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Le parage d’entretien sabots libres par Pierre Enoff*

Etymologiquement « Parer » vient du latin parare - préparer -. En ôtant de la corne, le maréchal ferrant prépare donc le sabot d'un cheval pour le ferrer. Mais qu'en est-il de l'entretien et du suivi des sabots en l'absence de fers ? Photo 1 sur 2
Le maréchal ferrant pratique le parage pour poser son fer. La préparation de la géométrie de l'ongle sera établie dans le but de fixer l'orthèse. Entre deux ferrages, il peut aussi faire un parage dit de prairie. Il veillera alors à laisser suffisamment d'ongle long pour s'assurer du ferrage prochain.

S'occuper d'un sabot laissé libre consiste surtout à entretenir la boite cornée dans son entier et dans ses « lignes ». Le parage du maréchal ferrant et l'entretien du sabot libre sont donc deux approches bien différenciées. L'entretien des sabots libres est un acte sanitaire non invasif comme l'est le ferrage et non médical comme l'est le parage d'une plaie.
En résumé, en l'absence de ferrage, le « parage » du sabot est en réalité une mesure avant tout hygiénique. L'intervenant va s'appliquer à suivre le modèle de la boite cornée dont nous avons vu dans l'article précédent (Le Cheval n°164) qu'elle est constituée de trois textures différentes. Il va couper les ongles trop longs, enlever les « parties mortes » et tenir propre l'ensemble de la boite cornée.

Respecter l'architecture de la boîte cornée

Le modèle de la boite cornée d'un sabot libre est bien différent de celui d'un cheval ferré. La pose permanente d'un cerclage rigide déforme et influe sur la géométrie. L'angle de pousse de l'ongle - la paroi - va être conditionnée par la rigidité du fer. Cette rigidité peut se révéler catastrophique quand le cheval est ferré avant que sa croissance soit achevée. En effet le fer, par sa rigidité, fixe anormalement la dimension du sabot alors qu'à l'intérieur les parties vivantes continuent leur croissance. Il arrive que la 3e phalange casse sous la pression ou développe une « sur ossification » désordonnée qui investit l'espace dédié normalement aux tendons, aux cartilages, à la vascularisation et au système nerveux. L'efficacité de l'appui et du système amortisseur se trouve ainsi largement hypothéquée. C'est souvent en fin de croissance vers l'âge de 6-7 ans que le cheval pâtit sérieusement de ces désordres tendineux et cartilagineux.
Respecter le modèle d'une boite cornée c'est donc l'entretenir afin que rien ne perturbe son « épanouissement ». Souvent sur les sols pollués par un surpâturage, on observe un développement anormal de bactéries qui en surnombre « attaquent » la partie cornée du sabot. Les points les plus exposés sont les « lignes » de jonction entre les différentes textures qui compose la boite cornée. Entre l'ongle - la paroi - et la sole c'est la ligne blanche. Entre la sole et la fourchette ce sont les lacunes. Ces lignes de « colle » assurent à la fois l'élasticité et l'étanchéité. Il est donc primordial qu'elles soient saines et fonctionnelles.

La ligne blanche

La qualité de la ligne blanche conditionne la souplesse nécessaire à la fonction d'amortissement. Elle est souvent agressée par un élément perturbateur, le gravillon. Véritable petite pointe qui s'insinue, ce qui favorise un développement bactérien. En laissant les bactéries anaérobies agir, la ligne blanche se trouve soumise à une détérioration en règle. Il convient de dégager physiquement les intrus et de décaper avec du vinaigre de cidre qui, grâce à son acidité, est un puissant anti bactérien. Tous les tissus morts seront enlevés.
Les lacunes

Quand les bactéries s'installent dans les lacunes elles se nourrissent de la partie cornée. Ceci à pour effet de « creuser » les lacunes. La remontée des lacunes modifie le fonctionnement du système amortisseur de l'arrière du doigt qui est en charge d'absorber l'énergie cinétique. Si l'appui est trop vertical, la suspension n'est plus conforme et devient moins opérationnelle. Ce sont alors les cartilages et les tendons qui en subissent les conséquences.
Nous constatons donc qu'un manque d'hygiène élémentaire modifie à lui seul la locomotion harmonieuse de notre cheval.

La couleur de la corne

On attribue aux sabots à corne blanche une faiblesse ce qui n'a aucune réalité scientifique. La couleur, le pigment, n'intervient en rien dans les gènes de structure de la kératine. Que la corne soit blanche ou noire, l'organisation des chaines polypeptidiques est la même. Inutile de s'alarmer si son cheval a ses quatre sabots blancs. Ils sont tout aussi résistants que les autres.

Les aplombs

Une croyance très répandue laisse penser qu'en intervenant physiquement sur la boite cornée il est possible de modifier les aplombs du cheval. Nous avons tous notre façon singulière de nous déplacer. Nous sommes parfaitement en capacité de reconnaître quelqu'un uniquement en observant son attitude générale, son comportement dans le mouvement. Nous reconnaissons la particularité de chacun. La théorie de l'aplomb parfait reste une notion culturelle. Qui, parmi nous, a des aplombs parfaits ? Quelle est la norme ? En revanche chaque individu doit pouvoir se déplacer sans altération dommageable. Il en va de même pour notre cheval mais ce n'est pas toujours le cas lorsqu'il est ferré, d'où cette croyance tenace. La rigidité du fer impose des angles qui ne correspondent pas à l'individu. Sabots libres, l'usure de la corne assure une conformité « automatique ». Ainsi angle de pousse et hauteur des talons s'auto-régulent en fonction du substrat. Toutefois un cheval séjournant sur un sol mou et peu abrasif devra voir ses sabots mis en condition pour se déplacer sur un sol dur. La façon la plus efficace de régler cette problématique est de faire se déplacer votre cheval sur un revêtement goudronné. La route goudronnée présente l'avantage d'être une véritable râpe. Elle permet au cheval de régler à la perfection sa hauteur de talon et de garantir, sur ce sol dur, la qualité du coussinet plantaire.

Simple mais pas simpliste

Tout ceci peut paraître simple. C'est la nature qui a mis au point cette astucieuse autorégulation par usure. En tenant nos chevaux sur des espaces réduits, assez pollués et souvent souples et non abrasifs nous perturbons ce qui est programmé par la nature depuis des millions d'années.
Pour compenser la perturbation nous sommes contraints d'assurer l'entretien des sabots en respectant le modèle original qui reste le mieux disant en matière de locomotion. Au delà de cette notion d'entretien il convient de faire appel à un professionnel expérimenté et spécialiste des sabots libres quand votre cheval présente des pathologies liées aux sabots.

* Pierre Enoff, Biophysicien spécialiste de la locomotion équine www.equi-libre.fr

21/04/2011

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