, on peut très facilement faire des erreurs grossières.
Si vous donnez des céréales ou leurs dérivés comme le son ou la paille, des tourteaux, des carottes, des betteraves, de la mélasse, du manioc, des huiles… vous trouverez leurs caractéristiques nutritionnelles assez facilement. Attention à ne pas se tromper entre les chiffres donnés en fonction du produit brut et ceux donnés par rapport à la matière sèche du produit.
Le principal problème est le foin. Si vous ne voulez pas faire une analyse, vous devez vous en faire une idée à partir du type de prairie, de l’espèce végétale, de la date et des conditions de récolte. Sinon, vous pouvez visuellement déterminer une bonne partie de ces données.
Ensuite, vous recherchez dans la table le foin qui ressemble le plus au vôtre.

c. Cas particulier du cheval au pâturage
Le pâturage est un paradis pour les chevaux et un enfer pour les nutritionnistes !
En effet, l’estimation des quantités ingérées au pâturage est plus que pifométrique.
Et la valeur nutritive de l’herbe change en permanence.
Dans ce cas, à contrario de tout ce que je vous ai raconté avant, la solution est souvent d’estimer l’herbe, sa qualité, puis de recourir à des tables particulières qui vous donnent les quantités que votre cheval est susceptible de manger. Sachant cela, vous estimez ce que l’herbe peut lui apporter, s’il est nécessaire de complémenter et de combien.
Oui, je sais, c’est de la haute voltige !

d. Exemple de calcul
Vous vous retrouvez donc avec un cas de ce type :
Vous donnez 7 kg de foin de ray-grass anglais 1er cycle début floraison : il fournit vous dit la table 0,45 UFC par kg. Vous lui apportez donc 7 x 0,45 = 3,15 UFC avec le foin.
Vous apportez aussi 1 kg par jour d’un mélange 2/3 orge 1/3 avoine soit 0,67 kg d’orge et 0,33 kg d’avoine. L’orge est à 1 UFC et l’avoine à 0,87 UFC par kg. Vous apportez donc avec les céréales : 0,67 x 1 (pour l’orge) + 0,33 x 0,87 (pour l’avoine) soit 0,67 + 0,29 = 0,96 UFC par les céréales.
Vous donnez donc à votre cheval : 3,15 UFC par le foin + 0,96 UFC par les céréales soit 4,1 UFC.
Je ne vous le détaille pas pour ne pas vous priver de cette joie immense mais évidemment, on fait le même calcul pour les MADC, le Ca et le P au minimum ainsi que pour la quantité totale de matière sèche… vous vous rappelez, pour savoir si le ventre de votre cheval est suffisant pour y mettre toute la ration...
Nota : si vous vous arrachez les cheveux, c’est tout à fait normal.
Le but est d’obtenir un superbe tableau récapitulatif des différents constituants de la ration de votre cheval, de l’apport de chacun d’eux, du total et des rapports de votre ration kg de MS/UFC, g de MADC/UFC, Ca/P et Zn/Cu.
Félicitez-vous parce qu’avec tous les cheveux que vous avez perdus, plus besoin d’aller chez le coiffeur et préparez-vous à attaquer avec enthousiasme l’étape suivante… !

Étape 4. Comparer sa ration actuelle à ses besoins
Vous arrivez à la partie passionnante… Comparer ce que vous lui donnez aujourd’hui à ce dont il a réellement besoin. C’était le but de l’opération.

Exemple d’une ration donnée à un cheval de CSO (travail léger) (Wolter, 1999)
Foin de pré : 3 kg, Avoine : 1 kg, Aliment composé : 3kg, Paille : 3 kg
Le calcul que vous connaissez par cœur maintenant donne les résultats suivants :

 

MS kg

UFC

MADC g

Ca g

P g

Zn mg

Cu mg

Apports

8,9

5,4

751

70

33

410

129

Besoins

11,5

5,5

470

30

18

600

200

Donc on apporte 1,6 kg de MS/UFC ; 139 g de MADC/UFC ; Ca/P = 2,1 ; Zn/Cu = 3,2

Que tirer de ce tableau ?
On apporte 8,9 kg de MS moins que le maximum de 11,5. Donc la ration peut être mangée par le cheval sans se distendre le ventre. Elle est donc favorable pour un cheval de sport. Ceci étant, elle reste quand même suffisamment volumineuse pour ne pas avoir de risques particuliers de coliques.

