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ANSF – Anglo Normand : la polémique

En plus de l'appel lancé pour l'unité du SF (voir par ailleurs sur ce site) qu'il estime menacée par une restauration du stud-book anglo normand, Bernard Le Courtois vient d'adresser au Ministre de l'Agriculture une longue lettre reprenant les mêmes arguments tout en tentant de discréditer les partisans de ce stud-book. Philippe Martin, en leur nom, s'est adressé lui aussi au ministre. Ci-dessous les deux courriers ministériels et les remarques du président de l'ADEP.

Lettre de Bernard Le Courtois à Stéphane LE FOLL Ministre de l'Agriculture

Monsieur le Ministre,
Ce courrier du Stud-Book SELLE FRANÇAIS voudrait attirer votre attention sur la crise que connaît depuis 5 ans notre secteur d'activité voué à la production et valorisation du cheval de sport. Comme pour d'autres nombreuses activités dans notre pays, le contexte économique est catastrophique pour les éleveurs de chevaux de sport qui n'arrivent plus à vendre leur production. A la crise économique s'ajoutent les nombreuses importations de chevaux de stud-books concurrents principalement belges, allemands et hollandais. La hausse brutale de + 17,50% de TVA en 2013, quand nous vendons un cheval à un cavalier amateur, a été un coup fatal.
Dans ce contexte de morosité, une action très grave de conséquence semble avoir une oreille attentive de la part de vos services de la Sous-Direction du Cheval. Un groupuscule de personnes présente un projet au Ministère de l'Agriculture afin de réouvrir un ancien stud-book régional, dit Anglo-Normand (1950-1958). Ces quelques personnes ne sont d'ailleurs plus des éleveurs en activité. Ce projet est criminel pour notre Stud-Book SF.
En 1958, l'Etat français, avec l'aide des Haras Nationaux, a regroupé tous les stud-books de demi-sang régionaux (dont l'Anglo-Normand) en un seul stud-book, le SELLE FRANÇAIS. Depuis 55 ans, grâce au travail de sélection passionné et rigoureux des éleveurs de toute la France, le stud-book SELLE FRANÇAIS est devenu l'un des trois meilleurs stud-books du monde, presque tous les ans aux trois premières places des classements mondiaux calculés par la WBFSH (WORLD BREEDING FEDERATION OF SPORT HORSES) aussi bien en concours de saut d'obstacles (CSO) qu'en Concours Complet d'équitation (CCE). La France peut être fière de ce travail de sélection de nos éleveurs de SELLE-FRANÇAIS.
Je souhaite porter à votre connaissance que notre travail de sélection et de caractérisation des reproducteurs SF est extrêmement professionnel et s'appuie sur un cheptel de 12 000 juments (7000 naissances annuelles) et une sélection opérée par un corps de 450 juges SF formés par nos soins, avec l'aide du Fonds Éperon, et non sur les ''idées'' d'une ou deux personnes comme ce projet d'Anglo-Normand.
Recréer un stud-book Anglo-Normand en puisant dans les effectifs existants des stud-books SF et AA, c'est revenir en arrière sur un effort d'un demi-siècle de construction de nos deux stud-books par les Haras Nationaux puis les socio-professionnels.
Si le Ministère de l'Agriculture accepte que soit recréé le stud-book Anglo-Normand, d'autres groupuscules fantaisistes pourraient revendiquer des projets équivalents pour revenir aux demi-sang Vendéens, Charolais, des Dombes, de Charente, de Bretagne, etc.
D'ailleurs, et fort heureusement, ce projet de revenir au stud-book Anglo-Normand est totalement rejeté par les associations régionales d'éleveurs de chevaux de sport de toute la France, notamment Cheval Normandie (région d'origine de l'Anglo-Normand), la plus puissante numériquement, qui l'a rejeté à l'unanimité de son Conseil d'Administration.
Ce projet est une pure escroquerie intellectuelle puisqu'il est basé sur le reproche fait aux SF d'être issus de métissage avec des reproducteurs d'autres stud-books. Ce projet prétend vouloir revenir aux notions
traditionnelles de l'Anglo-Normand. Ce qu'ils omettent d'expliquer, c'est que l'Anglo-Normand depuis l'origine n'est fait que d'hybridation avec des reproducteurs d'autres races. Au XIXe siècle les demi-sang étaient croisés avec des Pur-Sang anglais importés et des trotteurs du Norfolk, des trotteurs Orlov importés de Russie et autres demi-sang Mecklembourgeois. Puis au XXe siècle, la jumenterie a été décimée par deux guerres mondiales successives et ce sont de nombreuses juments Cobs ou d'attelage qui ont relancé l'élevage. Les croisements étaient donc faits, à nouveau, par hybridation avec les Pur-Sang, Trotteur Français, Anglo-Arabes ou Arabes et autres reproducteurs, mâles ou femelles, importés.
Recréer un stud-book Anglo-Normand, c'est évidemment puiser dans les effectifs déjà existants des stud-books SF et AA, comme le projet le prévoit.
En scindant le stud-book SF pour constituer à nouveau un stud-book demi-sang Anglo-Normand, c'est vouloir récupérer 40% des effectifs actuels du stud-book SF. Cela n'aurait pour conséquence que d'affaiblir considérablement le travail de sélection du SF et ruinerait toute chance de figurer, pour l'un comme pour l'autre, au palmarès des meilleurs stud-books du monde.
Quel magnifique cadeau fait, alors, à nos concurrents européens qui eux, dans le même temps, prévoient de se regrouper (Z et BWP en Belgique ou la Fédération des stud-books du Sud de l'Allemagne) pour être plus forts et plus performants sur la scène sportive et commerciale mondiale.
Le stud-book Anglo-Arabe, dont les effectifs sont également constitutifs du stud-book Anglo-Normand selon les statuts de ce dernier, risquerait quant à lui de disparaître. Déjà très affaibli sur le plan numérique, le prélèvement de dizaines de juments lui serait totalement fatal.
