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" Un rasoir dans les mains d’un singe " ou : un stylo dans les mains de Guy Marchand

Sincèrement, j’aurais beaucoup aimé dire du bien de son livre. Car son auteur, Guy Marchand, est plutôt sympathique. Sans être vraiment un fan du comédien, j’aime bien ses airs de mauvais garçon désinvolte, sa gouaille de faux dur, sa dégaine  
populaire mais non dépourvue d’une certaine classe. J’aime bien aussi ses manières de dilettante. Un peu de cinéma, un peu de télé, pas trop; un peu de chanson, façon crooner : jusque-là, un parcours impeccable. Et puis patatras. Le voilà qu’il se met à tâter aussi de la littérature, à se prendre pour un romancier, et à publier un bouquin (minuscule) intitulé « Un rasoir dans les mains d’un singe ».

On connaît l’expression. Elle est attribuée à un écuyer célèbre redoutant l’utilisation de l’éperon par les cavaliers débutants. Guy Marchand, pris sur le tard d’amour pour les chevaux (ou, plus exactement de passion pour le polo) paraît tout heureux d’utiliser cette formule pour en faire le titre de son petit livre. Comme tous les néophytes, les convertis de fraîche date, il en fait trop, en rajoute, tout fier de nous montrer sa science, nouvellement acquise. Hélas, il est souvent à côté de la plaque. Ainsi, sa citation du « proverbe arabe » qu’il met en exergue est-elle sinon fausse, du moins très approximative. Au lieu de retourner à la source (Les chevaux du Sahara, du général Daumas, 1851), il se contente de citer le truc de mémoire, comme ça, vaguement. Ailleurs, il évoque un exploit bien connu des amateurs d’équitation classique : la traversée de la place d’armes du château de Versailles au petit galop, en une heure, le cheval ayant pour toute embouchure un fil de soie. Guy Marchand non seulement confond fil de soie et brins de laine, mais attribue (page 88) la chose à La Guérinière, alors qu’elle a pour véritable auteur le marquis de La Bigne (né en 1742). Et tout à l’avenant.

Il faut dire qu’il n’est guère aidé par son éditeur (Michel Lafon) qui, n’ayant sans doute pas lu le livre, a eu l’idée, complètement saugrenue, d’illustrer la couverture du livre de la silhouette d’un orang-outang. Dommage.

Dommage car, pour le reste, le petit roman de Guy Marchand ne manque pas de qualités. Certes, l’écriture est un peu relâchée – il écrit comme on cause –, mais l’idée générale est originale : il s’agit d’une sorte de conte loufoque, de polar onirique, de fable plus ou moins philosophique dans laquelle un étrange cavalier apparaît puis disparaît, aux côtés de Gengis Khan d’abord, puis à Azincourt et à Pavie (deux belles défaites de la cavalerie française), dont on finit par comprendre qu’il est une allégorie du diable, toujours accompagné d’un gnome monté sur un cheval « d’un noir profond, comme les chevaux de l’apocalypse », précise (page 93) Guy Marchand, qui ne semble pas savoir que lesdits chevaux bibliques étaient de quatre couleurs différentes.

Heureusement, il y a dans cette curieuse histoire beaucoup de scènes de polo – et là, on le sent bien, Guy Marchand sait de quoi il parle –, ainsi que la tendre présence de deux personnages féminins, qui d’ailleurs se ressemblent : une petite jument criolla appelée Estrella, et une aguichante gitane, Maria « dont les yeux étaient aussi moqueurs que ceux d’Estrella; elle aussi était alezane » (page 80).

Ce qui a souvent sauvé Guy Marchand du ridicule, c’est sa capacité d’autodérision. Aussi ne m’en voudra-t-il pas si, pour définir son oeuvrette, j’emprunte à son propre texte : évoquant une situation assez banale, il écrit (page 49) que sa description ressemblerait à ?« un cliché de mauvais roman ». Belle lucidité !

Jean-Louis Gouraud

26/03/2009

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