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Elections à la présidence de la FFE : la preuve par 7

  • Anne de Sainte Marie, Jacob Legros et Serge Lecomte
    Anne de Sainte Marie, Jacob Legros et Serge Lecomte
Nous avons posé sept questions, les mêmes, à chacun des trois candidats à l’élection à la présidence de la FFE. Voici leurs réponses, juste avant les débats électoraux virtuels dont le premier a lieu ce soir.

La campagne de 2016 avait connu une certaine animation. Pour celle de 2020-2021, c’est une animation certaine. Trois candidats en lice, c’est une première.

Parcours marathon pour Anne de Sainte Marie, la seule femme après Jacqueline Reverdy à briguer la présidence. Longue campagne de terrain appuyée par une forte utilisation de la vidéo et du digital. Marketing pur et dur à la manière des politiques qui a fait émerger une femme sûre d’elle. C’est moderne, audacieux.

Bénéficiera-t-elle des 39 % de voix recueillies par Hervé Godignon il y a 4 ans ? Jacob Legros est là aussi pour les séduire. Si l’immense réservoir des abstentionnistes, peu enclins à s’exprimer lors d’une candidature unique, bouge du fait de cette offre élargie, l’élection du cru olympique 2024 fera date dans les annales de la FFE. L’élu d’Occitanie n’a pas fait physiquement de tour de France des clubs, il en a expliqué la raison dans l’interview publiée dans notre dernière édition. Président de CRE, dirigeant de structure, cavalier compétiteur, formateur, il est au cœur d’un sujet qu’il maîtrise bien.

Bâtisseur de l’actuelle FFE, chef du « canal historique », Serge Lecomte s’est déclaré tardivement, bien après les autres, plus occupé à régler les problèmes liés à la crise sanitaire qu’à sa réélection. Cible d’un certain « dégagisme », il a montré qu’il tenait bien la barre et naviguait en patron, avec une équipe renouvelée, fort d’un bilan sérieux, consolidé malgré la tempête Covid-19. Selon les estimations de BCPE l’Observatoire, la filière sport aurait enregistré une chute de 22% de ses activités en 2020 par rapport à 2019. La FFE, elle, a progressé de 12%.

Statutairement, l’élection se fait à la majorité absolue des suffrages valablement exprimés, bulletins blancs compris. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue, un second tour sera organisé avec les deux candidats arrivés en tête, à la majorité simple et sans condition de quorum.

Le terme « campagne » pris dans son sens statutaire a soulevé quelques questions de la part de la candidate. L’article 7C du règlement intérieur dispose que « la campagne électorale s’ouvre à la publication des listes. A partir de cette date aucun candidat à la présidence ne peut agir individuellement auprès des électeurs ». Rien à voir avec le marketing.

 

Débat virtuel à trois

A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : la FFE a mis en place un débat virtuel à trois comme annoncé en fin de semaine dernière. «  C’est un débat électoral sous une forme inédite dans l’histoire électorale de la FFE. L’occasion de donner la parole aux candidats à la présidence de la 3e fédération sportive française. Ils pourront ainsi confronter leurs programmes aux questions des électeurs. »
 
Les trois rendez-vous se dérouleront à l’hippodrome de Paris Longchamp (75). Ils seront supervisés par la Commission de surveillance des opérations de vote ainsi que par un huissier de justice qui veilleront à leur bon déroulement. Deux thématiques seront abordées lors de chaque débat. Ils seront animés par Emmanuel Ostian, journaliste et présentateur extérieur au monde équestre.
 
Le programme         

- Lundi 15 février 2021 à 20 heures : Environnement fédéral ; Equitation/société.
- Jeudi 18 février 2021 à 20 heures : Développement des clubs, économie, relance ; Formation professionnelle et emploi.       
- Mardi 23 février 2021 à 20 heures (date restant à confirmer) : Compétition ; Tourisme équestre.  

 
Le déroulement             

Avant chaque débat, les membres de l’assemblée générale auront la possibilité de soumettre des questions en rapport avec les deux thèmes programmés. Les questions seront recueillies par la Commission de surveillance des opérations de vote. Parmi les questions retenues par la Commission, les modérateurs de chaque candidat choisiront trois questions par thème avant le début de chaque débat. Ces trois questions seront posées successivement à chacun des trois candidats par l’animateur.
 
