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« Santiago ! » (Episode 6) Maurice Tabac

La frontière espagnoleLe compostella Je passe le reste de l’après midi à visiter la ville, à étudier la carte, à faire le plein de grain et à discuter avec des pélerins redoutant comme moi la montée sur RONCEVAUX.
Cette étape fait peur par son dénivelé et l’altitude. Il faut quelques fois crapahuter dans la neige. La soirée se passe au resto pour se donner du courage. Un couple assis à la table d’à côté entame la conversation. « Nous vous avons vu arriver ! Faire St Jacques à cheval trop facile ! Où allons- nous ? Les gens n’ ont plus le goût de l’effort, n’importe quoi !! » Voilà mon premier contact avec ce monde où la tolérance et l’amitié devraient être attendus.

L’Espagne

Il fait froid ce mercredi matin et la brume est épaisse. Pour cette étape phare, la traversée des Pyrénées, tout le monde s’est levé tôt, peu de mots sont échangés parmi la centaine de pélerins, mais la tension est palpable, tout le monde est prêt à en découdre. Je laisse partir, en buvant un café en terrasse, le gros de la troupe. Les observer est révélateur de l’appréhension qui règne : l’équipement est soigné, les sacs à dos sont protégés dans leurs housses imperméables, même les chaussures sont lacées plus serrées et les regards sont tournés vers le somme. C’est sans bruit, en toute humilité que l’ascension commence. Tout d’abord, un peu de bitume puis le pourcentage de la montée s’accentue sur un chemin rocailleux et ensuite dans les pâturages d’estive la grimpette nous agresse. Elle est raide et glissante je suis parti à pied pour mettre les machines en route. Sur un sentier à chèvres deux ponts m’obligent à une séance de débâtage bâtage idéale pour se réchauffer. Sur ces petits ponts de bois Loug hésite depuis qu’une latte s’est cassée sous son postérieur gauche. Alors j’amène Lasco, qui renifle et s’il juge que c’est solide s’engage (même pas peur) quel dommage de ne pouvoir admirer les paysages, nous sommes en plein brouillard et dans la tourmente. Après quatre heures de marche c’est la plongée plein sud. La pente est abrupte, puis à l’ entrée d’une hétraie elle s’adoucit. Nous nous arrêtons pour souffler et pour rééquilibrer les sacoches de bât qui dans les longues descentes avancent sur les épaules de Lasco. Pendant une heure nous descendons sans problème majeur ce sentier à chèvres. Aîe aîe ! Une partie du chemin s’est effondrée ne laissant qu’ un passage pour piéton volontaire. Impossible de faire demi tour, pas assez de largeur, je sens la peur arriver et je m’oblige à prendre une décision; élargir ces trois mètres ; les chevaux sont calmes, pas inquiets, papa débrouille-toi, j’attache Loug à une branche et avec les moyens du bord c’est à dire un tronc d’arbre trouvé dans l’ébouli, des grosses branches, des pierres, de la terre, j’élargis de 50 centimètres ce passage. Je tasse le tout en sautant dessus comme un malade pour tester la résistance puis à pas comptés nous avançons. Mon système résiste ouf, je suis trempé de sueur, je tremble mais nous sommes passés, imaginez ce qui aurait pu arriver. Pendant plusieurs jours, j’ai rêvé du pire, ce tracé mène directement depuis le col à l’abbaye de Roncevaux. Depuis Saint-Lô c’est l’étape la plus remarquable, la plus technique, celle qui restera dans ma mémoire et encore, s’il avait fait beau quel panorama. Je suis heureux; content de cette journée et à l’arrivée, lorsque des pélerins qui, mine de rien, m’attendaient ont applaudi, nous nous sommes redressés. Aprés avoir fait tamponner le crédencial, le responsable nous a dirigés à l’écart dans un camping pour que les chevaux aient de l’herbe. Et moi, il m’a installé dans un bungalow. Au refuge, il y a plus de 150 pélerins des cinq continents et tout ce monde discute, s’aide, partage le repas, les médicaments avec le langage universel des mains, malgré tout ça, les guerres, sévices de par le monde, j’ ai pris mon repas avec deux canadiens avant de rejoindre mon abri. Il fait encore nuit quand les chevaux réclament leur pitance en donnant des coups de tête à la porte du bungalow. ?Debout ! Dehors il fait froid, à la limite de la gelée, je range mon campement, avale un café en mangeant des biscuits.

L’étape d’aujourd’hui est facile et courte 25 km avec un peu de dénivelé au départ, juste un débâtage, ce n’est qu’ en arrivant que les ennuis ont commencé. Sur le guide (fourni par les amis de Saint- Jacques), il est mentionné « accepte les chevaux » et malgré ça je suis viré sans ménagement. Je crie, proteste, mais rien n’y fait, chevaux proscrits, oust, il faut donc continuer. 4 km plus loin un petit clos bordé d’un muret de pierres sèches me tend les bras. Arrêt, et à l’abri du muret je monte le camp. Ça, c’est tout un rituel : d’abord dépierrer l’endroit du couchage, puis dans l’ordre, la bache du bât pour m’isoler de l’humidité recouverte de la couverture en laine du bât, dessus les deux gros tapis de selle bout à bout comme matelas, ensuite le sac de couchage avec à l’interieur le sac à viande, puis la couverture de selle, et enfin, s’il fait mauvais, la bache de selle. De cette façon je n’ai jamais eu froid. Après cette nuit sans ronfleurs, direction Pampelune. Le chemin serpente à flanc de montagne et il fait un temps magnifique. C’est très bien balisé, rouge et blanc, comme en France. Dans les endroits stratégiques une pancarte bleue et jaune (Camino de Santiago ) montre la voie. Pampelune approche : notre première grosse ville espagnole. C’est parti, les rues sont étroites et le sol est fait de pavés de granit polis très glissants. Comme j’ai fait ferrer avec des cônes de tungstène c’est un récital de glissades entre les tables et chaises des terrasses, les poussettes d’enfants, les vasques de fleurs et les habitants qui veulent faire un câlin aux chevaux, rien pour moi.

Le balisage nous amène visiter toute la ville (faut faire marcher le commerce) l’église, la mairie, la bibliothèque, les musées, les squares, les écoles, tout y passe. Je suis sorti éreinté de cette ville. Ce n’est que le soir à l’auberge de Cizor Menor que j’apprends que la ville est intertite aux chevaux. Ah, je comprends pourquoi j’entendais dans mon dos “proscritos caballos”. Ce soir je m’offre le restaurant , merci les éleveurs de l’Adecno. Je me couche, j’ai l’intention de partir tôt demain pour visiter Puente La Reina. Le matin à la pointe du jour je donne le grain et déjà des pélerins partent. Certains sont des sportifs qui ne visent que le chrono mais d’autres, obèses, boiteux, handicapés, âgés, poussant ou tirant des charriots, sont aussi sur le départ. Ce sont eux qui font le chemin, moi je ne suis qu’un touriste. Cette quatrième étape est terrible pour les marcheurs, toute la journée j’ai aidé, réconforté, chargé Lasco, porté des sacs de gens mal entraînés, chaussures ôtées, se massant les pieds, perçant des ampoules, frottant au camphre des tendinites - que de souffrances.

(Prochain épisode : « A côté du courage il y a le courage qui ?accepte »

10/06/2010

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