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« Un pour tous, tous pour le Pin »

La formule est de Jérôme Nury, un des vice-président du conseil général de l'Orne, élu du canton de Tinchebray. Elle restitue bien l'esprit et la volonté des éleveurs (et des élus) de maintenir au Pin une activité étalonnage au sein du Versailles du cheval. Photo 1 sur 3

Journée des folles rumeurs au Pin, ce vendredi 10 février, jour choisi par Philippe Martin, président de l'Adep pour lancer l'idée d'une coopérative d'éleveurs. Folles rumeurs, les unes affirmant que le Pin était à vendre et les autres que les Quataris en étaient les nouveaux propriétaires. Fausses rumeurs, assez vite démenties... mais jusqu'à quand ? Me Patrick Mussat, vice-président du conseil général est formel : « Le Pin n'est pas à vendre; le conseil général s'est déjà porté acquéreur du site. L'Etat, son propriétaire, a refusé de le vendre Â».

Il y avait foule dans la salle de réunions pour ce rendez-vous de « la dernière chance Â» face aux élus, à Philippe de Guénin et Geneviève de Sainte Marie, la directrice générale par interim de France-Haras. Philippe Martin s'est fait l'avocat d'une initiative collective destinée à reprendre l'activité étalonnage que l'Etat va abandonner au Pin. « Peut-on envisager sérieusement le haras du Pin sans étalons ? s'interroge Philippe Martin qui met en garde contre un trop facile fatalisme « Ceux qui ne croient pas à l'impossible sont priés de ne pas décourager ceux qui sont en train de le faire Â».
Impossible n'est pas... Normand. Le président de l'Adep, en retraçant l'historique du Pin, allait en apporter la preuve. Depuis 1765, année du premier texte royal règlementant l'élevage du cheval, l'histoire équine ne s'est pas écoulée comme un long fleuve tranquille. En 1793, l'étalonnage est passé une première fois à la trappe. En 1945, Paul Laurens de St Martin, directeur du HN de St Lô, en s'opposant au ministre de l'agriculture qui voulait supprimer l'élevage, l'a à nouveau sauvé en incitant les éleveurs de la Manche à monter eux-mêmes leurs propres chevaux pour en faire de vrais chevaux de sport. La suite, nous la connaissons.
« L'histoire bégaye, dit Martin. Nous sommes dans la même configuration aujourd'hui Â».

« Nous attendons un accompagnement Â»

Après avoir passé en revue les points forts et les points faibles du Pin et envisagé la formule juridique la mieux adaptée, celle d'une coopérative d'intérêt collectif, Philippe Martin s'adressa à Philippe de Guénin lui demandant un sursis. Dessins humoristiques à l'appui, il fit valoir que, après tant d'années de soumission à la tutelle, les éleveurs avaient besoin de temps pour s'organiser. « Donnez-nous encore un peu de temps, entre 1 an et 18 mois. Nous attendons un accompagnement et des conditions économiques raisonnables. Ne nous prenez pas la moitié de la recette, mais un tiers. Que l'Etat cède une partie des étalons aux structures collectives qui ont un projet. Nous voulons la mise à disposition des personnels les trois premières années. Â»
Un projet collectif de même nature a été mis en route à Cercy-la-Tour (58) par les éleveurs d'AQPS en décembre. Il rassemble pour le moment une cinquantaine d'adhérents avec un capital de 56 000 euros. C'est pour l'heure, la seule initiative collective sur rails.
Evoquant les reprises des centres techniques, par des privés pour la plupart vétérinaires et par quelques agents qui reprennent l'activité à leur compte, Philippe de Guénin s'est dit prêt à étudier le projet du Pin.

« Jouer collectif Â»

Pour Paul Essartial comme pour les élus du conseil général de l'Orne et du conseil régional, qui tous ont salué le projet de l'Adep, il faut jouer  « collectif Â». Pas question dit l'un de « brader »  250 ans d'histoire. S'il n'y a pas de solution collective, il n'y aura plus d'étalonnage au Pin. « Comptez sur la Région pour vous aider, dit François Dufour (élu de la Manche) en charge du cheval et de l'agriculture. Il faut faire du durable au Pin et tirer vers le haut ce qui sera notre vitrine à l'occasion des Jeux Equestres Mondiaux Â».
Que manque-t-il maintenant pour avancer ? « Que les éleveurs d'accord avec le projet se manifestent et adhèrent, dit Philippe Martin. Le montant de la part sociale devrait se situer entre 500 et 2000 euros. Certes il ne faudra pas compter sur des dividendes la première année mais nous avons pour vocation de faire des bénéfices, comme toute entreprise. Nous allons agir comme une entreprise privée avec des étalons de sang, des pur-sang, des étalons de loisir et de trait. Le personnel, nous l'avons, c'est celui du haras. Il faut qu'au 1er janvier 2013, nous soyons prêts à fonctionner Â».
La réflexion est lancée au Pin.

Etienne Robert
 

Lettre ouverte du Président du Conseil Général de l'Orne

A la suite de cette réunion, Alain Lambert, président du Conseil Général de l'Orne, a écrit au Ministre de l'Agriculture.

« Par courrier du 9 août 2011 cosigné par Monsieur le Président du Conseil Régional de Basse-Normandie, je vous proposais d'envisager le transfert du domaine du Haras du Pin au bénéfice d'une structure comprenant le Département et la Région, en raison des fortes inquiétudes locales sur le devenir de ce site, et la capacité réelle de l'IFCE et France Haras à en assurer tout simplement la pérennité.

Sans répondre sur le fond à cette demande, vous nous avez écrit le 24 octobre 2011 pour nous engager à poursuivre la réflexion visant à créer un syndicat mixte ouvert avec l'IFCE, « dédié à la sauvegarde, la valorisation et le développement de ce site emblématique », et nous assurer d'être à notre disposition pour participer ensemble à la pérennité du site.

Nous avons avancé dans cette direction, et nous espérons être en mesure de mettre en place une telle structure de gouvernance à l'été 2012 pour développer et garantir le devenir du Pin. Le comité de pilotage qui s'est tenu le 3 novembre 2011, sous l'autorité du Préfet de département et en présence des Directeurs généraux de l'IFCE et de France Haras, a en effet entériné le principe du transfert intégral du domaine au syndicat mixte.

Mais il s'avère que nos inquiétudes étaient malheureusement légitimes et que cette pérennité est bien aujourd'hui en jeu !

De nombreux articles de presse confirment le désengagement de France Haras de l'étalonnage en région, c'est aujourd'hui le tour du Pin..., le terme de « vente » du centre technique a même été employé !

Or la structure de France Haras, que l'on peut bien qualifier aujourd'hui de défaisance, utilise pour son activité les locaux historiques du Haras du Pin, le Versailles du cheval, qui appartient au patrimoine historique national, régional, départemental.

Les élus n'accepteront jamais que ces bâtiments soient mis à disposition, ou pire vendus, à des candidats privés à la reprise de cette activité.

Il y va bien sûr de la cohérence même du projet que nous entendons bâtir pour le Pin, qui ne peut pas être hypothéqué par de telles affectations à usage privatif du coeur historique du Domaine, il y va tout simplement de la survie d'un site que vous avez vous-même d'emblématique.

Aussi, Monsieur le Ministre, je vous demande avec gravité de donner les consignes nécessaires pour faire interdire une telle éventualité, et je vous réitère ma proposition que le Haras du Pin soit transféré aux collectivités locales dans les conditions de la loi de décentralisation du 13 août 2004 ».

15/02/2012

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