En raison de la crise sanitaire, les trois rendez-vous se tiendront à huis clos et seront diffusés sur les réseaux sociaux de la FFE et de chaque candidat ».

Pour suivre les débats http://webconference.ffe.com/debat-ffe-2021


• Moi Président (e) : salarié (e) ou bénévole ?

Anne de Sainte Marie. L’équitation est l’une des dernières fédérations sportives à en discuter. Entre 2008 et 2012, le CNOSF – représentant du mouvement sportif et olympique français – a mené un débat à propos de la gouvernance et de la transparence des fédérations, avec beaucoup de questions autour du Président. Dans ses recommandations finales, le CNOSF demande de salarier les présidents en échange de leurs démissions de toute activité mercantile, pour qu’ils se consacrent à plein temps à leur mission et pour limiter leurs conflits d’intérêts. Je suis donc pour, d’autant que les statuts de la fédération le prévoient déjà et que la rémunération est encadrée par la loi – donc limitée. Elle permet aussi à d’autres profils que des rentiers ou des retraités de pouvoir se présenter à la Présidence. C’est très vertueux. J’ajoute que je suis aussi pour la limitation à deux mandats successifs, pour assurer à l’équitation une vie démocratique riche et un renouvellement régulier des énergies comme des idées.

Jacob Legros. Salarié c’est une bonne mesure, car cela permet à tout candidat de se présenter à la Présidence, et non pas seulement des personnes aisées. Si l’on veut que des actifs s’engagent dans cette voie il faut leur donner les moyens. Je suis bénévole engagé depuis 1994, d’abord dans la commission CSO, mais aussi au service du collectif dans le combat TVA, sans étiquette, puis élu Président du CRE Languedoc Roussillon et Occitanie. J’ai toujours su gérer mon temps professionnel, mon engagement de bénévole et ma vie familiale de front. Tout cela sans compensation financière. La complexité n’est pas de sortir un « salaire » de ce poste, mais la capacité à se faire remplacer selon l’amplitude chronophage de la fonction de Président. La compensation financière interviendra, en ce qui me concerne, en fonction du temps que je devrai y consacrer.  Ce n’est pas un CDI, et il vaut mieux prévoir ses arrières, et avoir les moyens de pérenniser les engagements professionnels en cours.

Serge Lecomte. Mon engagement à la FFE a toujours été entièrement bénévole. Outre le fait que je suis l’un des principaux contributeurs, j’ai même logé gratuitement la fédération dans mes locaux de La Villette à Paris pendant 15 ans alors qu’elle n’avait plus les moyens de payer ses loyers.

Si j’ai rendu possible dans les statuts la possibilité de payer le président et deux autres élus de la FFE, ce n’était absolument pas pour moi, mais pour aider éventuellement un successeur à avoir un complément de revenu pour le temps consacré au collectif.

Si j’avais imaginé que cela pouvait être pris pour un plan de carrière par des candidats en mal de situation, je ne l’aurais jamais fait voter.

Je remarque également que les vrais professionnels qui se présentent aujourd’hui pour administrer la fédération n’imaginent pas leurs fonctions autrement que bénévoles, alors que d’autres candidats, plutôt amateurs souhaitent être payés au niveau autorisé par la loi qui est d’environ 100 000€ par année par personne.

 

• Le choix de Versailles pour les JOP Paris 2024 : une erreur ?

ASM. L’erreur c’est la façon dont Serge Lecomte, le Président-candidat, a mené ce dossier, qui est finalement très révélatrice de bien d’autres. D’abord, il n’avait pas d’objectif clair. Il a tergiversé à propos du site en soutenant Versailles en premier lieu, puis Lamotte Beuvron dans un second temps. Ensuite, il a failli sur la méthode, en n’ayant aucune stratégie. Au lieu de chercher à échanger, à influencer et à convaincre les partenaires de la Fédération, les pouvoirs publics et Paris 2024, il s’est enfermé dans un rapport de force voué à l’échec. Il aborde toutes les situations de cette façon, on l’entend encore pendant cette campagne. Cette posture est à l’inverse de mes convictions : je suis pour l’ouverture, la discussion, la concertation. C’est, je le sais, ce qui aide à être entendu et à peser pour gagner des arbitrages. Le respect appelle le respect. Là, nous parlons des JOP Paris 2024, mais Serge Lecomte, avec la même démarche, a aussi échoué sur les dossiers de la TVA et du fond équitation. 

