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Femme de cheval : Elodie Chollet : la passion de la reproduction

  • Elodie Chollet
    Elodie Chollet
Etonnante femme, la dame du Petit-Hautier. Vétérinaire de formation, elle a basculé, à l’issue de ses études, dans la gynécologie équine. Et ça dure.


Elle est aujourd’hui à la tête d’un centre de reproduction qui voit passer chez elle et ses deux assistantes vétérinaires quelque 220 juments et une trentaine d’étalons à prélever. Son métier, elle ne l’envisage que sous l’angle exclusif de la passion. « Le jour où je serai moins passionnée, dit-elle, j’arrêterai parce que sans passion on travaille moins bien et on n’a pas de bons résultats ».


Elle partage sa vie entre son mari, cocher aux guides d’un attelage de Boulonnais noirs, visibles dans les grandes occasions, ses chevaux et ses 10 chats. Totalement investie dans son métier de vétérinaire-chef de centre, elle est aussi présidente de la Fadeteq qui a lancé récemment l’opération labellisation des centres de repro. « Apprentie » étalonnière, elle nourrit le projet d’étendre son activité à la transplantation d’embryons.


Infatigable femme de cheval, pro-active, partenaire du haras de Cordemais (44) dirigé par deux femmes, vétérinaires elles aussi, dont nous évoquerons les parcours dans une prochaine édition.


Racontez-nous comment vous en êtes arrivée là ?


« C’est une longue histoire. Je ne suis pas du tout de la région, je suis née à Hyères-les Palmiers dans le Var, dans une famille qui n’était pas du tout dans le cheval, et en fait à l’âge de 4 ans je suis montée sur un poney à Villars-de-Lans et puis voilà je suis tombée amoureuse des chevaux. A partir de ce jour-là j’ai tanné mes parents pour faire de l’équitation. A 7 ans, j’avais les jambes qui tapaient le quartier de la selle au lieu de donner des coups de talons à la jument... Toute ma jeunesse je l’ai passée dans mon centre équestre. Après mon bac je suis allée faire mes études à l’école vétérinaire de Lyon.


Mon idée était de travailler avec les animaux et plus particulièrement avec les chevaux. J’ai fait vétérinaire vraiment pour être vétérinaire équin. Quand j’ai terminé mes études je suis allée travailler à côté de Compiègne, chez le Dr Olivier Laude. Chez lui j’ai fait un petit peu de gynécologie et j’ai découvert l’échographie et là j’ai attrapé le virus de la gynécologie. C’est lui qui m’a tout appris. Ensuite, avec Luc mon mari, on s’est installés à Ménerval, à Petit-Hautier. On acheté en 2002 et vu le potentiel de la propriété, on a fait une partie cabinet vétérinaire, une partie écurie de pensions et dès l’année 2004 j’ai commencé à développer de nouveau la reproduction avec 15 juments la première année, puis une trentaine la deuxième année. En 2008 on est arrivés à avoir trop de juments pour gérer ça dans le cabinet vétérinaire. J’ai donc fait ma formation de chef de centre pour avoir le droit de faire du sperme congelé, réfrigéré, pour faire du transfert d’embryons, et parallèlement on a monté un bâtiment dédié à la reproduction, dans lequel j’ai la salle de monte, le laboratoire et la salle de gynécologie. On a fait un agrandissement des écuries aussi pour pouvoir développer complètement toutes les activités de reproduction sur la ferme ».


Il y a une grosse population d’éleveurs autour de chez vous ?


« C’est principalement des éleveurs amateurs. Je suis en Seine-Maritime au carrefour de l’Oise, de la Somme, de l’Eure, et pas très loin de la région parisienne. Donc je draine des éleveurs amateurs principalement de toutes ces régions-là. Je ne fais quasiment que du cheval de selle et beaucoup de poneys. L’année dernière on a fait 220 juments, 45 poulinages sur place et on congèle une vingtaine d’étalons par an. Pour les poulinages, j’ai une écurie spéciale avec de très grands boxes de 5x4 m, avec surveillance vidéo et des cornadis ».


Constatez-vous un nouvel intérêt pour la reproduction ?


« Pendant la crise on a eu une stagnation, mais on n’a pas vraiment baissé, et là depuis deux ans, on ressent de nouveau un élan. Les gens sont très motivés. L’année dernière on a eu beaucoup de nouveaux clients et cette année aussi. Certains, dès le début de l’année, sont impatients de choisir leur étalon et voudraient amener les juments au mois de janvier pour faire les échographies. Depuis deux ans, on est plusieurs centres à avoir ce sentiment d’un nouvel engouement pour faire naître ».


Et ce sont toujours des gens qui ont une ou deux poulinières ?


