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Regarder le monde avec un œil de cheval par François Pouillon

Un titre pareil, ça ne se laisse pas tomber, et Gouraud l’a donc récupéré pour un recueil des textes qu’il a produits ces dernières années dans la chronique à thème équestre qu’il tient dans le magazine La Revue. À vrai dire, le calembour lui va moins bien qu’à l’autre, car Gouraud est au contraire un excellent homme, pas

Un titre pareil, ça ne se laisse pas tomber, et Gouraud l’a donc récupéré pour un recueil des textes qu’il a produits ces dernières années dans la chronique à thème équestre qu’il tient dans le magazine La Revue. À vrai dire, le calembour lui va moins bien qu’à l’autre, car Gouraud est au contraire un excellent homme, pas paranoïaque pour deux sous, et qui se plait dans les rapports sociaux chaleureux. Il pratique d’ailleurs assez méthodiquement l’autodérision. Mais il galope en effet et, bien qu’il ait sorti certain de ces textes dans des magazines à thèmes assez pointus (Le Cheval, entre autres), ses chroniques sont tout sauf enfermées dans l’austère discipline que peut être à l’occasion l’équitation. Il s’attache justement à en élargir les horizons, le jeu étant de passer d’à peu près tout au cheval, et retour, et de montrer que l’on peut regarder le monde par l’oeil du noble animal : la littérature bien sûr qui, elle aussi, touche à tout, mais également la politique et, comme on dit, les questions de société. Ces chroniques en forme de reportages qui, pour manifester une indulgente bienveillance à l’égard de quelques polygraphes qui encombrent inutilement les étalages (j’ai nommé Gonzague Saint Bris, Michel Onfray ou Malek Chebel), font le plus souvent appel à de vrais spécialistes comme mon collègue Jean-Pierre Digard, l’écrivain Jérôme Garcin ou… Bartabas.


Ceux qui suivent un peu ces chroniques dans La Revue savent qu’il y a là un jeu d’écriture : on ne sait absolument pas où on va aller, et généralement, en attaque, on ne sait pas non plus à quoi (ou à qui) on a affaire. C’est dans le cours du texte que, glissant d’un sujet à l’autre, à propos de questions toujours très concrètes, et même souvent érudites, dont il parle avec passion, on se prend au jeu de le suivre, un peu comme au bonneteau, et on est surpris de voir comment, à la fin, dans une ultime pirouette, il retombe sur ses pattes. L’exercice n’est pas si simple parce que, pour croiser toujours, à un moment ou a un autre, le monde du cheval, il se déplace sur un terrain assez accidenté : une actualité littéraire et politique en forme de comptes rendus, ou l’une des ces expéditions lointaine qu’il s’acharne à lancer, en particulier en Asie, continent équestre s’il en est - on sait cela depuis Gengis Khan.


Ces chroniques sont donc un jeu. La mise en série nous montre surtout qu’il y a là un ton et un propos. Un ton vachard et élogieux alternativement, mais le plus souvent caustique, jouant toujours à la limite du politiquement correct, tout en cherchant à garder le contact avec les convention du temps, qu’il attaque avec humour : Un ton fort désabusé mais jamais aigre, ce qui le différencie de tant de faux prophètes (de droite et de gauche), qui nous haranguent à longueur de journée dans les médias. Le propos ? Sous un apparent disparate, les chronique s’organisent autour de quelques thèmes. Des questions qui se faufilent à travers quelques textes éponymes d’ouvrages anciens de l’auteur : le cheval animal politique (titre échantillon : « chevaux de dictateurs » ; « l’art du suicide ») ; le cheval et la femme (sujet risqué cette fois : « À cru et à poil » ; « jolies filles et vilains garçons ») ; le cheval dans l’art (classique : « Arts équestres au pluriel » et une longue chronique sur Svertchkov, peintre de chevaux « comme de Dreux » - un fameux « peintre de chevaux ») et les chroniques de pérégrinations sur les cinq continents qu’il avait déjà rassemblées sous le thème commun : « La terre vue de ma selle » (depuis « du cheval Karabakh » à « Retraite de Russie »). Il faut y ajouter le « bonus », c’est-à-dire les annexes, avec notamment « les chevaux du Caucase » qu’il connaît bien. Ajoutez, hors gabarit, la chronique finale : « Marx au Vatican »…


Je garde à part quelques précieux pamphlets sur la connerie en politique, une chose qui a le don de faire, de façon parfaitement inutile, beaucoup de dégâts collatéraux et parfois pas mal de morts. Dans ces cas-là, Gouraud se met franchement en colère. À propos par exemple d’une refonte absurde des institutions équestres, il dénonce vertement « les pitreries d’un conseiller » (de Sarkozy), le sieur Jean-François Étienne des Rosaie, nom fleuri qui ne le met pas à l’abris d’une volée de bois vert (p. 199-203). Dans ce registre encore, un succulent billet sur ses « maîtres à penser » où l’on voit sortir du chapeau, avec une certaine inquiétude, le nom de Bernard-Henri Lévy. Que l’on se rassure : « Lorsqu’une situation, dit Gouraud, me paraît trop embrouillée ou trop difficile à comprendre, je m’en remets à lui… En prenant une position exactement inverse, c’est formidable, je suis sûr d’être dans le vrai » ! (p. 37)





Jean-Louis Gouraud


Mes galops,Éditions du Rocher - 238 p., 17,90€





1. comme il l’avait illustré dans le récit d’un voyage à cheval de Paris à Moscou, qui a eu un certain écho (Le Pérégrin émerveillé, Actes Sud, 2012).





14/12/2016

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