JL. Une erreur démocratique. En effet, les institutionnels ont encore décidé entre eux sans aucune concertation des acteurs et des intéressés. L’important dans l’implantation du site dédié à l’équitation, c’est d’envisager qu’il reste un outil utile au plus grand nombre, aux clubs. Les sites des différents championnats de France ont cette faculté, c’est dommage qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une étude de fréquentation pour en définir le choix. Versailles c’est le luxe, l'élite, c’est une image contradictoire à la démarche de démocratisation pour l’accès au sport pour tous. Cela ne peut convenir qu’à une minorité de conservateurs, et j’ai bien peur que cela ne serve que des intérêts privés plutôt que l’intérêt collectif. Sans servir l’économie de notre domaine, de nos clubs, cela risque en plus de lui être préjudiciable par l’image huppée véhiculée. C’est dommage, cela laisse présager d’un grand gaspillage, sans que l’équitation n’en sorte grandie.

SL. C’était une excellente proposition pour faire gagner Paris dès lors qu’il y avait plusieurs villes candidates, ce qui ne fut pas le cas in fine.

Ce projet à Versailles me motivait d’autant plus, qu’au début de nos discussions, nous envisagions un terrain permanent pour permettre à des organisateurs d’y réaliser des épreuves internationales de prestige.

C’est facile d’y monter des opérations de type relations publiques pour financer de beaux concours.

Au fur et à mesure des discussions, il n’était plus question d’équipement pérenne mais de l’installation d’un nouveau poney-club derrière les grilles du château.

Pour moi, c’est impensable de consacrer de l’argent public à faire concurrence aux nombreux clubs environnants.

C’est pour cela que je me suis clairement exprimé sur le fait que n’importe quel autre lieu dédié au cheval serait préférable en termes d’héritage.

Pour ma part je me devais de défendre le patrimoine fédéral en proposant le Parc équestre fédéral.

Quoiqu’il en soit, j’apporterai tout mon soutien à la réussite la plus complète des JOP 2024, où qu’ils aient lieu.

 

• Si mauvais que ça le fonctionnement fédéral actuel et son parc que bien des fédérations sportives envient ?

ASM. Je me garderai de parler au nom des autres fédérations, même si j’échange avec beaucoup de présidents. Il est absurde de se comparer à plus petit, nous sommes la 3ème plus grande fédération sportive française. Certaines pourraient envier nos revenus et notre modèle sans subvention. Sauf que les dirigeants de structures équestres ne sont pas dupes : ils voient que la fédération est riche et les clubs pauvres. C’est anormal. Je changerai ce système car on en voit les limites : quand les clubs et les compétitions vont mal, la levée d’impôts de la fédération est moindre et son bilan négatif (-2,6M€ en 2020). Surtout lorsqu’elle dépense encore 2,5 M€ annuels pour investir dans le parc fédéral. Il est temps d’investir pour stimuler la croissance, ce que doit faire toute fédération, c’est le sens de notre proposition avec les référents terrain et le plan de relance CHEVAL. Sinon, la rentrée exceptionnelle de cette année, due au Covid - comme tous les sports d’extérieur – restera sans lendemain. Il faut aussi s’inspirer d’autres sports pour la médiatisation du cheval et la politique de sponsoring associée. 

JL. Le fonctionnement Fédéral n’a pas besoin d’un nouveau souffle, mais d’un nouveau Cap. C’est une mécanique bien huilée. Son parc et l’ensemble des investissements proviennent de l’économie générée par les clubs, au travers du service aux licenciés. Les finales clubs et ponam détiennent le record mondial de regroupement de chevaux et de poneys de clubs. C’est donc un outil incontournable pour nos clubs, nos professionnels et nos licenciés. Il faut toutefois limiter les investissements lourds, qui par effet ricochet engendrent des frais d’entretien supplémentaires. Ce plafonnement des dépenses doit être décidé par l’assemblée générale et s’inscrire dans les statuts types, pour que toute modification soit obligatoirement l’objet d’un vote. La dimension du parc fédéral doit être proportionnelle à son intérêt pour l’économie de tous les clubs. L’économie générée doit alors servir aux actions de promotion et de développement au plus près du terrain. 

SL. Nous investissons dans ce Parc ce que nous devrions payer en loyers si la FFE était locataire.

