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La filière Trait dans l'impasse

Cri d'alarme de Pierre Pasdermajian, président de France Trait à l'annonce de la diminution de 45 % des aides attribuées à la filière. Celui qui prône « l'agro-attitude » s'insurge contre les mesures qui favorisent l'entrée de la viande de cheval d'Amérique du sud et de l'est de l'Europe au détriment de la production française. Tour d'horizon argumenté et plaidoyer pour une interprofession. Photo 1 sur 1


Quelle est la réalité de la filière Trait aujourd'hui ?
« On a répondu aux demandes pressantes depuis plusieurs années des autorités c'est-à-dire de l'Etat entre autres, on nous a demandé de nous structurer et d'être structurés autour d'un outil de travail qui est aujourd'hui France Trait. On a répondu présent, on s'est complètement structuré, je pense qu'aujourd'hui France Trait a complètement fait ses preuves de l'efficacité auprès de ses adhérents qui sont les 9 races de chevaux de Trait et des zones dites d'élevage puisqu'aujourd'hui le Conseil d'Administration a été complètement changé. Nous avons trois administrateurs par race dont un issu des « hors berceau » donc on a le collectif complet d'élevage du cheval de Trait au sein de France Trait. On fait du travail mais on souffre cruellement parce qu'il nous manque des moyens financiers et humains. Malgré cela les races se motivent et participent à l'activité. Mais on s'aperçoit progressivement que le demandeur, le donneur d'ordre qu'est l'Etat entre autres, commence à nous abandonner dans l'étape du budget 2011. »

La viande de cheval, c'est toujours un problème ?
« Economiquement, la filière souffre beaucoup parce qu'on a un énorme problème avec la viande de cheval. On préfère faire rentrer de la viande d'Amérique du Sud et de l'Est de l'Europe, pendant qu'en France des producteurs ne peuvent pas commercialiser leur viande qui est tracée. Donc économiquement parlant on souffre. On nous demande de participer encore plus à l'activité économique et au soutien de l'Association Nationale de races pour qu'elle puisse développer sa politique de race, et du jour au lendemain l'Etat nous annonce que l'enveloppe sera réduite de 45 %. »

- 45 % ça signifie quoi ?
« - 45 % de financement, c'est comme si on nous coupait les jambes et qu'on nous demande de continuer de marcher et au pas accéléré. C'est le prochain dossier après celui des retraites, qui va arriver au Parlement. Si le législateur et nos élus votent un budget avec - 45 % pour la filière du cheval, hé bien c'est la mort de la filière et pas seulement des Traits, c'est la mort de la filière française. Ce n'est pas la peine de fanfaronner aujourd'hui avec des Jeux Equestres Mondiaux, avec des performances mondiales des chevaux, si aujourd'hui on nous enlève 45 % des aides.
- 45 % des aides c'est plus de la moitié des chargés de missions des 9 associations nationales de races qui seront licenciés. C'est pas de Salon de l'Agriculture et c'est la fin des actions structurantes et fédérantes, que France Trait met en place pour ses adhérents. »

Vous parlez souvent de « l'agro-attitude ». Ça recouvre quoi ?
« Ce que l'on ne comprend pas c'est que si il y a bien une filière en France qui revendique le statut agricole, non seulement qui s'en revendique mais qui a le comportement agricole, c'est bien les Traits. Là dessus on ne peut pas leur faire de procès. On est des agriculteurs à part entière. On fait partie d'un Ministère qui s'appelle le Ministère de l'Agriculture qui pour 2011 a un budget annoncé le 29 septembre dernier en augmentation de +1,8 %. La filière du cheval, elle, subit une diminution de 45 %, là il faut qu'on m'explique. On ne comprend plus. »

Chevaux de Trait, chevaux de Sport, est-ce que c'est compatible ?
« Ça devrait être compatible. Aujourd'hui ça ne l'est pas. Chacun se bat de son côté pour tirer 3 francs 6 sous et on ferait bien mieux d'être tous unis sur le même attelage parce qu'on tirerait tous dans le même sens. Moi je prône un rassemblement de la filière cheval autour d'une interprofession, parce que nous sommes des agriculteurs et à ce titre nous produisons «  agricole ». Pourquoi le cheval est-il le seul produit agricole qui n'a pas d'interprofession ? C'est incompréhensible. »

La Fival est morte non ?
« La Fival n'est pas morte. Elle est dans un coma entretenu. Maintenant à nous de la sortir du coma et de travailler et oublions un petit peu les querelles à la fois de personnes et de structures, de reconnaissances, et travaillons pour un seul et unique but : le cheval français.
J'ose espérer que Bruxelles va maintenir la TVA telle qu'on l'a aujourd'hui. Si par hasard la TVA revenait à de la TVA à 19,6 pour tout, il n'y a plus rien à y comprendre. On est agricole donc on doit avoir la TVA agricole. Une fois de plus, on est agricole. Il est important de se rapprocher très vite des chambres d'agriculture qui sont notre outil. Nous sommes des agriculteurs, je me répète. Nos Chambres d'Agriculture ont aussi probablement leur part à apporter. »

Est ce que le président de France Trait regarde ce qui se passe dans le cheval de sport ?
« Bien sûr que je regarde ce qui s'y passe. Et je trouve qu'on fanfaronne beaucoup autour du Cheval de Sport, je m'excuse du terme « fanfaronner », je ne devrais peut-être pas le dire, mais en ce moment on n'entend parler que de hautes écoles, hautes performances, haut niveau. On oublie de parler de l'animation rurale, du tissu rural, du tissu social, que le cheval, entre autres le Trait, entretient. Avant de parler de haut niveau, il faudrait déjà qu'on fasse vivre notre ruralité dans laquelle il y a des sports, des poneys, des ânes et des Traits. Et c'est quand même ces gens-là, à la base, qui font l'animation du tissu rural, qui entretiennent les grands espaces.
Si d'aventure l'Assemblée Nationale et le Sénat venaient à accepter qu'on soit mangé à 45 %, nous les Traits, nous sauront faire savoir que ce sont les élus qui auront pris cette décision-là. Ils seront responsables de la mort d'une filière. »

Vous irez au Salon de l'Agriculture ?
« En l'état, non. A l'unanimité des 9 races, nous ne serons pas présents au Salon de l'Agriculture. Maintenant si l'on veut que nous y soyons eh bien qu'on nous entende. Je ne suis pas entrain de pleurer de l'argent pour de l'argent, je suis surtout ?en train d'essayer de faire comprendre qu'on nous reconnaisse par rapport au travail qui vient d'être fait depuis 5-6 ans.

L'avenir du cheval de Trait, c'est la boucherie ?
« C'est la boucherie pour 80 % de notre production parce qu'on est agricole et que c'est l'issue naturelle de notre production. On fabrique de la viande qui doit être consommée. Mais l'avenir est aussi dans la valorisation des 20 % restants. Dans le cadre de la valorisation, là aussi on a fait énormément de travail, il y a toute une dynamique qui s'est installée autour du cheval de Trait, du cheval territorial. Il y a plus de cent villes qui utilisent des chevaux de Trait, il y en a d'autres qui sont prêtes à y aller. C'est le Trait qui génère de l'activité. On fait vivre des concepteurs de matériel. Il y a des gens qui se sont mis à concevoir du matériel agricole. Des grosses firmes, telle que SITA, telle que Véolia, s'intéressent au système créé et tout ça c'est de l'économie qu'on génère. »

Propos recueillis par E. R.

16/12/2010

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