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Femmes de cheval : Eliane Ruel, une vie consacrée aux Blondel

  • Eliane et les « bibles » que consultaient Michel. D’un côté le stud book du cheval de selle français, section II (1970-1971), de l’autre celui du cheval normand, poulinières (1954-1960)
    Eliane et les « bibles » que consultaient Michel. D’un côté le stud book du cheval de selle français, section II (1970-1971), de l’autre celui du cheval normand, poulinières (1954-1960)
« A cette table, il y avait Jan Tops, Hubert Bourdy et Michel. Tops voulait acheter Phédra en plus de quelques-uns de ses produits. Michel hésitait à vendre sa jument. Pour mettre fin à la négociation, il a prétendu que s’il vendait, je demanderais le divorce. Ce qui était exagéré. J’ai tout de même nettement préféré garder cette

« A cette table, il y avait Jan Tops, Hubert Bourdy et Michel. Tops voulait acheter Phédra en plus de quelques-uns de ses produits. Michel hésitait à vendre sa jument. Pour mettre fin à la négociation, il a prétendu que s’il vendait, je demanderais le divorce. Ce qui était exagéré. J’ai tout de même nettement préféré garder cette jument ».


Eliane rapporte cette anecdote lors de notre entrevue à Ravenoville. Au cours de la discussion, elle apporte deux volumes des très anciennes lignées maternelles. Deux volumes que Michel consultait fréquemment et qui ont forgé sa solide culture de la généalogie équine. « C’était un stud-book ambulant, il savait tout des grands courants de sang et savait où se trouvaient les bonnes juments. Je ne savais pas faire ça, moi ».


Ravenoville a longtemps rassemblé, rue de la Mer, les forces vives de l’élevage français. Michel était une référence dans la connaissance des lignées maternelles. Sa mémoire d’autodidacte était sans limite et son œil savait détecter les bons chevaux.


Eliane, qui se sent bien avec les chevaux, a maintenu une activité réduite depuis le départ de Michel emporté par un cancer des poumons en 2013.


L’histoire des Blondel, c’est aussi l’histoire de ce couple très complémentaire. Elle, dans la gynéco équine, par sa formation de vétérinaire, lui dans la sélection par ses connaissances et dans le commerce par son sens du contact et des relations.


Eliane se remémore les débuts à Ravenoville. « J’étais jeune vétérinaire en rural à Ste Mère Eglise et je soignais les vaches. C’est comme ça qu’on s’est connus. Il y avait quelques chevaux sur la ferme mais sans plus. Au cours de ma formation j’ai beaucoup appris sur la gynéco équine auprès du Dr Delahaye. A cette époque-là ce sont les agents des Haras Nationaux qui faisaient les échographies. Tout cela a rapidement évolué vers le privé. Au début des années 80, Michel était à la recherche d’une souche maternelle qu’avait eu son grand-père, celle de Ravissante, une jument de carriole qui fut vendue à Alfred Lefèvre. Dans la descendance de Ravissante se trouvait le crack étalon Sans Souci (Debuché) qui fit les Jeux Olympiques en 1972 avec Marcel Rozier. Sa fine connaissance du milieu l’a conduit chez Mme Gavrel à St Ouen-sur-Iton dans l’Orne où se trouvait une certaine Phédra Ratelière. Ce n’était pas celle-là qui était à vendre, mais c’est elle qu’il a achetée. »


Phédra avait pour 4e mère Ravissante qui avait produit Héloïse, mère de Sans Souci et de Uméa, sa propre sœur qui croisée à Nankin donna Inkime, la mère de Phédra Ratelière, fille de Belphégor IV x Furioso ps x Précipitation ps). Sa propre sœur, Ratelière, rejoignit aussi le haras de Blondel. Il y avait du sang…


Eliane a très tôt partagé la passion de son mari pour assez vite ne plus faire que de la gynéco équine. D’ailleurs, les vaches de réforme à l’engraissement ont vite laissé la place aux chevaux sur la ferme.


En 86, Le Condéen (Grand Veneur) né chez Louis Malle à la Carbonnière arrive au haras de Ravenoville pour faire la monte naturelle. De Normandie et de la France entière, les éleveurs amènent leurs bonnes juments ici. La bonne herbe normande et la qualité du service ont fait la réputation du haras. En 88, c’est le début de la mise en place de la semence congelée au haras. Eliane fait sa formation de chef de centre et passe à la récolte de la semence. Affecté par une métrite contagieuse, Le Condéen va siffler la fin de la monte naturelle en 89. Eliane récoltera et congèlera la semence de tous les étalons qui passeront au haras de Blondel. Elle en cite quelques-uns : Vondéen, Mr Blue, Calvaro, Désir du Château.


Quelques années plus tard, en 96, l’ère des naissances par transfert d’embryon débute. D’abord chez Sabine Osserer avec « Elle Génétique ». Alexis Pignolet fut un pionnier dans cette nouvelle technique. Eliane se forme à nouveau et pratique seule les transferts d’embryon sur des trotteuses de réforme. A la vingtaine de poulinières de sport, s’ajouta une vingtaine de trotteuses, poulinières et porteuses.


Inutile de préciser qu’en dehors de l’administratif, de la gynéco et des poulinages, il n’y avait pas beaucoup de place pour une autre activité pendant la saison de monte.


Depuis 2013, Eliane a considérablement réduit l’activité. Ni son fils ni sa fille n’ont décidé de prolonger l’histoire des Blondel. Les trotteuses ont été vendues ainsi qu’une bonne partie des juments de sport et des poulains. Elle garde trois filles et trois petites-filles de Phédra qu’elle met à la reproduction. Si le grand haras de Blondel a perdu de sa vitalité, l’affixe lui, est toujours et pour longtemps synonyme de haute valeur génétique.


Eliane y est pour beaucoup.


Etienne Robert


18/07/2019

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