Nous avons transformé une fédération locataire en une fédération propriétaire.

Ne pas avoir réalisé ce Parc n’aurait apporté aucune économie. Cela aurait fait dépenser les mêmes budgets sans aucun héritage et aurait maintenu la fédération dans la dépendance de ses besoins en termes de bureaux, d’accueils, de salles de réunion et d’espaces sportifs.

Au pire, nous aurions acheté un immeuble à Paris où ni cavalier ni club n’aurait pu profiter de l’investissement.

Mon objectif est de le rendre rentable avec de multiples activités extra équestres pour qu’il ne coûte rien à la fédération et qu’il rapporte.

Nous y sommes parvenus ces dernières années, jusqu’au Covid qui a tout arrêté.

Le Parc est devenu une entreprise importante que je maîtrise parfaitement. Nous voulons le conduire à être un lieu exceptionnel pour les cavaliers, tout en étant ouvert sur tous les autres domaines d’activités, d’événements, de séminaires ou d’expositions pour en faire un véritable outil de communication participant à la mise en valeur de l’équitation.

 

• Patron de centre équestre : métier ? divertissement ? galère ? fantaisie ?

ASM. Métier de passion ! Un patron de centre équestre, c’est avant tout un amoureux des chevaux et des gens, sinon il est impossible de s’investir à 100% comme ça l’exige. C’est un métier difficile, une recherche permanente de l’équilibre, entre gestion du personnel, disponibilité aux clients, tracas réglementaires, etc. Parce que je connais cette réalité, l’une des priorités de mon mandat sera de rénover le modèle économique. En améliorant la qualité de vie, nous faciliterons le recrutement de personnel et donnerons aux dirigeants des perspectives, avec des projets à long terme, incluant la transmission de leur entreprise. Une certitude : diriger un centre équestre est incompatible avec la présidence de la Fédération. Ce sont deux métiers à plein temps, sauf si on laisse l’administration, des rentiers ou des retraités gérer la FFE, ce qui n’est pas souhaitable. Le Président de la FFE doit être le président de tous les clubs de France, pas d’un club. Cela évite tout conflit d’intérêt. 

JL. Cela part d’une passion, d’une fascination, de la relation avec le cheval et de sa majestueuse prestance. Puis de l’envie de partager cette philosophie de vie. En définitive on ne sait plus qui du cheval ou de l’humain dépend le plus de l’un ou de l’autre. Sport, travail, loisir, évasion, art, la relation au cheval est multiple, et il n’y en a pas une qui vaut mieux que les autres, et la notion de dépendance reste la même, cela peut être considéré comme une drogue. Nous n’aimons pas simplement l’équitation, nous en sommes accros, et à quel niveau que ce soit. Métier à part entière face aux multiples responsabilités, d’abord de transmettre un savoir, ensuite la responsabilité de l’intégrité physique de nos chevaux et de nos cavaliers, la bienveillance de la santé de chacun, de l’épanouissement de tous, dans un cadre dédié dont les équipements sont onéreux. La nécessité de répondre à des frais importants nous oblige à générer de l’économie et à s’y consacrer pleinement.

SL. Pour ma part, d’abord une ambiance d’enfance. Mon père était l’un des tout premiers éleveurs de poneys, même le premier membre de la première organisation s’occupant spécifiquement de poneys et dénommée « Réunion des Amateurs de Poneys. » J’ai conservé sa carte d’adhésion de l’époque.

Ensuite une découverte du monde du cheval avec une formation chez Maître Jean Couillaud, premier centre de formation professionnel en son temps, stage à Saumur puis une initiation dans le trot, le galop, la compétition, pour finir au Club Méditerranée qui m’a beaucoup appris en termes de pédagogie.

J’ai également fait d’autres métiers avant de créer mon premier club à 26 ans.

Je dirige aujourd’hui plusieurs établissements grâce à une équipe engagée.

J’ai les ai non seulement créés mais aussi construits et reconstruits de A à Z.

C’est sans doute ce qui m’a préparé à réaliser le Parc équestre fédéral pour lequel j’ai aussi mis la « main à la pâte ». Bénévolement bien sûr.

 

• L’arrivée massive de l’argent dans le sport et particulièrement dans le haut niveau, ça vous inspire quelles réflexions ?