Ce coup de traîtrise est mené par un groupuscule sans scrupule qui, lorsqu'ils étaient éleveurs en activité, ont maintes fois eu recours à la génétique étrangère, ce qu'ils reprochent aujourd'hui au stud-book SF. De plus, ce sont les mêmes qui ont favorisé, par leurs actions, l'implantation d'autres stud-books européens en France comme l'AES (UK) ou le Z (B), pour affaiblir le stud-book SF. Alors que la concurrence internationale est plus féroce que jamais, comment imaginer qu'installer une nouvelle concurrence franco-française sera bénéfique à l'élevage national.
Si ce projet voyait le jour, il serait responsable de l'appauvrissement numérique brutal de nos stud-books, déjà bien aggravé depuis 2009. En effet, le nombre de juments saillies dans notre stud-book SF a déjà beaucoup baissé compte tenu de la conjoncture économique depuis 2008. Vous devez savoir que la saison de reproduction 2013 est catastrophique puisque France Haras annonce, pour l'activité étalons de sport, une baisse des saillies (au 31/05/2013) de - 40 % par rapport à 2012!
Pour pallier, en partie, la baisse constante des aides de l'État à l'élevage du cheval de sport, nous avons mis les éleveurs à contribution en leur demandant une participation financière supplémentaire lors de l'inscription de leur poulain au livre généalogique SF. Cela afin qu'ils participent au financement et au succès du programme d'élevage du SF.
Hélas, la diminution brutale des naissances dans nos stud-books depuis 2009 a immédiatement pour effet une perte de revenus qui met à mal la gestion de notre stud-book. La gestion des stud-books est déjà très périlleuse puisque les aides de l'État baissent de 25% par an.
Vous devez savoir que le stud-book SF a déjà entre 2 et 5 fois moins de juments que ses concurrents Hollandais ou Allemands, que les effectifs de salariés de notre stud-book est de 2 à 4 fois moins nombreux que ceux de ses concurrents précités, tout comme les budgets de fonctionnement.
Par comparaison, le budget de la filière élevage et valorisation du cheval de sport (ANR et SHF) en France est d'environ 10 millions d'€uros alors que celui de la filière courses se compte en milliards d'€uros ! Pourtant, les forces vives sur le territoire français, en termes de nombre de juments et nombres d'éleveurs, sont équivalentes.
Les éleveurs, qui n'ont pas encore stoppé d'élever des chevaux de sport en 2013, ne vont pas tarder à le faire puisque la vente des chevaux est dans un marasme total, phénomène accentué par la TVA à 19,60% depuis le 1er Janvier 2013. Le principal encouragement qui peut améliorer la sélection du cheval de sport et aider de manière significative les éleveurs qui auraient vendu à perte leur cheval, c'est la PAN (Prime Aux Naisseurs). Malheureusement, probablement mal conseillé, le Ministère de l'Agriculture a pris la plus mauvaise décision qu'il pouvait prendre en supprimant la PAN aux éleveurs de chevaux de sport depuis 2008, accentuant ainsi la dépression économique des éleveurs de chevaux de sport, alors qu'il l'a maintenue, fort heureusement, pour les chevaux de courses pour qui elle est également vitale.
Le second effet néfaste d'une dislocation du stud-book SELLE-FRANÇAIS par la création de ce stud-book Anglo-Normand, à moyen terme, se verra en moins de 10 ans, le temps qu'il faut pour former un cheval de Grand Prix International. Devenus numériquement très faibles, ce serait un risque bien réel de disparition de nos chevaux SF de la scène internationale où ils brillent depuis toujours et l'impossibilité de remporter des médailles pour la France en Sport Équestres.
Je rappellerai que le cheval Champion Olympique individuel pour la Suisse lors des Jeux de Londres en 2012, NINO DES BUISSONNETS (Kannan x Narcos II) est un SELLE FRANÇAIS issu de métissage, tel que notre programme d'élevage le prévoit depuis plus de 20 ans.
Certes les éleveurs français auront toujours la possibilité, selon les règles européennes, d'enregistrer leurs produits nés en France dans d'autres stud-books européens implantés en France. Mais si le Ministère de l'Agriculture fait le pari de voir disparaître en quelques années tout le travail de générations d'éleveurs et l'un des fleurons de la sélection animale en France, il en assumera l'entière responsabilité. En tant que Président du stud-book SF, je ne peux me résoudre à laisser faire ce travail de "fossoyeur".
La situation actuelle est la pire que notre secteur d'activité n'ait jamais connue. De grâce, n'en rajoutez pas en précipitant notre perte en acceptant la recréation du stud-book Anglo-Normand.
Au contraire, par votre soutien actif et financier (restauration de la Prime Au Naisseur dotée par le Fonds Éperon), faites en sorte que notre brillante race de chevaux de sport français, le SF, soit plus forte que celles de nos concurrents d'Europe du Nord, qui, de plus, sont beaucoup mieux structurés sur le plan commercial que les Français.
En 2014, la France a l'insigne honneur d'organiser deux des plus grandes manifestations sportives équestres au monde, la Finale Coupe du Monde de Jumping en Avril à Lyon et les Jeux Équestres Mondiaux à Caen en Août.
Monsieur le Ministre, profitez de l'occasion de la préparation de ces grands évènements pour marquer votre fervent soutien à l'élevage du cheval de sport en France, le SELLE FRANÇAIS, dès 2013.
La situation actuelle est d'une extrême urgence. Je suis à votre disposition pour rencontrer avec mon équipe dès que possible, vous-même ou l'un de vos conseillers "Cheval", si votre emploi du temps ne vous permettait pas de nous recevoir.

