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Les carences chez la jument allaitante : qui paie l’addition ?

Chronique vétérinaireAprès la mise bas, on pense essentiellement au poulain et à ses possibles infections car c'est un organisme fragile qui nécessite une surveillance constante. Pourtant, c'est la jument qui doit nourrir ce nouvel être en puisant à la fois dans son alimentation et dans ses propres réserves corporelles, lesquelles ne sont pas inépuisables. Photo 1 sur 1

La lactation est loin d'être neutre pour la jument. En effet, la jument reproductrice est un animal dont les besoins, la capacité d'ingestion et les rendements de l'utilisation des nutriments varient très rapidement au cours du cycle. Ainsi on a très souvent une suralimentation en fin de gestation, car les besoins sont modérés et la jument bénéficie d'une amélioration de l'utilisation de sa ration, appelée anabolisme de gestation. Par contre, dès la mise-bas, les besoins liés à la production du lait augmentent plus rapidement que l'appétit de la jument.

Il est donc particulièrement délicat de « coller » aux besoins nutritionnels et tout décalage pourra avoir des répercutions sur l'état corporel de la jument, sa capacité à remplir mais aussi sur la quantité et la composition du lait touchant ainsi le poulain.

En connaissant les besoins alimentaires de la jument allaitante et son métabolisme, on peut savoir sur qui, de la jument ou du poulain, une carence alimentaire aura des répercutions.

Calcium et phosphore

On a une augmentation des besoins du fait de la production laitière. Ces deux composants sont stockés essentiellement dans l'os et la quantité de calcium dans le sang est fixe. Voyons sa distribution comme trois compartiments distincts : l'os, le sang et le lait.

Un apport insuffisant de calcium signifie que les besoins nécessaires pour la lactation seront pris sur les réserves osseuses de la jument, provoquant une ostéomalacie (rachitisme de l'adulte) ou une fragilisation des os (fractures spontanées, dégénérescence du tissu osseux, déformations...).

Le calcium et le phosphore doivent non seulement être apportés à la jument en quantités suffisantes mais en respectant dans la mesure du possible un rapport phosphocalcique de 1,5, et de toutes façons inférieur à 3.

Magnésium

Il n'existe pas de réserve, sa quantité dans le lait est donc dépendante de la concentration dans le sang. En conséquence, la carence touchera à la fois la mère et le poulain.

Cependant, elle reste rare pour la mère parce que les fourrages en sont généralement bien pourvus (sauf l'herbe jeune). Pour la jument allaitante cependant, on peut avoir des cas de tétanie par hypomagnésie.

Pour le poulain, le lait est naturellement relativement déficient en magnésium. Un poulain qui ne pourrait pas, pour une raison ou pour une autre, se tourner vers d'autres sources plus riches présenterait le syndrome du poulain contracté qui se caractérise par une démarche raide et brusque de type « pas de l'oie » et par de l'hyperexcitabilité.

On peut donc retrouver, chez les deux, les effets musculaires de toute carence en magnésium (contraction anormale des muscles).

Sodium

Il n'existe, là non plus, aucune réserve maternelle particulière. Sans un apport de sodium suffisant, on a une diminution de la production de lait afin que la concentration en sodium soit normale. On pourra aussi observer une tendance de la jument à manger ou à lécher n'importe quoi comme de la terre, des crottins ou de l'urine appelée pica.

Protéines (MADC)

La quantité de matières azotées apportée par l'alimentation est primordiale pour la production de protéines du lait (caséine, protéines du lactosérum) et d'azote non protéique (urée, acides aminés, peptides) sinon ce sont les protéines de la mère qui vont être utilisées.

En cas de carence, le signe le plus précoce est une dé-musculation. En effet, la source de protéine la plus accessible est le muscle, ce qui provoque le dos creux observable chez certaines juments.

On sait que la teneur et la composition des matières azotées du lait est influencée par la ration. Un déficit azoté tend à réduire la production laitière et le taux protéique du lait avec des répercussions sur la vitesse de croissance du poulain.

Énergie (UFC)

Les besoins énergétiques augmentent avec la quantité de lait produite. Le lait de jument est relativement pauvre en matières grasses mais riche en lactose.

Les matières grasses du lait de jument représentent 50 % de l'énergie totale. Ce sont des triglycérides pour 80 % avec des acides gras et des phospholipides. Leur teneur est fortement diminuée par un apport d'aliment concentré, ce qui explique que la jument conduite en été au pâturage ait un lait plus gras que si elle est alimentée au box avec des régimes d'hiver.

A noter que si les apports énergétiques de la ration dépassent les besoins, la teneur en matières grasses du lait tend à diminuer par dilution du fait de l'accroissement de la quantité de lait produite.

Si les apports alimentaires sont insuffisants, la jument prendra dans ses réserves de graisse pour assurer la lactation. Cela compromettra non seulement l'état corporel de la jument mais aussi les paramètres de la gestation suivante (précocité des chaleurs, réussite de la fécondation, survie embryonnaire et développement fœtal).

La production du lactose est dépendante du glucose absorbé dans l'intestin grêle. Et donc à l'inverse de ce qu'on observe avec les matières grasses, la teneur en lactose d'une jument alimentée avec un régime à base de foin (contenant des fibres qui ne seront digérées que dans le gros intestin) est plus faible que chez une jument avec un régime mixte (l'amidon apporté par les céréales étant absorbé au niveau l'intestin grêle).

Il faut veiller à un apport équilibré entre les matières grasses et les sucres.

Zinc et Cuivre

Là encore, pas de réserve maternelle. La richesse du lait sera donc dépendante des apports alimentaires. Or la majorité des fourrages français, y compris dans les grandes régions d'élevage du cheval, sont déficitaires en cuivre. Un chaulage trop massif destiné à relever le pH du sol est un facteur aggravant.

Le cuivre est un agent très intéressant pour réduire les risques d'ostéochondrose, redoutée à juste titre chez les poulains à croissance rapide. Les antagonistes du cuivre comme les excès de calcium et de zinc auraient l'action inverse. La surveillance non seulement du classique rapport phosphocalcique (Ca/P) mais aussi du rapport zinc-cuivre est souhaitable.

Vitamine A

Pas de stockage chez la jument et le poulain en possède de faibles réserves à la naissance. Le colostrum est environ 10 fois plus riche que le lait en vitamine A pour faire des réserves au poulain.

Si la jument est au pré, les risques de carence sont faibles. Par contre, si le poulinage a eu lieu tôt dans l'année et que la jument est au box avec une alimentation à base de fourrages conservés depuis la saison dernière, une supplémentation peut être nécessaire.

En cas de carence, le poulain aura un retard de croissance, une perte d'appétit, une sensibilité accrue aux infections et infestations entre autres choses. La jument aura des difficultés de reproduction.

Comme on peut le comprendre, dès qu'il existe une réserve alors seule la jument sera touchée en cas de carence sauf dans le cas où la demande est supérieure à la vitesse de libération. Par contre, sans réserve, c'est le poulain qui sera le plus sévèrement touché par une carence car il est plus fragile et en pleine croissance. Si la carence est importante, les deux sont touchés.

Cette règle générale permet de mieux comprendre et appréhender les effets des différentes carences nutritionnelles chez la jument allaitante.

François, Anne et Catherine KAEFFER
http://techniques-elevage.over-blog.com
(L'amour des animaux, la connaissance en prime !)

16/08/2012

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