ASM. Le sport business n’est pas qu’un concept, c’est une réalité qui s’impose à tous. Je l’ai déjà constaté pendant mes années de cadre à la Direction Technique Nationale . L’argent est une donnée toujours plus importante, qui malheureusement restreint l’accès des talents à la haute performance. Il favorise un entre soi limitant de fait les histoires à raconter au public, à la presse et aux cavaliers de nos clubs. A la fin, notre place aux JO pourrait être menacée par cette tendance. Ainsi, un volet de mon projet est consacré au programme ‘jeunes talents’. Il prévoit la détection des cavaliers à fort potentiel de 11 à 18 ans, pour les accompagner dans leur projet professionnel équestre via des bourses au mérite financées par du mécénat, avec un abattement fiscal de 60%. La préparation au métier de cavalier se fera grâce à la structuration d’un système technique, commercial et logistique complet. Des partenariats avec des Fédérations étrangères permettront par exemple des stages internationaux hors des temps scolaires pour les jeunes. Cela constituera aussi un vivier pour les équipes de France. 

JL. Ce n’est pas le cas pour toutes les disciplines. Cela concerne en particulier l’endurance et le CSO. Pour l’endurance c’est pour des raisons sociopolitiques qui permettent aux Emirats Arabes d’émerger dans une discipline. Il y a une surenchère à la performance, qui si elle est profitable aux éleveurs, au commerce, ne l’est pas obligatoirement pour les chevaux. Pour le CSO, et selon le vieille adage « pour être millionnaire en équitation, il faut commencer milliardaire », c’est que l’arrivée massive de l’argent oblige à en investir toujours plus de la part des cavaliers. Cela verrouille de plus en plus les participations. En fait, c’est l’argent qui fait le sport et non plus le talent. C’est pour cela que je veux développer un programme de détection de jeunes talents et les accompagner dans leur formation. Je rêve d’un « mercato » du cavalier, pour cela il faut que le système financier soit plus en phase avec le talent, c’est ce qui séduira les sponsors et partenaires.  

SL. Je ne trouve pas que l’arrivée est suffisamment massive. Il y a des circuits qui concurrencent les logiques sportives internationales par la surenchère mais le mercato qui précède les grandes échéances n’explose pas vraiment.

Nous avons maintenant la chance d’avoir un groupe de propriétaires français solides qui allient sport, élevage et étalonnage, ce qui permet à nos meilleurs cavaliers d’avoir plusieurs chevaux de tête et d’en garder suffisamment pour les grandes échéances.

La mise en place des listes JO-JEM, des Groupes 1 et 2 et maintenant des listes JOP permet de donner de la visibilité aux propriétaires.

Nous avons lancé un fonds de dotation Equiaction pour favoriser le sponsoring et le mécénat, notamment vers le sport de haut niveau, et aussi pour des actions solidaires, vers la médiation avec les équidés.

Il faut toujours prévoir les étapes suivantes, et je ne me satisfais jamais de ce que nous obtenons, il faut plus !

 

• Sans élevage, pas de cavaliers. Que ferez-vous pour rétablir ce lien indispensable à la culture équestre ?

ASM. Ce n’est pas moi, fille d’éleveurs, qui vais sous-estimer l’importance de l’élevage ! Toute l’équitation part de là. 

Je pense que la priorité est de mettre en place une politique d’ouverture et de partenariats. L’équitation a beaucoup d’opportunités à nouer : dans la filière, mais aussi avec le monde agricole, le mouvement sportif, les acteurs de tourisme, les médias, des sponsors, des mécènes, etc. Une multitude de parties prenantes avec qui nous ne parlons pas aujourd’hui. La fédération doit arrêter la politique de la chaise vide et jouer son rôle au sein de la gouvernance de la filière.

Aujourd’hui le dialogue est rompu avec nos partenaires. Ma connaissance du milieu de l’élevage et de l’équitation me permettra de créer ces liens sur des bases saines et nouvelles. Je rencontrerai dès mon élection le président de la SHF pour faire un état des lieux des besoins en matière de circuit passerelles – de commercialisation – de formation de nos meilleurs chevaux. Nous échangerons aussi pour répondre aux difficultés que rencontrent les dirigeants à trouver des chevaux clubs. 