Confirmation : 1,6 kg de MS par UFC est tout à fait dans les normes classiques (1,5 à 2 kg de MS par UFC). Donc encombrement correct.
Pour les UFC, on apporte 5,4 et les besoins sont de 5,5. Compte tenu de l’imprécision des estimations, c’est bonnet blanc et blanc bonnet !
Pour les MADC, on apporte 751 g et les besoins sont de 470 g. Ce type de situation est extrêmement fréquent sur les chevaux de sport dont on espère ainsi améliorer les performances. En fait, non seulement, cela coûte cher mais en plus on fatigue le rein et le foie ce qui peut conduire à une sensibilisation allergique avec manifestations cutanées et aussi à des fourbures ou des coliques.
Les besoins en Ca et en P sont couverts. Le rapport phosphocalcique de 2,1 est acceptable (inférieur à 3).
Par contre, les besoins en Cu et en Zn ne sont pas couverts.

Exemple d’une ration donnée à une jument en début de lactation

Foin de pré : 8 kg, Avoine : 4 kg, Mash : 5 kg
Le calcul qui commence à vous sortir par les yeux, donne les résultats suivants :

 

MS kg

UFC

MADC g

Ca g

P g

Zn mg

Cu mg

Apports

12

10

887

43

49

230

70

Besoins

12

9

770

47

40

950

315

Donc on apporte 1,2 kg de MS/UFC ; 88,7 g de MADC/UFC ; Ca/P = 0,88 ; Zn/Cu = 3,3

Qu’en pensez-vous ?

Concentration énergétique de la ration importante mais pas aberrante (rapport kg de MS/UFC faible). Toutefois, si la jument est sujette aux coliques, un peu plus de fibres ne ferait pas de mal. Apports en énergie (UFC) et protéines (MADC) corrects.
Par contre, on a un grave déséquilibre du rapport phosphocalcique qui est à 0,88 alors que je vous rappelle qu’il devrait être de 1,5 pour une jument en lactation ! En outre, la quantité de calcium apportée (43 g) est insuffisante. Inutile de vous dire que la jument va puiser dans le calcium de ses os pour couvrir les besoins. Cela compromet donc sa carrière notamment en favorisant les fractures et les troubles osseux.
Et puis lorsqu’on regarde non seulement les apports absolus en Zn et en Cu, mais aussi le rapport entre les deux, c’est une catastrophe.
Si cette ration n’est pas corrigée, c’est tout l’avenir de la jument qui est compromis tant sur le plan osseux que sur le plan de la reproduction… sans parler des risques sur le poulain.

A vous de jouer pour analyser les résultats que vous obtenez sur votre propre cheval…

Si tout va bien, vous pouvez vous arrêter avec un grand ouf de soulagement. S’il y a quelques problèmes, rendez-vous à l’étape suivante… je me reprendrais bien un petit café personnellement.

Étape 5. Rectifier la ration, si nécessaire

Le raisonnement se fait en deux temps : les composants majeurs de la ration, puis les minéraux.

a. Les composants majeurs de la ration

La première chose à regarder c’est si les apports en UFC et en MADC sont corrects (et les rapports correspondants).
Si cela colle, c’est que les grands aliments de votre ration sont correctement équilibrés.