« Ma clientèle, c’est quasi exclusivement le petit amateur qui a sa petite jument de concours, qui veut se faire plaisir, et qui veut fabriquer un poulain, parfois avec un étalon prestigieux comme Cornet ou Casall. J’ai d’autres éleveurs, amateurs éclairés comme M. Patrick Delarche notamment, l’élevage de Mazure, qui lui a une bonne dizaine de poulinières et qui produit de très bons chevaux comme Vestale de Mazure*HDC (Landor S-Quidam) qui tourne avec Patrice Delaveau.


C’est un élevage de Selle Français avec de très belles origines. Plusieurs de ses chevaux dont Talisman de Mazure évoluent à haut niveau en France comme à l’étranger ».


Et en dehors de la période de reproduction, que devient Elodie Chollet ?


« Eh bien, en dehors de la période de gynécologie je m’occupe des étalons. Je fais la congélation de la semence et je garde une petite activité de vétérinaire équin en Automne-Hiver. Mais maintenant c’est de plus en plus petit parce que je me concentre uniquement sur la reproduction. En hiver c’est la congélation des étalons, la préparation de la nouvelle saison avec les publicités avec les étalons dont je fais la promotion, puisque depuis quelques années je me suis mise « apprentie » étalonnière. Je développe un petit catalogue avec des étalons de clients notamment, que je distribue, et c’est moi qui les ai congelés par exemple, comme Dexter du Neuhof ou Swing de Hus et le poney Orchard NL ».


Comment voyez-vous l’évolution de ce métier de la reproduction ?


« Moi je fais de la récolte d’embryons, je ne fais pas encore de transfert, parce qu’il y a quand même une question de logistique. C’est un petit peu dur pour moi d’envisager d’avoir un vrai troupeau de porteuses mais c’est quelque chose qui est dans ma tête parce que ces dernières années on a manqué de porteuses. Je travaille avec Equi-Technic pour les transferts d’embryons et chaque année c’est vrai qu’on se retrouve au moins de juin ou juillet à ne plus avoir de porteuses disponibles ni chez les uns ni chez les autres. Et c’est sûr qu’avec l’ICSI ça risque de ne pas s’arranger. Dans ma clientèle, complètement amateur, il y a un engouement incroyable pour cette technique. Même en leur donnant le tarif, ça ne les rebute pas. Il y en a qui aimeraient bien tenter l’expérience sur leurs juments pour avoir un ou deux embryons issus de l’ICSI . Avec notamment des juments âgées, ils se disent eh bien pourquoi ne pas tenter une FIV. La plupart du temps ce sont d’assez bonnes juments mais on ne parle pas de la championne olympique, ni de la championne d’Europe. Des juments qui ont tourné en 135, à moyen niveau. Je pense que dans l’avenir ça va avoir finalement un certain succès. Je n’y croyais pas vraiment il y a quelques années, parce que effectivement les tarifs étaient très élevés, mais maintenant ça commence à devenir presque abordable. Et avec des avantages intéressants : l’embryon congelé on peut le remettre en place sur n’importe quelle autre jument quand on a envie. On peut aussi le vendre.


L’ICSI va permettre d’utiliser les paillettes rares d’une autre manière que l’insémination classique. Pour nous en insémination classique on va peut-être retrouver une quantité de paillettes plus normale mais pour l’instant ce n’est pas le cas. Pour beaucoup d’étalons on est avec une quantité de semences réduite »


Vous avez un partenariat avec le haras de Cordemais ?


« Oui c’est ça. En fait, à la base, Charlotte et moi on est copines et on est toutes les deux vétérinaires. On a toutes les deux des étalons que l’on distribue dans notre centre et à travers toute la France en réfrigéré ou en congelé et donc on s’est dit que ce serait bête de ne pas essayer de se regrouper. Nous proposons ainsi à nos clients un catalogue plus important. Du coup chacune propose ses propres étalons plus les étalons de l’autre et on fait des conditions commerciales avantageuses évidemment. C’est-à-dire que si moi je prends un étalon réfrigéré du Haras de Cordemais, mes clients auront un tarif préférentiel par rapport à un étalon réfrigéré d’ailleurs ».


Il y a un étalon qui domine dans les demandes ?


« Cette année c’est assez nivelé. Chez moi les deux plus demandés c’est Okavango Semilly et Riesling du Monselet qui sont en frais. Après en congelé je trouve que cette année, mes clients ont du mal à choisir parce qu’il y a de plus en plus d’étalons. On a vu à St Lô le nombre d’étalons présentés, il y a plein de bons et les gens ne savent plus quoi choisir. Il y a All Star qui est un peu la star cette année, Colestus, Cartany toujours. C’est assez diffus, cette année ».


Des loisirs ?


« On aime bien le cinéma quand on peut y aller, et on aime la bonne cuisine et les bons vins. Et on aime bien la région Bourgogne, c’est probablement là-bas qu’on ira faire une seconde vie professionnelle un jour. Parce que physiquement je ne sais pas si on tiendra Luc et moi jusqu’à 65 ans à faire ce qu’on fait là à l’heure actuelle. On pense donc peut-être à une reconversion en Bourgogne ».


E. R.


25/04/2019

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