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Pierre Santrain: métier, chef de piste

National Elite dans le Nord de la France, Pierre Santrain, 54 ans, domicilié à Hazebrouck est passé sans transition d’acteur à metteur en scène lorsqu’il a troqué sa bombe de cavalier pour monter.. des pistes. Rencontre à Fontainebleau le dimanche des cycles libres sur le stand très animé de l’AECCP.


C’est quoi aujourd’hui le métier de chef de piste ?


Chef de piste, c’est celui qui, sur un terrain de concours, met les obstacles en place pour un parcours, selon les différents barèmes et différentes épreuves en conformité avec le cahier des charges de la FFE.


Les terrains ont évolué, le sport a évolué, comment vous suivez cette évolution ?


La qualité du terrain, la qualité du matériel, tout a évolué. Aujourd’hui on travaille sur du matériel beaucoup plus léger et le métier de chef de piste s’est beaucoup professionnalisé. Le cahier des charges devient de plus en plus lourd, c’est-à-dire qu’il faut respecter, bien évidemment, les cotes, les tracés, et tenir compte des concurrents qu’on a en face, du nombre et de la qualité du plateau. Il faut savoir qu’un chef de piste propose le parcours qu’il pense être le mieux. J’en ai discuté déjà avec pas mal de cavaliers et pas mal de chefs de piste, un bon parcours c’est celui qui va être, à l’unanimité des cavaliers, agréable à monter. En réalité, il n’y a pas vraiment de mauvais parcours. Il y a des parcours qui sont plus ou moins agréables à monter et à partir du moment où les distances dans les combinaisons sont bonnes, tous les parcours sont bons, tous les tracés sont bons. Mais ceci dit, il y a des chefs de pistes qui ont la préférence de certains cavaliers tout simplement parce que leur tracé est plus agréable.


Alors ça vient de quoi les différences de tracé ?


C’est assez compliqué à expliquer. Je pense que ça vient du feeling. Pourquoi tourner à droite, pourquoi tourner à gauche ? Ça c’est l’instinct du chef de piste allié à l’expérience. Je pense aussi qu’un chef de piste qui a été cavalier a plus de facilités à concevoir un tracé qui soit agréable à monter, à concevoir aussi le montage des obstacles. Notre souci permanent c’est le respect des chevaux qui consiste à éviter de leur demander de gros efforts. Là on fait travailler la tête du cavalier. C’est lui qui va jouer avec les subtilités du parcours.


Est-ce indispensable d’avoir été cavalier pour être chef de piste ?


Je pense que oui tout simplement parce qu’on connait l’influence de l’environnement sur le tracé : couleur des obstacles, emplacement d’une tribune, présence d’un panneau lumineux, zone d’ombre ou de soleil. Tout cela entre en ligne de compte lorsqu’un chef de piste, ancien cavalier, monte sa piste.


Est-ce qu’il y a une angoisse du chef de piste pendant un parcours ?


L’angoisse elle est permanente. Il faut bien savoir que si il y a 60 engagés dans le Grand Prix, le chef de piste est seul responsable du spectacle. S’il est loupé, les 60 vont lui taper sur la tête. Il est responsable aussi vis-à-vis de l’organisateur. Donc bien évidemment il y a une angoisse permanente. Et quand il n’y a plus cette angoisse je pense que ça devient une routine, et là c’est grave.


L’angoisse du barrage ça existe aussi ?


Bien évidemment mais un peu moins parce que, après le barrage, c’est un peu mission accomplie. Quand on a nos barragistes et que le Grand Prix a été réussi, l’angoisse disparaît. Reste à assurer le spectacle que le public aime. On voit le public aujourd’hui très enthousiaste quand on met des grandes longueurs pour d’aller galoper sur le dernier obstacle qui fait faute ou qui ne fait pas faute. Je trouve que le barrage n’est plus vraiment la compétition proprement dite. C’est du spectacle.


Qu’est-ce qui a fait que les obstacles gros et larges il y a 20 ans, se sont amenuisés ?


