Anthologie de la littérature équestre

Extraits de l'introduction de Jérôme GarcinL'amour du cheval est chez lui si puissant, si exigeant, que, de son oeuvre volumineuse – où l'on trouve soixante volumes de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de poèmes, de récits de voyages, de portraits de villes, de biographies et d'essais –, il ne prétend parfois sauver que cette ode, devenue légendaire, à la jument du commandant Gardefort : "À part Milady, ce que j'écris est médiocre." (...) Photo 1 sur 1

Morand, dont Marcel Schneider écrivait qu'il aimait plus les chevaux que les hommes, se garde bien de tout romantisme. Il se méfie du lyrisme compassionnel. Sa prose est dépouillée, austère, presque religieuse. C'est un écrivain du Grand Siècle qui s'est trompé d'époque. Le grand avantage de la langue équestre, dont il connaît toutes les nuances, est qu'elle l'éloigne de son temps pour le rapprocher du manège, des écuries et de la musique de Versailles. L'auteur de Milady est le premier cavalier amateur à savoir traduire l'intraduisible splendeur de la haute école, à donner à voir le dansant changement de pied au temps, à pouvoir décrire l'exacte position de l'écuyer lors d'un carrousel. C'est un formidable architecte de l'invisible. (...)
C'était en 1966. Il avait soixante-dix-huit ans et l'envie de rassembler, dans un beau et grand livre relié, tout ce que, au fil de sa vie, la fréquentation des chevaux, la compagnie des écuyers et la lecture des maîtres lui avaient appris. Illustré de gravures anciennes, de planches et de photographies en noir et blanc, agrémenté de lettrines et de culs-de-lampe, l'ouvrage parut à l'ancienne, avec un tirage de tête numéroté, chez Olivier Perrin, Faubourg Saint-Germain. Jamais, depuis cette date, et malgré les innombrables hommages rendus à l'écrivain Paul Morand, cette passionnante Anthologiene fut rééditée. (...)
La voici donc. C'est une miraculée. Certains diront qu'elle est un peu âgée, mais ce sont des idiots. Elle a, pour moi, la jeunesse de la passion, l'allant d'un cheval en promenade, l'allégresse d'un piaffer – c'est une manière de dictionnaire amoureux. Elle a aussi une vertu cachée : on peut la lire comme l'autobiographie rêvée de Paul Morand.Car il rassemble ici les principes de vie, les règles morales, les lois de l'équilibre, les tables de la sagesse qu'il n'a pas toujours su respecter au cours de son existence vibrionnante mais dont il aurait tant aimé être le héraut. C'est le testament d'un chevalier, au seuil duquel il aurait pu placer cette belle maxime glissée dans Tendres Stocks : "Abuser des choses est une des conditions pour ensuite s'en rendre maître."

Ecrivain majeur du XXesiècle, Paul Morand – auteur de quelques chefs-d'oeuvre en tête desquels il faut placer Milady, bouleversante histoire d'amour d'un écuyer pour sa jument – a composé en 1966, pour un éditeur aujourd'hui disparu, une Anthologie de la littérature équestre réunissant les plus beaux textes, ou les textes à ses yeux les plus importants, consa-
crés au cheval et à son utilisation. Traités d'équitation, Précis vétérinaires, Manuels d'hippologie : de Xénophon à Nuno Oliveira, Paul Morand n'oublie aucun des grands maîtres de l'oeuvre équestre. depuis longtemps introuvable, cette anthologie méritait une réédition. ce sera chose faite, avec une brillante présentation de l'écrivain Jérôme garcin, qui partage avec Paul Morand l'amour de la littérature et la passion de l'équitation : "Je la lis depuis longtemps, explique-t-il. Je m'y reporte souvent.J'en aime la rigueur et les imperfections. elle réconcilie mes deux passions, la littérature et l'équitation. J'ai toujours rêvé qu'on la rééditât."

Anthologie de la littérature équestre - Actes Sud - www.actes-sud.fr - 39 €

10/11/2010