Sinon, plusieurs solutions s’offrent à vous :

  • Distribuer plus ou moins d’un composant. Par exemple, mettre 1,5 kg de concentré au lieu de 1 kg.
  • Modifier les proportions entre les différents constituants de votre ration. Par exemple plus de foin et moins de concentré.
  • Remplacer un aliment. Dans la pratique, il s’agit surtout de changer de concentré et notamment de granulé. Par exemple passer d’un granulé « élevage » à un granulé « standard ».
  • Introduire un nouvel aliment. Cela peut être : distribuer de la paille, donner un concentré en plus, quelques betteraves….

Tout cela exige d’avoir des idées générales sur les aliments :

  • Peu d’énergie, peu d’azote : pailles (permet diminuer la concentration énergétique de la ration).
  • Aliment moyen : foin (plus d’azote si c’est un foin de luzerne)
  • Beaucoup d’énergie : céréales
  • Rien que de l’énergie : huiles
  • Protéines de qualité mais aussi pas mal d’énergie : tourteaux

Il existe une méthode graphique pour déterminer les rapports entre deux composants d’une ration mais personnellement, je préfère la méthode par tâtonnement… parce que si le résultat de vos beaux calculs dit qu’il faut lui donner 2,64 kg d’aliment…
Pour tâtonner, les tableurs type Excel sont souvent d’un grand secours mais si vous êtes fâché avec l’informatique dites-vous que je l’ai fait à la main pendant 20 ans.

C’est à ce niveau-là que vous pouvez par exemple privilégier telle ou telle source d’énergie pour des raisons digestives, sanitaires ou parce que votre cheval a un problème particulier déterminé à l’étape 1.

b. Les autres constituants
Une fois que vous avez déterminé la nouvelle ration, vous faites un recalcul complet avec les nouvelles quantités. Évidemment tous vos changements auront entraîné des modifications parfois très importantes dans les minéraux que vous apportez.
Il faut alors déterminer les éventuelles carences ou les éventuels excès. En général, un complément minéral permet de les corriger. Dans un certain nombre de cas, ce n’est pas possible. Il faut alors reprendre votre ration de base pour arriver à une solution jouable.
Nota : vous pouvez choisir de tout faire soit avec des aliments « bruts » comme le foin ou l’avoine soit avec des mélanges du commerce. Mais pour ce qui est des compléments minéraux, le mélange « maison » n’est pas possible. L’achat est donc quasi incontournable.

c. La suite des évènements…
Voilà, c’est fait. Vous avez une ration équilibrée au poil dont vous pouvez être fier.
Vous la donnez à votre cheval en respectant une transition de 10 jours au moins si la modification est nette… Naturellement, si vous avez simplement rajouté une cuillère d’huile et 10 grammes de minéraux, ce n’est pas la peine.
Et vous vous lovez sur votre canapé, les doigts de pieds en éventail, heureux et fier du travail accompli.

C’est fini… N I NI ?
Et bien non. Parce que « c’est l’œil de l’éleveur qui engraisse le cheval ».
Vous distribuez votre ration pendant 15 jours à un mois et vous surveillez votre cheval comme le lait sur le feu.
Il va bien, il pète la forme, il ne grossit pas, il ne maigrit pas (sauf si c’est le but de l’opération)… vous restez les fesses sur votre canapé à siroter.
Il évolue dans un sens non prévu au programme… vous réajustez la ration. En général, pour garder les grands équilibres, on rajoute ou on enlève 5 % partout (sauf complément minéral) et on voit ce que cela donne.
En effet, le calcul ne permet pas de prendre en compte les différences entre les individus, les climats, les conditions de vie…
Un cheval en hiver en Loire-Atlantique a moins d’énergie à dépenser pour maintenir sa température corporelle que son collègue du Doubs ! Dans ce cas, un petit supplément d’énergie est le bienvenu.
Je vous rassure, la première fois qu’on le fait, c’est la croix et la bannière. Mais petit à petit, cela devient plus facile… sans compter les substantielles économies possibles simplement en donnant ce qu’il faut, tout ce qu’il faut… mais rien que ce qu’il faut !

Catherine Kaeffer
http://techniques-elevage.over-blog.com
L’amour des animaux, la connaissance en prime !

06/09/2012

Actualités régionales