Tout simplement pour la sécurité. Il y avait vraiment de grosses catastrophes. Quand un cheval ou un cavalier faisait une erreur d’appréciation à l’abord, c’était assez fatal. Pour le confort du cavalier et du cheval aussi. Aujourd’hui nous devons prendre un maximum de précautions pour ne pas donner d’arguments aux « animalitaires » qui veulent la disparition de l’équitation, comme on les a encore vus à Rotterdam. Le bien-être du cheval passe aussi par là.


Votre parcours à vous, c’est cavalier puis chef de piste ?


J’ai commencé en étant cavalier. J’ai été champion de France Jeunes Cavaliers, Champion de France seconde catégorie, membre de l’équipe de France pendant un petit moment puisque j’ai participé aux Championnats d’Europe avec Roger-Yves Bost en autres. Pour autant je n’en ai pas fait mon métier. Lorsque mes chevaux ont été vendus et pour ne pas perdre le contact avec le milieu, je me suis mis à faire des pistes avec Philippe Gayot qui était un grand chef de piste réputé, c’était le chef de piste fédéral de l’époque. J’ai commencé avec lui mais pour mon plaisir personnel et, de fil en aiguille j’ai poursuivi et c’est devenu une vraie passion.


Quel est le plus difficile, monter un parcours pour jeunes chevaux ou un parcours de Grand Prix 150 ?


Je pense que le plus difficile ce sont les parcours des jeunes chevaux, parce que là c’est l’avenir d’un cheval, d’une carrière de grand cheval qui se joue. Si un chef de piste met un obstacle difficile à sauter ou que le cavalier soit obligé d’armer pour réussir à sauter les obstacles, ce n’est pas bon. Quand on fait peur à un jeune cheval ça le poursuit toute sa vie.


Vous jugez que les parcours sont formateurs pour les jeunes chevaux ?


La SHF, depuis maintenant des années, a mis en place le meilleur système du monde. Tous les étrangers copient sur la SHF, copient sur les concours jeunes chevaux français. Je trouve que pour la progression des chevaux c’est bien. Le cahier des charges de la SHF est bien fait et les concours sont organisés dans de bonnes conditions sur des bons terrains et avec les obstacles qu’il faut.


Côté organisateurs ?


Il faut donner un grand coup de chapeau à tous les organisateurs. J’en connais pas mal dans le Nord qui sont des grands messieurs dans l’équitation, entre autres Bernard Lesage qui est président de l’AECCP, entre autres Pierre Dorchies. Ce sont des gens passionnés, imprégnés dans le milieu depuis toujours et qui ont donné beaucoup. Ceux-là ce sont des gens du Nord, mais il y en a beaucoup en France qui font tout pour donner satisfaction et qu’on puisse pratiquer notre sport dans les meilleures conditions, de terrain, d’accueil, d’hébergement. Ils savent que les chevaux coûtent de plus en plus cher et font le maximum pour que leur bien-être soit assuré. Il faut vraiment leur donner un grand coup de chapeau.


Vous avez un mentor dans les grands chefs de piste ?


Oui, j’ai des mentors. D’abord je suis chauvin donc je vais dire que j’aime bien tous les chefs de piste français. Nous en France on est très bons et on a des grands chefs de piste, notamment Jean-François Morand qui est là présent à Fontainebleau et qui est digne de ses fonctions ici comme dans les concours internationaux. Je trouve très satisfaisant que la France aujourd’hui sollicite ses chefs de piste français, que ce soit Jean-François Morand, Jean-Paul Lepetit, Grégory Bodo et d’autres encore que j’oublie.


Il n’y a plus beaucoup de terrains en herbe, vous le regrettez ?


Oui, c’est vrai, je le regrette beaucoup parce qu’un terrain en herbe c’est magnifique, des obstacles posés sur un gazon comme on vient de le voir ici à Fontainebleau, OK. Le problème c’est que maintenant il y a de plus en plus de concours, et avec l’aléa de la météo c’est bien plus sécurisant pour un organisateur d’avoir du sable parce qu’au moins on est sûr de faire un concours dans de bonnes conditions.


Recueilli par ER


12/09/2019

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