JL. Toute ma carrière a été magnifiée par ma relation avec les éleveurs. Celui duquel je me suis le plus inspiré est Xavier Leredde. Les « Rouge » ont rempli mes écuries de très bons chevaux, tous les mêmes : un braquet démesuré, un cœur en or, une force et un sang sans commune mesure. Solides et généreux, le fruit de dizaines d’années de réflexion et de croisements judicieux. Xavier m’a dit un jour « Nous les éleveurs, nous sommes capables de sacrifier une génération pour ramener du sang ou de la force, un courant nouveau ». C’est une réflexion qui m’a marqué. C’est pour cela que je suis inquiet aujourd’hui pour l’élevage. Les professionnels, avec une vraie politique d’excellence disparaissent les uns après les autres, faute à une fiscalité injuste les mettant en concurrence déloyale avec les éleveurs amateurs non fiscalisés. Pour le domaine fédéral c’est un peu pareil, il faut revoir notre modèle économique, éradiquer la concurrence illégale et viser l’excellence équestre.

SL. Je ne fais pas d’opposition entre l’élevage et l’équitation.

C’est l’élevage qui m’a conduit à l’équitation.

Les centres équestres sont pour beaucoup des éleveurs et lorsque l’on croise les fichiers FFE / naisseurs, près de 50 % des éleveurs sont adhérents de la FFE.

Pour ce qui me concerne, je fais naître une douzaine de poulains chaque année ce qui me fait bien comprendre la complémentarité évidente entre la production et l’utilisation.

Mais aussi, pour produire, il faut des consommateurs, je ne connais pas de productions qui peuvent perdurer sans débouchés. En fabriquant des cavaliers, les centres équestres créent les besoins d’élevage. En gérant les circuits de compétition, la fédération crée de la valeur pour les équidés qui permettent aux éleveurs de mieux organiser leur production.

La SHF a créé la fédération il y a 100 ans. Ensemble avec la FFE, nous avons un vrai parcours à organiser et nous devons profiter des JOP 2024 pour valoriser l’élevage français. Vendre des chevaux de sport dans le monde entier est le meilleur signe de notre excellence à la fois sportive et d’élevage.

 

• Votre auteur préféré ? Le dernier livre que vous avez lu ?

ASM. Je vis dehors la majorité du temps, et je ne suis donc pas une grande lectrice. En revanche, j’écoute de plus en plus de podcasts. On peut les écouter partout, c’est très pratique, et surtout très intéressant pour s’ouvrir sur le monde. Celui que j’ai le plus apprécié récemment est « Femmes Puissantes » de Léa Salamé : il analyse la façon dont on qualifie les hommes qui exercent des responsabilités, et la compare à celle utilisée pour les femmes. Etrangement, on dit d’une femme qu’elle est « autoritaire » là où l’on dirait d’un homme qu’il est « puissant ». J’ai beaucoup de modèles de femmes qui m’inspirent, comme Christine Lagarde sur la scène internationale, ou encore dans notre univers Sylvie Robert ou Charlotte Dujardin.

JL. Celui qui m’a le plus marqué c’est Dostoïevski, il a une façon de décrire la psychologie de la nature humaine avec un rythme particulier. Les personnages sont tous différents et à la fois ont un rôle essentiel dans l’atmosphère des différents romans. Cette vie, souvent rurale et de la classe sociale plutôt basse, résume les traits de caractère que l’on retrouve au quotidien dans le comportement de chacun confronté à l’autre, aux autres. Le dernier livre que j’ai lu est un roman de ma femme, son deuxième. Elle a beaucoup de mérite, Brigitte, elle supporte depuis tant d’années mes activités qui accaparent mon temps. L’engagement bénévole grignote sur la vie de famille. Dans ses moments de solitude, Brigitte écrit des nouvelles, des romans. Celui-ci est « Les mille collines du Rwanda » aux éditions Complicités Auteur Brigitte Marie Michel. Je vais pouvoir attaquer son troisième « Solitude » aux éditions le Lys Bleu. Mais les temps de pause dédiés à la lecture sont rares… 

SL. Aujourd’hui je consacre tout mon temps pour que l’équitation et les établissements équestres sortent de la crise sanitaire le mieux possible et aussi à préparer la meilleure reprise possible.

Je pense que lorsque je sortirai de cette période, j’irai vite remonter sur mon tracteur pour préparer la mise à l’herbe et retrouver une bonne fatigue physique qui m’oxygènera les neurones.

Après quoi, je lirai les bonnes nouvelles dans « Le Cheval ».

Etienne Robert

15/02/2021

Actualités régionales