Lettre de Philippe Martin au directeur de Cabinet de Stéphane Le Foll

Monsieur le Directeur de Cabinet,
Il est surprenant de lire les propos de Monsieur Bernard Le Courtois, Président de l'ANSF, dans son courrier adressé à Monsieur le Ministre Stéphane Le Foll à propos de la demande de restauration du stud-book anglo-normand. On aurait aimé voir s'ouvrir un véritable débat sur le plan scientifique et génétique pour lequel la CNAG a été consultée et accessoirement sur le plan du :

Droit International et les accords de Rio 1992 (signés par la France) relatifs à la Convention sur la diversité biologique qui, dans son préambule, note que : «... lorsqu'il existe une menace de réduction sensible ou de perte de diversité biologique, l'absence de certitudes scientifiques totales ne doit pas être invoquée comme raison pour différer les mesures qui permettraient d'en éviter le danger ou d'en atténuer les effets... ».

La convention donne à la France l'obligation de gérer ses ressources génétiques.

En 2006, la 8eme conférence à Curitiba a rappelé : « ...l'urgente nécessité de conserver la biodiversité et la lutte contre la biopiraterie qui réside dans le fait de s'approprier des ressources biologiques d'une population à des fins commerciales qui garantissent à leurs détenteurs, l'exclusivité des bénéfices liés à la commercialisation des produits qui en sont dérivés... » Ce qui est très précisément la situation dont bénéficie le « SF » depuis 1958.

Droit européen qui donne à l'éleveur le libre choix du stud-book dans lequel il entend inscrire sa production (et pour autant que le stud-book pressenti y consente).

Droit-International – Européen et Français qui lutte contre les monopoles de toute sorte.

Force est malheureusement de constater que le niveau atteint dans le courrier de Monsieur Lecourtois est celui des invectives personnelles, des contrevérités et des contradictions qui occultent toute incitation à la réflexion.
Il est à espérer que, pour donner une ultime issue à cette véritable question, les résultats de l'expertise scientifique prévaudront.

Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur de Cabinet, en l'expression de ma haute considération.
Pour le Président Fondateur Fernand Leredde
Le Président Philippe MARTIN

C/C : Monsieur Patrick Falcone - Conseiller cheval de Monsieur le Ministre de l'Agriculture
Monsieur François Moreau- Directeur du DGPAAT
Monsieur Pierre Schwartz - Sous-directeur du développement rural et du cheval, Ministère de l'agriculture
Madame Marie-Noëlle Proutheau - DGPAAT
Monsieur Christian Vanier- Directeur général de l'IFCE

Contradictions

En aparté, (en non dans sa lettre) Philippe Martin relève quelques contradictions contenues dans la missive de BLC « ... Nous ne serions que quelques personnes...et non des éleveurs en activité »
Tous les porteurs du projet font naitre chaque année plusieurs poulains dont certains issus d'étalons de Bernard Lecourtois à l'exception de Fernand Leredde qui à 82 ans, a dû céder son élevage, ainsi que Tancrède Dumont.
« ...Nous ne serions qu'un groupuscule fantaisiste... » Les centaines d'éleveurs qui ont spontanément manifesté leur intérêt pour la restauration du stud-book anglo-normand apprécieront.
« ...Nous serions rétrogrades... »
Le plan de sélection du stud-book anglo-normand est basé sur des critères objectifs de performances confirmées par des indices scientifiques et génétiques par opposition au stud-book « SF » dont les critères d'approbation sont essentiellement subjectifs.
« Cheval-Normandie ex Adecno serait opposé à cette restauration ».
Lors de l'Assemblée générale constitutive de l'association des éleveurs du CSAN Jean-Baptiste Thiébot président de Cheval Normandie a déclaré : « Ce n'est pas à vous de défendre ce projet, c'est à l'Adecno... »
« ...Escroquerie Intellectuelle... » :
Henry Brugier membre de la CNAG retirant l'essentiel de ses ressources personnelles des prestations qu'il fournit à l'ANSF et pour lesquelles il est rémunéré, écrit dans son avis formulé à la CNAG à laquelle il n'a pas assisté :
« ...On pourrait suggérer au Stud-book Selle Français de s'inspirer du raisonnement anglo-normand pour sa nouvelle section... »
« ...L'anglo-normand n'est fait que d'hybridation... » L'hybridation consiste à mélanger des espèces différentes (Le Robert- micro 1996).
Les croisements susceptibles de produire des Anglo-normands ne sont en aucun cas entre des espèces différentes.

La plus évidente des contradictions tient en quelques mots « groupuscule qui n'intéresse personne » et quelques lignes plus loin : « ... l'anglo-normand va prendre 40% des naissances de SF ».
Comment un « groupuscule fantaisiste » serait il capable avec « une escroquerie intellectuelle » de « prendre 40% des naissances du SF » alors que les éleveurs sont libres de leur choix, ce que voudrait leur refuser Bernard Lecourtois ???
Je conseille à Bernard Lecourtois :
- Qu'il reprenne son calme.
- Qu'il évite d'apporter la preuve de l'hégémonie de l'ANSF comme sa lettre en est l'éclatante démonstration !
- Qu'il accepte le DROIT à la concurrence à laquelle tôt ou tard lui ou son successeur sera confronté !
- Qu'il ait une politique de sélection beaucoup plus ouverte puisque le parti du « SF » est d'être une marque ombrelle internationale
- Qu'il ne craigne rien de l'Anglo-normand puisque 12 (sur 13) des étalons qu'il commercialise ne peuvent produire des anglo-normands et 78% des étalons du catalogue SF 2012 pas davantage.
L'Anglo-Normand n'est en rien responsable de la chute des naissances du « SF ».
L'Anglo-Normand n'est en rien responsable des prix de vente Elite des « SF » les plus bas d'Europe.
Dans sa longue lettre Monsieur Lecourtois s'acharne à démontrer l'échec de la politique du « SF », c'était son DROIT.
L'Anglo-Normand n'est en rien la cause de ce constat.
En conclusion, la lettre de Monsieur Lecourtois n'est qu'un long plaidoyer en faveur du monopole du « SF » et une démonstration sans égal de l'hégémonie que l'ANSF entend faire peser sur les éleveurs français.
En bref et en dehors des régimes totalitaires, le soleil brille pour tout le monde.

26/06/2013

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